Inspiration.
Expiration.

Fumée éclipsée dans ce paysage morne qui pourtant se vante de ses allures de tranquillité. Le regard lointain, figé sur la vue qui s’étend bien au-delà de la fenêtre sur laquelle tu t’es accoudé d’un air pensif. Une cigarette fraîchement entamée entre tes doigts parsemés de ratures, elle vient se pincer entre tes lèvres, afin de te procurer une sensation apaisante et palpable.

On raconte que le tabac empoisonne traîtreusement le corps, consume les organes vitaux à petit feu. Et pourtant Zach, en cette douce journée, il constitue un précieux messie ; l’élément salvateur qui extrait ces pensées empoisonnées de ton organisme, celles des perfides incertitudes.

Oh pourtant, d’ordinaire, seul un ouvrage entre tes mains savait te murer dans un silence respectueux ; car dans cette demeure que l’on occupe à deux, tu préfères entamer des conversations avec elle, même les plus anodines. Car elle est cette compagnie si chère à ton quotidien que l’en extraire serait un supplice. Une âme sœur avec laquelle on partage les joies les plus spontanées et les peurs les mieux enfouies.

On fuyait la solitude à deux, aussi longtemps que possible, sans présumer que cela perdurerait. Force est de constater que vous n’avez guère emprunté de sentiers différents, force est de constater que cela devenait même rassurant d’avancer à ses côtés. Tu en venais à te complaire dans la simplicité de ce quotidien à deux, ironiquement plus libérateur que contraignant à bien des égards.

Ce sont des sentiments bien sincères,
Cependant.
Est-ce une bonne idée ?
Est-ce seulement raisonnable
de souhaiter s’y consacrer ?
En as-tu seulement le droit, Zach ?

Cela aussi, cela continue de te poursuivre.
Torturé par cette émotion lancinante qui ne s’est jamais parfaitement évaporée, sans même parvenir à définir sa véritable nature. Freiné par cette culpabilité pesante, celle d’apprécier le temps écoulé en sa charmante compagnie, et celle de t’être procuré ce présent protégé dans l’une de tes poches avant. Un trouble dans cette vision claire qui t'enferme dans la passivité malgré la décision prise.

Est-ce une bonne idée ?

Silencieusement, tu te retournes dans sa direction, suffisamment éloigné pour ne guère narguer ses narines sensibles, suffisamment proche pour détailler l'œuvre qu’elle parsème habilement de merveilles. Le calme naturel commence à doucement t’écraser. Avant d'allumer ce mégot, tu as déjà tenté de te distraire avec un manuscrit emprunté à la bibliothèque. Toutefois, ton attention ne parvient pas à se détacher de ces questionnements perpétuels.

Est-ce une bonne idée ?

Arquant faiblement une esquisse sur tes lippes, tu décides d’anéantir cette tranquillité.

— J’ai l’impression que ça fait un long moment que tu es sur ce tableau, la commande est si exigeante que ça ? Petit silence. Remarque, je dois avouer que ce nouveau style te va bien.

Tu la laisseras naturellement développer toutes les anecdotes qu’elle a à t’apporter sur ce sujet, habité par une curiosité sincère — un échappatoire rassurant. Car aujourd’hui fait partie de ces rares journées où tu n’as aucune nouveauté personnelle à partager.