Ce château est trop grand. Trop beau trop riche trop trop trop trop. Il n'aime pas s'y rendre -tout ce rouge l'attire si fort pourtant. Juliette. Ce n'est que pour elle qu'il fait l'effort, malgré les doutes. La confiance brisée. Pour lui faire comprendre, peut-être. Plus tard, plus tard Jabberwocky, aujourd'hui il n'y a que les plans du lendemain qui l'intéressent sa jolie Reine. Elle n'écoutera pas alors... Il écoutera pour elle, aujourd'hui. Docile, tu vois ? Docile, si seulement.
Dans ses pensées tordues le dragon se perd. Grimpe les marches tranquillement, corps droit visage fermé (toujours). Observe d'un oeil distrait les gardes se figer; est-ce qu'ils tremblent ? Il ne voit pas bien d'aussi loin, mais l'idée ne lui hausse pas même un sourire. Il avance, simplement. Regard vide, pas fantômes. Transparent pourtant si présent, de corps mais pas d'esprit, l'homme malade s'est enfuit bien loin déjà. Présent de corps, donc, juste assez pour percuter le plus bruyant des manants présents ce matin.

Qu'importe.
Continue le chemin alors -espère.
Un pas, deux pas; se retourne finalement, iris brûlants glacés droits dans les tiens. (est-ce que tu lui as vraiment parlé ?)

— Quoi.

Pauvre fou.

Quoi.
Tu as beau être tout petit tu ne manques pas de culot, dis. Tu sais, si ça n'avait pas été aujourd'hui, il aurait pu s'en amuser Jabberwocky. Seulement aujourd'hui il n'a pas envie, et toi, petite fourmi avec ou sans ta caissette, tu l'énerves un peu. Pourtant le voilà sidéré, Jabberwocky et sa grande gueule bien fermées subjugués par ce toupet qui t'anime. Tu dis sans gêne, mais toi qu'es-tu petit être au chapeau rouge ?

— Tu parles beaucoup pour un marmot.

La langue est acérée, si froide tandis qu'il te toise encore encore encore de son regard émeraude. Garde le jaune pour plus tard, pour les vraies colères, celles qui détruisent à la fois la raison et l'âme. Toi il ne faut que t'effrayer, pas vrai ?

— Sa Majesté n'a pas de temps à perdre avec quelqu'un comme toi. Va-t'en.

Il y a plus important.
Se retourne alors, majestueux le Jabberwocky qui s'approche encore des gardes au visage blême de peur. Pas un regard, ni vers toi ni vers eux qu'il sent déjà lui accorder l'accès au palais.

S'arrête encore, Jabberwocky. Pas le temps de se retourner cette fois que tu te faufiles habilement devant lui. Alors il te toise de son regard froid tandis que tu parles tu parles et tu parles encore ! Tu es insupportable, il ne sait même pas quoi te répondre à vrai dire. Parce que tu lui sembles de ces gens vicieux qui s'accrochent comme des sangsues aux autres pour ne plus jamais les lâcher. C'est vicieux -et il n'a carrément pas envie que tu lui prennes la tête pour l'éternité.

— Tu crois ?

Que personne n'a de temps à perdre avec lui.
Ça l'amuse autant que cette situation l'agace, parce qu'il n'a pas le temps de tergiverser plus longtemps avec un gamin à peine sortit du nid, mais en même temps il a bien envie de te chercher encore un peu. Il se demande si tu as peur des dragons, toi aussi.

— J'en toucherai mot à sa Majesté lors de notre entrevue.

Et tac! -c'est comme ça que tu dis ?
Hausse les sourcils légèrement, te demande silencieusement si tu as autre chose à ajouter avant de lever le regard vers la garde pour qu'ils t'ouvrent l'accès.

Le reporte sur toi ensuite.

— J'espère que tu tiens à ta tête, elle n'apprécie guère les écervelés.

Les enfants tout court non plus, sans doute.

Il n'aurait jamais dû dire ça.
Il ne t'a pas incité à continuer, tu t'es incité tout seul mais il se rend bien compte maintenant que ses paroles n'étaient pas très claires. Tu n'as pas compris qu'il te demandait de dégager, ça l'agace. Constate alors, las et fatigué, que tu fais bel et bien parti des sangsues de Wonderland. Tu es une plaie -infectée, à vif ça ne se soigne pas comme ça. Faudrait-il lui couper le bras alors ? La tête pour ne plus t'entendre, la tienne. La tienne pour qu'enfin tu te taises, il en meurt d'envie.

Il n'écoute pas. Pas totalement -bien forcé en attendant que les grilles ne se soulèvent, tu sais. Il n'écoute pas et pourtant saisit très bien de quelle Tour tu parles, de quel Nulle-Part. Tu parles de son coeur, de sa lune, de son monde. Tu parles de Susan, son univers, le fils du temps.
Comment tu oses ?

Furieux, Jabberwocky te regarde alors et les iris ne sont plus d'émeraudes ils ont viré jaune si jaune. Jaune jaune jaune, l'homme excédé. Tu parles beaucoup beaucoup trop.

— Tu parles tu parles tu parles. Tais-toi !
Ferme la.

Vraiment.

— Une syllabe de plus et je te tue.

Tu ne mérites que ça, tu ne serais pas une grande perte, tu sais ? Tu n'es rien, il n'a même pas ton nom.

— Tu es allé proposer un fastfood au fils du temps, et tu oses venir déranger sa Majesté -me déranger moi pour un fastfood ! Tu es un idiot. Tais-toi, je t'assassine.

Juliette n'en a que faire des fastfood, il n'est même pas certain qu'elle sache de quoi il en retourne. Rapidement offre une oeillade aux gardes, la grille est levée alors il n'a plus rien à faire ici désormais.

S'apprête à partir, Jabberwocky totalement dépassé par la stupidité de tes propos. Il te déteste. (y mêler Susan ce n'est pas fair-play) Il te déteste.

Juliette n'aime pas que l'on abîme les jolis murs de son palais, ni les doux parterres qui le bordent si ce n'est pas indiqué (qu'elle l'ordonne de son air si tendre outré), non elle n'aime pas. Juliette est maîtresse de ce monde et son fief est ce palais, il faut le respecter. Pourtant tu parles toujours trop, pourtant pourtant petit homme
h o r r i p i l a n t, tu as dépassé depuis bien longtemps déjà la syllabe de ta perte. Et tu continues. Susan grincheux. Si ça n'avait pas été toi qui l'agace tant, sans doute aurait-il sourit à l'entente de cette vérité.

Mais toi.
T o i..

Ne s'empêche plus de gronder la bête, alors tu l'entends pas vrai ? Forcément. Il ne  bouge plus mais ses yeux si jaunes te fusillent et il gronde il gronde le Jabberwocky ! N'as-tu toujours pas comprit qu'il ne fallait pas embêter les monstres ? Regarde petit homme ! Même les gardes ne réagissent plus. Blêmes de peur, bien plus que tout à l'heure. Ils le laisseront te tuer alors alors... Jabberwocky ne se retient pas. Un coup de pieds pour t'envoyer contre le mur d'enceinte juste à côté -si petit si léger et pourtant si grande gueule. C'est n'importe quoi. Lamentable.

Son poing en porte-manteau sur le col de ta chemise, il te soulève alors brusquement pour te replaquer contre la pierre et t'avoir à hauteur de ses yeux.

— Tu ne comprends vraiment rien, hein ?
Je vais te tuer.

Dégaine de sa main libre l'épée à sa taille pour porter la pointe à ta gorge.
Prêt à t'embrocher.

— La ferme !

Tu parles encore même une lame sous ta gorge. Es-tu fou à ce point ? Jabberwocky alors gronde plus fort que les autres fois, tandis que sa main va pour enfoncer l'épée dans ta chair pour te découper et te faire taire à jamais. Il n'en était plus très loin lorsqu'une voix l'interpelle fortement soudain. Le geste qui s'arrête, la lame à quelques millimètres à peine de ton corps, il tourne la tête pour apercevoir près des portes et des gardes blêmes le fidèle messager de sa Reine.

Elle demande qu'il te lâche -ordonne parce que Sa Majesté attend, et tout le monde sait que Juliette n'aime pas attendre. Tu as de la chance avorton, Jubilee vient de te sauver la vie. Tu lui en dois une.

— Tss.

Brusquement ses doigts qui te relâchent sans qu'il ne retire son épée, alors ta peau s'entaille légèrement tandis qu'il ne prend même plus la peine de te considérer. Range l'arme dans son fourreau et s'en va simplement à la suite de Jubilee dans l'enceinte du château. Sa Reine l'a assez attendu pour aujourd'hui.

Ne réapparais plus jamais devant lui car la prochaine fois il ne te loupera pas.




Fin.
(jtm)