forlorn whispers on a moonlit path
les mots la frappèrent et l'espace d'un instant, elle eu des airs de biche effrayée. puis, doucement, elle ravala la surprise, sourcils froncés, à la recherche d'une insincérité qu'elle peinait à saisir – en vain. il était après tout plus aisé d'imaginer fausseté que d'accepter le point des attentes d'autrui. qu'importe la trivialité de l'interaction.
ses doigts se resserrèrent imperceptiblement sur l'anse du panier, l'osier usé crissant faiblement. bien malgré elle, Shelly l'observait avec un soupçon de suspicion, un quelque chose d'incertain. on pardonne mais n'oublie pas. probablement leur seul point commun. sauf que les rancoeurs n'avaient que très peu de poids dans son esprit, rapidement mises de côté sans pourtant être effacées, perdues là quelque part dans le gouffre de ses émotions.
de quoi ne se souvenait-il pas, de toute façon? c'était, après tout, la raison de sa question. cette amorce maladroite de conversation dans un décor atypique. la raison, également, qu'il la poussait à l'écouter sagement, immobile à côté de sa vivacité surprenante, contraste saisissant. presque suspendue à ses lèvres, elle attendait la chute avec l'irritation feinte qu'on accorde aux vieillards radoteurs, et presque pouvait-on supposer un sourire soulever le coin de ses lèvres.
presqueelle pourrait, à cette question, donner un
— parfois, oui. une affirmation sordide, une preuve de l'absurdité de son existence. ça n'était pas le lac, mais seul le résultat comptait.
ses poumons s'emplissant d'eau saumâtre. pas un mot, cependant, ne fileraient d'entre ses lèvres – pas immédiatement, du moins. non, Shelly avait le sentiment qu'il n'en avait pas encore terminé. une intuition, probablement.
et, lorsque la question (la vraie) fila d'entre ses lèvres, elle sentit ses épaules s'affaisser. piquée au vif, la voilà. pourtant, elle aurait du s'y attendre, non? naïve.
— non il y avait dans cette réponse plus de résolution qu'elle était capable de conjurer lorsqu'il s'agissait d'elle-même. déglutissant, elle aussi reporta son regard sur le lac, cherchant une réponse que l'onde insondable ne lui offrirait pas.
— je ne pas. ah, la conviction avait eu tôt fait de s'évanouir, finalement. sur son faciès se lisait aisément l'absence de réponse satisfaisante, et la presque détresse que cette réalisation peignait.
— je pensais que tu savais tout. ça n'était pas exactement vrai, pas totalement faux non plus. ne rien n'oublier, tout savoir, même différence. la
vraie réponse importait peu de toute façon.
le violet sombre de ses prunelles avait fini par retrouver le profil de son interlocuteur, scrutant l'expression de son visage, avant d'ajouter,
— je pourrais te pousser. la parfaite occasion d'en avoir le coeur net. des mots glissés sur le ton qu'on use lors d'échanges de platitudes usées, aucune perversité dissimulée sous les syllables. cela avait été suggéré sans malice ni animosité. pourtant, elle savait qu'il n'en reviendrait pas, et s'en sentit immédiatement coupable. un soupire fila.
son minois brusquement renfrogné, elle se renfermait sur elle-même — de façon autant figurée que littérale. accroupie sur la berge, son panier déposé sur le gravier à ses côtés, elle observait la surface ondulant au contact de ses doigts. si froid, si familier.
— est-ce vraiment si terrible de chercher un but à son existence? peut-être que personne n'a jamais vu la créature parce qu'elle ne voit pas de but à noyer les curieux. peut-être, toujours. des raisons à la pelle derrière lesquelles se cacher, et tenter de nier une réponse qui pourrait être si simple.
et si terrifiante