Tu es surprise. Une missive, qu’elle n’attendait pas. L’envoyeur ? Le conseiller de la reine lui-même. Pas expressive Ariana, sa surprise on ne la voit pas, son esprit lui tente de relativiser. Sans doute qu’elle n’avait rien fait de grave au point de se faire couper la tête, en revanche, il était fort probable que la raison principale soit ses absences au Moulin.

Convocation précise, horaire pile, mademoiselle réglée comme une montre suisse, elle n’arrive pas en retard, pas en avance, simplement et purement pile à l’heure. Un hochement de tête pour remercier la personne l’ayant accompagnée, le sourire impossible. Légère appréhension, les mains qui tremblent, mais elle ne se balance pas sur place, elle n’a pas le temps, son attention sur le propriétaire de ce bureau. Invitée, elle se permet donc de s’installer sur le siège, passant sa main sur celle-ci au préalable, ouf, la texture était acceptable.

Essaye de se concentrer sur ce qu’il dit, le cerveau qui crie de regarder ailleurs de s’attarder sur des détails étranges, comme le visage flou de cet homme, fixe ses lèvres nettes. Prend sur elle pour ne pas se laisser divaguer, ne pas donner l’impression qu’elle se fiche de ses paroles.

Ne donne-t-on pas une heure précise pour qu’elle soit respectée ? Cela n’apporte rien d’arriver trop en avance et être en retard n’est pas concevable.

Et pourtant, elle ne se pointe pas au travail parfois Ari. Ni en avance ni en retard, dira-t-elle, juste pas là. Hoche de nouveau la tête, un merci discret pour le café. Nouvelle distraction, alors qu’on lui adresse de nouveau la parole. Accablée par la vérité, elle ne se sent pourtant pas visée, pas coupable. Ne peut qu’être honnête l’inexacte.

En effet. Je ne sais guère si mes raisons sont bonnes, mais je trouve parfois difficile de me rendre dans un lieu où le monde s’agglutine, la musique et les rires en cacophonies. Il m’arrive également d’oublier de m’y rendre… Ce siège est plutôt confortable, où l'avez-vous trouvé ?

Dissipée, l’esprit qui divague alors qu’elle bouge un peu sur cedit siège, difficulté à rester statique, les narines attaquées par la fragrance du café qu’elle n’a toujours pas daigné goûter. Elle n’aime pas le café Ariana, c’est trop fort, ça sent mauvais, mais elle a omis de le préciser, pure politesse.

Est-ce que je vais perdre mon travail ? Je ne peux pas laisser cela arriver, Andrea m’en voudrait.

Parce qu’elle a peur de le décevoir une nouvelle fois, qu’elle n’est pas ignorante du fait qu’il donne de l’argent au Moulin pour l’aider, elle aimerait faire de même, éternelle petite sœur, éternellement choyée.

Tu es obsédée. Andrea, Andrea, Andrea, son prénom tambourinait dans son esprit. Une nouvelle fixette, papillonne la demoiselle, elle n’ayant qu’un seul et unique but, qu’une seule ligne directrice ; brouillée par la simple existence de son frère, son autre moitié. Ariana serait-elle Ariana sans son existence ? Serait-elle complète ? Vivrait-elle aussi décemment et facilement s’il n’était pas ? Reporte son attention sur la réponse à sa question concernant le siège, Christmas Town. Ça ravivait des souvenirs. On en revenait de nouveau à Andrea. Puis des mots qui la rassurent d’un côté - il n’était pas en position de la retirer de son poste, lui font peur de l’autre - Lior savait se montrer vindicatif, Ari insensible à la douleur, mais pas aux mots qui peuvent la sortir de son quotidien, briser sa routine - licenciement.

En pleine réflexion, sur ce qu’elle pouvait lui dire, avouer. Trop de mots emplissent son esprit, comment présenter Andrea ? Pouvait-elle se permettre de parler de lui, ne le mettrait-elle pas en danger en en disant trop ? Bien trop au courant du conflit entre son parti et celui choisi par son jumeau. Faire confiance. C’était bien difficile, un concept fort étrange, se confesser à une personne les yeux fermés sans se questionner sur les conséquences, sur les réactions de la personne. Elle ne comprenait pas les gens Ariana, incapable de dire si oui ou non ils étaient honnêtes et garderaient ses paroles pour eux, considère qu’on n’utilisera jamais rien contre elle. Naïve. Incompréhension de l’horreur de la nature humaine.

Arrachée à la construction de sa réponse. Le café. L’arôme qui attaque de nouveau ses narines, enserre la tasse par réflexe, réaction physique quant à la mention de cette boisson. Formatée. Copie les gestes vus, sans pour autant s’oser à prendre une gorgée de ce liquide peu aimé.

Ce n’est pas à mon goût. J’ai quelques difficultés avec les effets de cette boisson énergisante psychotrope stimulante. L’arôme est envahissant, je n’aime pas avoir l'organe olfactif monopolisé par une odeur trop forte, trop singulière. Oh, je n’aime pas manger de raisin sec non plus, car je n’aime pas manger des aliments avec des rides. Donc Andrea....

Divague une nouvelle fois, pourrait faire un exposé sur les aliments qu’elle n’apprécie pas consommer, de par leur consistance, leur odeur, leur forme, leur texture.

Je ne sais pas si je peux vous dire tout ce que j’ai envie de dire. On me dit souvent que je suis facile à… quel est le terme utilisé déjà… berner ? Le choix de verbe semble dissonant, je préférerais entendre duper, ou même empapaouter, au moins c’est amusant à prononcer, haha.

Un rire presque robotique, se voulait être naturel, mais elle ne savait pas rire. Visage sans émotion. Le regard peu rieur, fixé sur sa tasse. Oublie qu'elle était censée parler de son doppelgänger.

Vous semblez bien plus informé sur ma personne que je ne le suis sur la vôtre. Pas que je sois plus intéressée que cela, mais vous éveillez une part de curiosité, m’avez vous vraiment fait venir pour parler de ma dissidence ? De mon manque de sérieux ? Ou suis-je une expérimentation de par mon comportement certainement étrange pour tout homo sapiens classique ?

Laisse en suspens quelques secondes avant d’enchaîner, de nouveau dissipée.

Je pourrais avoir un verre d’eau chaude, s’il vous plaît ?

Pour le refroidir de par elle-même, se donner l’impression qu’elle a la main sur son pouvoir, chercher un quelconque lien avec son frère, façon de se rassurer en quelque sorte.