un problème pour futur lui, qu'il avait dit.
se perdre n'était toutefois pas dans ses plans — aujourd'hui, du moins.
surtout pas quand il avait réellement une raison d'être ici, et pas seulement envie de se dégourdir les jambes.
sauf que c'était rapidement devenu le cadet de ses soucis, l'absence de repères familiers dans cette trop grande ville.
embarqué contre son gré dans la combine d'un parfait inconnu, affichant son plus beau sourire, tout en corroborant à son histoire avec assurance.
brave petit trèfle cherchant à grimper les rangs, devenir soldat.
absolument pas un menteur effronté et trop habitué à jouer un rôle.
ariel s'est laissé entraîner à sa suite, histoire de faire perdurer la supercherie — c'est qu'il n'a pas envie que ça lui retombe dessus.
ou sur eux deux.

il se laisse aller, le fixe fredonner une chanson qu'il ne connaît pas, tout en s'agitant.
il suit vaguement le mouvement, tente d'ignorer les regards des passants interloqués.
on capte distraitement poudre dans les murmures, et ça fini par le faire rire.
le ridicule de la situation suffit à étouffer la nervosité grimpante résultant de toute cette entreprise.
et quand ils se sont suffisamment éloignés, le manège s'arrête.
fait beau, tranquille.
il en doute, ariel, mais fait mine d'acquiescer.
et s'il lui avait dit pourquoi il était là ?
ah.

— non, je n'ai pas eu le temps.

accusation à peine voilée, sourcils froncés.
maintenant qu'il a le temps d'en caser une et qu'il n'a plus à jouer la comédie.
il fixe la chaîne, dubitatif, hausse ensuite les épaules avant de l'attraper entre ses doigts, l'observer.
jolie.
souffle un merci, restant ensuite silencieux quelques instants.

— elle te prend souvent, l'envie de voler et d'entraîner le premier inconnu qui passe dans tes histoires ?

c'est un peu trop brusque, le fait grincer des dents, mais franc.
ça le laisse réellement perplexe.
et amusé, quand on passe l'anxiété qui lui court toujours dans les veines.
la réputation du royaume de coeur et de ses habitants est terrifiante, et l'envie de leur chercher des noises frise le zéro absolu.

il le considère en silence, ariel.
lui et ses mots, sa justification quant à sa lubie aussi imprévue que saugrenue.
arque un sourcil en le voyant agiter ses doigts devant lui, avant d'esquisser un sourire.
c'est qu'il est diablement vivant, et il se surprend à l'envier, d'être aussi nonchalant.
étouffant le négatif, pour se concentrer sur le positif, il ne peut qu'admettre qu'il est d'agréable, bien que drôle, compagnie.
et qu'il peut daigner lui octroyer une réponse.

— perdu. j'étais perdu.

l'est toujours, d'ailleurs.
mais au moins, l'un d'entre eux semble être apte à naviguer dans les rues tortueuses de crims.
peut-être pouvait-il lui poser quelques questions, ça lui permettrait de finalement rejoindre l-
à peine avait-il récupéré son bras, et son espace personnel, que son interlocuteur décide qu'il n'en a pas terminé avec lui.
maison toute compressée ?
ariel jette un oeil aux bâtiments, n'ayant jamais réellement fait attention à l'architecture, mais se rend bien rapidement à l'évidence : avant de faire du tourisme, il doit regarder où il met les pieds.
surtout quand il manque de percuter un passant, se confondant en excuses lancées par-dessus son épaule alors qu'ils bifurquent dans une autre allée.

— un- un emprunt ?

ça le fait rouler des yeux, rire désabusé qui s'échappe d'entre ses lèvres.
il ne s'imagine pas rendre le bien chapardé sans s'incriminer, et il tient étrangement à ce que sa tête reste accrochée à son cou.
certes, le marchand n'était probablement pas dans le besoin, mais est-ce que ça excusait réellement un vol ?
pas le temps de répliquer qu'un barrage de paroles lui éclate en pleine figure.

— ah- promis, je ne m'envolerai pas, tu sais ? secoue doucement la tête, avant de reprendre, ariel. je viens d'arriver, donc je présume que c'est normal si on ne s'est jamais croisés, puis la ville est grande.

véritable calvaire pour s'y retrouver, à son humble avis.

— et t- son regard suit le sien, tombe sur les pâtés, n'y pense même pas.

hausse un sourcil, clairement peu convaincu par son air innocent.
il a la preuve de son larcin dans l'une de ses poches, difficile de croire qu'il ne serait pas apte à chaparder un pauvre pâté.
mais il garde ses mains pour lui, manque plutôt de renverser un gamin — dont le regard les suit toujours, yeux ronds comme des soucoupes et plein de larmes, quand ils s'éloignent.
pincement au coeur, se retourne pour s'excuser, mais l'enfant a déjà disparu dans la foule.
ah, tans pis.

— ennuyeux ? je dirais... différent. moins coloré que neverland, mais plus animé que...

halloween city.
grinçant des dents, il préfère néanmoins se taire.
mieux faut éviter les sujets qui fâchent et-
il se fait tirer par la manche, lève les yeux pour suivre ce qu'anaël pointe du doigt et se retrouve confronté à un visage fort...
terrifiant.
il a envie de lui demander ce que c'est, d'où cela pouvait bien sortir, mais il n'a pas le temps, l'écoute parler sans comprendre un traître mot de ce qu'il venait de dire.
reste figé, ariel, à le fixer comme si une deuxième tête venait d'apparaître aux côtés de la première.
si l'idée ne lui avait pas effleuré l'esprit précédemment — trop occupé à penser aux conséquences de leurs actes, le peu de doutes qu'il aurait pu avoir sont balayé en un claquement de doigts.
un alice.

— ah, c'est le moment où je dois dire que je n'ai absolument aucune idée de ce à quoi tu faisais référence.

un peu trop léger, quand il annonce qu'il est on ne peut plus mort.
mais comme il n'a pas envie de faire disparaître l'éclat qui brille dans ses prunelles, autant tourner la tragédie au ridicule et faire comme si ça ne l'atteignait plus.

— mais, va savoir pourquoi, je ne suis pas spécialement enclin à mettre ma main dans la bouche de... désigne la fameuse sculpture du menton, ce truc.

tu vois, je ne serais pas étonné que ce soit vivant.
ce ne serait pas la chose la plus étrange, ici.

ne relève pas, quand anaël se hasarde à dire qu'il débarque du dix-neuvième siècle.
ses souvenirs sont peut-être inexistants et ses carnets, peu explicites concernant les dates, il sait pertinemment que ça ne fait pas si longtemps qu'il est là.
secoue la tête, quand il dit, plus poliment, qu'il est bien conservé pour un supposé vieillard.
merci, c'est la mort qui permet de garder un teint radieux pour l'éternité.
mais il tient sa langue, attrape sa veste quand le jeune homme se décide à grimper — recule d'un pas ariel, pour l'observer, lui et sa progression.
c'est qu'il n'a pas vraiment envie de le voir chuter.

une fois en haut, il ose lui adresser un sourire.
et, d'accord, il ne peut qu'admettre qu'il se débrouille bien, rigole même, quand il met sa main dans la bouche de la sculpture.
sauf que ça ne dure qu'une seconde, se meurt dans sa gorge celle d'après.
la statue arbore un sourire, jusqu'à ce qu'un visage apparaisse de nulle-part.
bingo, ce truc était vivant et venait de mordre anaël.
et semblait aussi chercher une nouvelle cible.

— je... passe ?

désolé étrange statue, ou peu importe ce que vous êtes, servir de casse-croûte n'est pas dans mes plans.
l'incompréhension se change toutefois en panique, quand anaël se fait soulever comme par magie.
dans le vide.
c'est qu'il se fiche bien des doigts et des têtes, ariel préférerait le savoir les deux pieds sur terre.

— vous- vous pourriez le déposer ? s'il vous plait ?

et non pas le faire tomber, pitié.

le chat du cheshire.
écarquille les yeux, à fixer le chat et anaël — toujours en train de flotter dans les airs.
un peu trop haut
ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance, ou malchance, de croiser les créateurs de ce monde, et il ne sait plus sur quel pied danser.
drôle de journée qui ne fait que devenir plus étrange encore.
mais, au moins, il écoute, dépose l'autre jeune homme au sol et ça apaise un peu les battements de son pauvre coeur, qui jusque-là, n'appréciait pas spécialement le spectacle.
rend sa veste à son propriétaire, ariel, sourire peu assuré aux lèvres.
tout le monde a les pieds sur terre.
du moins, au sens littéral du terme.

égarés ?
il en doute, pour anaël, mais lui, doit s'admettre bien perdu.
tout cela parce qu'on lui avait conseillé une boutique et qu'il avait décidé de se dégourdir les jambes, à jouer les touristes, explorant la capitale du royaume de coeur.
errer dans les rues de crims sans un guide, n'était, somme toute, pas sa plus brillante idée.

— enchanté.

hésite, ariel.
serait-ce malvenu d'offrir une simple poignée de main à ce qui s'apparente presque à une divinité en ce monde ?
une révérence serait probablement plus appropriée, quoique pompeuse-
abandonne rapidement l'idée.

— ariel.

un peu en retard, avec son air penaud au visage.

— si cela ne vous dérange pas, j'accepterais volontiers votre offre.

trop optimiste, la sirène.
c'est qu'il n'est pas au courant des tendances facétieuses du chat, et quoi de mieux qu'en faire les frais ?

il est forcé d'admettre qu'il est un brin déçu de constater que leurs chemins se séparent.
c'est qu'il se surprend à apprécier sa présence, à anaël — malgré ses expressions étranges et l'offense concernant son âge.
dix-neuvième siècle, vraiment ?
ou le fait de servir d'appuie-bras.
roule des yeux, ariel, contraste avec le sourire qui lui étire toutefois les lèvres.

— si l'envie de me perdre à crims me reprends, je penserai à toi. avec un peu de chance, nous devrions nous recroiser.

après tout, wonderland est plein de surprises et les coïncidences loufoques font parti intégrante du quotidien.
le voir de nouveau dans les rues de la capitale était déjà moins improbable que de croiser le chat du cheshire et pourtant, celui-ci était bel et bien présent.
se dégage doucement, ariel, tape la poche où se trouve le collier éhontément chapardé.

— merci encore, d'ailleurs.

on le portera fièrement, ce bijou, en se remémorant cette journée saugrenue avec amusement.
pour l'heure, elle n'est pas terminée — attention qui se porte sur chase et sa main tendue.
hésitation palpable, parce que les hauteurs et sa personne n'ont jamais fait bon ménage, mais fini toutefois par l'attraper.

— on m'a vanté les mérites d'un salon de thé, dans le quartier de carreau...?

le soucis, c'est qu'il n'a aucune idée de là où ils sont, actuellement.
fait un peu trop confiance à ce cher chat du cheshire.