j’ai tant de paperasse, ah que les cieux me soient plus cléments - cela m’agace ! je préfèrerais 1000 fois choir dans un divan moelleux, boire quelques verres d’un cognac corsé, fumer un cigare et contempler ces pervenches dénudées minauder face aux gros porcs qui leur courent après…

mère-grand a la fâcheuse manie de s’absenter plus que de raison
je la hais, je la hais, je veux lui faire la peau un jour je lui ferais la peau

je signe un énième fichier de comptes quand on frappe à la porte
elle s’entre-ouvre, je fronce les sourcils ; c’est un laquais, il a l’air anxieux - il peut l’être
je déteste être interrompu, je déteste qu’on se permette de pénétrer mon bureau avant que je n’en donne la permission monsieur, je, je, je viens au su- au sujet de daisy, elle est mala- DEHORS ! je hurle
mes ronces se chargent de claquer la porte

soupire

tristesse, agonie
cette journée aura raison de mon être
je rêve d’un brin de toilette, je rêve d’un brin de torture…
peut-être devrais-je convoquer alec ? non, non
il me faut en finir avec ces papiers

je me concentre, mais-
un bruit dans le couloir
ce n’est pas croyable, ce laquais aurait-il des pensées suicidaires ? j’ai dit DEH-

oh

je

uriel

non

bahn… ma gorge se noue
mes yeux s’illuminent

quelle agréable surprise
je murmure, affable
déglutis

admire

si belle, si gracieuse, si venimeuse - ses drapés noirs sont comme autant d’ombres mouvantes,
son corps, un serpent qui danse bahn ma sorcière, ma vipère, ma damnée serais-tu jalouse ?

je souris
de toutes mes dents, de toute ma faim, de toute la peur qui s’y cache, de toute l’excitation qu’elle éveille

détaille avec impudeur et gourmandise les courbes voluptueuses qui s’épanouissent au péché de mes prunelles… les papiers qui tombent, mon espace qu’elle profane
sa voix de feu, sa voix de glace, ses reproches, ses accroches

son souffle, ses lèvres si proches
ses ongles sur mes joues
la douleur, le plaisir ah

bahn
toujours si charmeuse, toujours si provocante
le frisson qui délave ma colonne

me punir ? je recule, m’adosse plus confortablement dans le cuir de mon fauteuil, croise les mains sur mes cuisses allons, mon ange rictus

j’ai été très occupé par le travail je ne me suis pas enfilé tant de putains que cela… jamais je n’oserais te contrarier mots de miel seulement, tu n’es pas ma priorité mots de fiel

un instant, je perds mon regard dans cette infime espace habillé de transparence séparant ses cuisses, dans cette sacristie de luxure je veux m’y épancher

mais… je suis flatté que tu sois venue me retrouver jusqu’ici ô combien flatté, ô combien pris de cours t’ennuyais-tu tant de moi, dans ton antre de mousse et d’écorce ?

elle va me faire rougir
de colère

ses doigts, son rictus, ses lèvres
mon air qui s’amenuise, mes instincts primaires, la panique - vulgaires vulgaires instincts de survie ! panique sotte ! panique en bassesse !
ma gorge, ma trachée vipère je la fustige de mon regard mortifère
déglutis

mains sur la douleur
mains sur ma gorge, apaiser
masser

apprécier
chut, c’est un secret

son petit jeu met ma patience à rude épreuve et je ne suis pas un parangon de cette vertu
comme elle le souligne si bien de sa verve, l’impatience en est une qui lui sied, et qui me sied tout autant

son pied, offrande gracile
sa peau, je sens, les parfums
le lait de sa peau, le lait de ses os, le derme tendre, le derme frais
soupire

je ne l’embrasserais pas
qu’elle ne prétende pas pouvoir acheter ma servilité avec un geste si avare, fusse t-il des plus gourmands…

silence

silence
je ne fais que silence
l’écouter
l’observer
l’admirer
la contempler
la maudire

et son corps, et ses cuisses, et ses serres de rapace dans mes cheveux, et ses dents sur ma nuque, et ses mots chant lyrique chant christique, et sa chaleur, sa tiédeur, sa moiteur, sa froideur - oh
non, elle va me défaire, elle va me défaire les traits, la contenance, le souffle, la respiration, les frissons, elle défait, elle emmêle, elle pagaille, elle vandalise bahn… siffle le dragon sur ma langue, acerbe

patience
impatience
patience
impatience

jeu de mauvaises vertus, encore
se répète

elle reprend séance, l’air de rien, rien aux airs
putain de toi détraquée dans les rouages qui la composent, je la vois, je la vois reviens là regarde moi d’où tu te permets de me tenter, de me rabaisser, de m’apostropher… et de balayer ton manège d’une simple assise sur la chaise ?

mes priorités ne sont pas de chairs, bahn sourire, venimeux rassure tes cuisses je me lève, le pas lent elles sont toujours mon auge favorite dents blanches mais je me demande ? un pas de plus, en versus si tu m’enchaînais, si tu m’inondais de plaisir, de désir… répète ses mots, répète sa partition ne finirais-tu pas par être celle enchaînée à moi ? ce besoin de posséder, ce besoin de marquer… allons… mielleux es-tu à ce point ivre de moi, mon ange ? ourle un sourire céleste

me penche à son oreille, murmure je suis sincèrement désolé que les clients d’uriel t’ennuient… je glisse une main sur sa nuque, cajole or, si tu viens ici pour tuer ton ennui sers, presse peau tendre, peau frêle c’est moi qui serais désolé de t’entendre mon autre main, voleuse - empoigne sa blondeur angora, mèches blé, mèches lune me supplier de te pardonner ce manque d’égard, ce manque d’amour tire en arrière, que ses yeux soient mangés des miens, que sa perfidie soit lavée de mon angélisme

ma damnée
mon ève au fruit croqué

je pose mes lèvres sur sa bouche, chaste baiser
et lâche, relâche, recule

dévisage
envisage

défie

ces jeux de déshabille, d'habille
de bretelle, de mise à nu

si généreuse est-elle, diabolique augure - poitrine en poupe de mon regard qui chavire
navire ivre, bateau sobre, elle est mère des flots enivrants, mer des fléaux persistants

tu es un paradis d’artifices, ma douce un enfer artificiel
là, gracile, qui vient, qui murmure ce que tu me chantes est liquoreux un vin de bohème, un vin pour les philistins en guerre

je me perds dans ses mouvements et les notes vermeilles et roses de son verbe - sait-elle, que
aphrodite doit lui envier son don d’amour ? ou peut-être est-ce éros, ou peut-être est-ce thanatos, ou peut-être devrais-je taire mes songes

contre bonne fortune, mauvais coeur
je tais
mes songes

son souffle
je l’avale, j’engloutis
ses yeux, j’y couche le feu des miens
elle aura su me soustraire à mon travail comme on retire une mouche d’un carreau
je la hais perfide ce ne devrait pas être si facile, je ne suis pas homme si docile !
servile ! bête !

son souffle
son souffle

si proche

je la hais, je la veux
cruelle, tu m’humilies siffle, en demi-lune d’un sourire
alors, comme au premier jour pomme de l’arbre croquée je croque le rouge de sa bouche, emprisonne, déguste
suave, moite
haleine des eaux profondes

je veux la boire
faire l’amour à ses deux sirènes de pulpe et d’amer, lèvres, lèvres,
ses lèvres, sa langue, son être

et je perds ma raison altière, la déchausse pour mes passions, l’annihile pour elle putain de ma faim je saisis ses épaules avec fermeté, et c’est une danse ma douce - je l’envoie épouser le mur de son dos

violence

sans rompre ce baiser, ô vorace
récompense moi

tombe une main conquérante à la chute de son bassin
cherche une cuisse, la tiédeur tendre sous le voile

je caresse, paume à peau
dévale pan après pan du bout des doigts, l’arc étroit, le plis du genou - passe au-dessous
soulève, que cette cuisse vienne crocheter ma taille, que mes ronces éclosent et que sous les touchers dont elles l’affligent,
elles déchirent les soies,
elles mordent

baiser rompu
rictus fendu
expiration rauque
est-ce suffisant comme encore ou te faut-il plus ?
récompense moi

je ramasse les papiers, le bibelot de porcelaine brisé, les lambeaux de voile, les plumes, les encres et les livres
soupire ; à quoi bon

je demanderais à l’une des putes de venir ordonner ce désordre - peut-être pourrais-je humilier svane ou daisy en leur demandant de revêtir une tenue de soubrette bon marché et de nettoyer les vestiges moites de mes ébats ?

ahahah
c’est d’un vulgaire
j’adore

arque un sourcil, me retourne sur l’indolente qui s’émerveille de sa nouvelle robe sur mon divan
le nu te va mieux vérité que je ponctue d’un battement de cils enjôleur
à regret cependant, je dois lui concéder de cacher sa peau

après l’indécence,
la décence

je remets ma ceinture en place, époussette les plis de mon pantalon
enfile négligemment ma chemise, laisse ouverte - paresse ! paresse ! boutonner demande tant d’efforts… il est plus plaisant de laisser les plaies de mon buste à l’air mordant douleur
ego mâle
sourire

je nous sers deux verres d’un brandy couteux et fort puissant, dépose entre ses doigts graciles le crystal, à nos haines trinquons à nos amours profanes

pas lent, calculé
visage fier
je reprends séant l’impérialisme de mon règne
sur le moelleux cuir brodé de mon fauteuil

mes préoccupations sont banales, hélas quoique je puis y ajouter quelques singularités embêtantes, comme cette poupée rousse que je retiens prisonnière de ma demeure
comme alec qui s’octroie le droit de faire ce qui lui chante
comme aslan qui redéfinit dangereusement les limites de notre « amitié »

je dois punir de vilaines filles et de vilains garçons, rattraper un manque à gagner… lèvres pincées, je me réconforte à la gorgée feu du brandy mère-grand est trop souvent absente, elle me laisse gérer le moulin et ses ouailles - or, je n’en reste pas moins l’adjoint voix de fiel parée je ne le supporte pas je la tuerais, un jour
tôt ou tard - elle sera poussière
et je serais souverain

dis-moi plutôt j’apaise mes yeux sur le sublime de son visage ma reine, aurais-tu des contrariétés dont tu souhaiterais me faire part ? je sais que dans son antre - fusse t-elle recluse et protégée des vapeurs toxiques, beaucoup d’âmes échouent
à croire que sa noirceur attire les errants comme la lumière attire les mouches uriel te fait-elle du soucis ?

qu’elle me dise
qu’elle me conte
qu’elle embellisse encore un peu mon heure
avant que je ne me lasse
et qu’elle ne s’ennuie

je caresse du bout d’un doigt les reliefs de la morsure saillant admirablement le bas de mon pectoral droit - asymétrie jolie, douleur qui s’amenuise hélas

bien sûr que ma chemise demeurera ouverte

je songerais à t’envoyer une ou deux putes… certaines s’estiment trop libres, d’autres trop importantes… si tu pouvais me les réduire à l’état de poupées dociles ? si elle pouvait désarticuler ce qui leur sert de bouche, si elle pouvait briser ce qui leur sert de cervelle

mh

bonheur

une gorgée de mon verre, l’éclat de voix guillerettes dans le couloir, s’affaissent en murmures au passage de ma porte ; si bahn n’envahissait pas de ses mots, de ses silences et de son corps chaque particule d’air libre de cette pièce, il m’aurait semblé vivre un jour mortifère

en somme, sa présence est louable
quoiqu’elle m’agace, elle m’agace, elle m'agace
le paradoxe qu’est cette femme…

je souris
je remercie ta sollicitude l’éclat feu dans les iris le jour où je serais maître en ces lieux, j’ose espérer que tu viennes célébrer à mes côtés toute la nuit, les trois nuits suivantes, jusqu’à ce que nos peaux soient plus rouges que pâles

sa voix qui déraille, le serpent qui siffle, la panthère qui gronde

mon sourire s’élargit
garce ? oh, le vilain mot
elle n’est pas garce, elle est pire que garce, elle est meilleure que garce si peu d’imagination un sobriquet d’une bassesse et d’une pauvreté risible je me doute, mon ange, que judas saura subir ton courroux vengeur tôt ou tard

lentement mon esprit s’éveille à ce prénom
judas, judas, judas… judas…
ne serait-ce pas ainsi que se nomme le gentil toutou de haunting ?

oui
évidemment

j’ai ouïe dire que ce gentil toutou a été honteusement désobéissant
il aurait trahit son adoré et adulé maître pour les beaux yeux d’un maire aussi arriviste que douteux

ainsi cherche t-il à fuir ?

que de drames, que de mélodrames, que de tragédies !
wonderland
un théâtre humanoïde sortit tout droit du coeur des enfers de la grèce antique

je ris
je tâcherais de mon côté de consoler uriel si jamais elle vient à pleurer sur mon épaule je me lève, m’approche elle m’est si chère, si précieuse je n’ai pas plus servile et tendre poupée qu’elle tu as bien fais, bahn une main cajole à la rencontre de ses lèvres de la protéger d’un tel rat…

rat que je saurais prendre comme excuse pour aller nuire aux humeurs de haunting
haunting haunting haunting - cela fait trop longtemps que je n’ai pas souffert son sadisme
trop longtemps qu’il n’a pas souffert ma cruauté

cet ami avec qui il souhaitait se réfugier chez toi, a t-il mentionné son identité ?

oh ma douce, ma douce et détestable vipère,
curiosité parée sur les lèvres à l’égal de la plus précieuse des émeraudes,

je te vois, souple dans tes gestes,
méthodique dans ton chaos de cils et de souffles - il me revient presque l’envie de te quémander une nouvelle danse de fièvre et d’amer sur le froid de mon bureau

je souris

ce que tu me contes a de sensuelles sonorités à mes écoutes… tous ? y a t-il tant de prétendants aux pieds de notre mignonne uriel ? quelle plaie… mh - j’imagine cependant que, cela te fournis de la matière à châtier !

je souris
toujours

je suis honoré d’être la seule âme que tu daignes lui laisser aimer sans courroux être le prince charmant d’uriel est aussi divertissant qu’être un loup parmi les brebis

de cela, je te suis reconnaissant

j’ai hâte ma chère, de voir ce que tu réserves à ce rat… je sens à l’inflexion de ta voix combien il a été irrévérencieux à ton égard sot, stupide

vermine !

la parole est un art, en choisir ses mots
c’est choisir les pinceaux, les couleurs et le grain de la toile

je déplore si peu d’esprit dans celui qui a si longtemps été considéré comme la relève de haunting - quoiqu’il a peut-être quelques surprises de caractère à révéler

un jour, il me faudra le rencontrer
qui sait quel genre de divertissement nous pourrions créer ensemble ?

je te regarde
termine une gorgée de mon verre
ton agacement et le fiel distillé au fond de ta gorge
ont pour moi autant de bienfaits que la pluie en a sur les jeunes pousses au sortir du sol

j’aime te voir en colère, bahn
j’aime te voir couver vengeance et cruauté, bahn

j’aime ton intelligence,
ta perspicacité

autant que je te hais

mon sourire s’étire

ce qui m’excite ma chère, c’est justement ce rat dont tu m’as révélé le prénom. sais-tu qu’il est le bras droit du gourou des dark shadows ? jambes croisées, soupire en la mineur
or, il y’a du grabuge au sein de leurs rangs, mon petit doigt m’a dit qu’il est question de trahison, de disgrâce et de desseins douteux

petit doigt
les oreilles et les yeux que je paye
pour qu’on me reporte de quoi occuper mon ennui
lorsque les peines d’autrui et les jeux de la hurlante me fatiguent

j’aime plonger mon pied dans une fourmilière lorsque je suis sûr de pouvoir en retirer l’insidieuse satisfaction de souffrir de leurs piqures au moins autant que de me complaire à en écraser et à répandre en leur sein plus de colère et de désordre encore…

je ris

je suis un enfant à qui ont vient de donner l’excuse
de faire des bêtises dont il n’aura cure d’être pardonné

comprends-tu ?

je me lève, encore,
remplis nos verres, encore

caresse ta joue, encore
une ronce depuis ma paume émerge

je veux te faire naître des rougeurs

tu n’en demeures pas moins ma fourmilière favorite…

ses violences sont délectables,
je ne peux nier apprécier la douleur qu’elle fait germer aux racines de mes cheveux lorsqu’elle m’amène au murmure de ses lèvres
ah ! à elle seule, elle image les augures les légions les parlements les armées
de tout ce qui damne et promet aux enfers

je souris
un soupire entre les dents jusqu’aux siennes que mes yeux louvent
ma douce

me redresse, creuse la distance entre nous
pose mon verre sur le bureau, contemple un bref instant la vie s’émerveiller au dehors de la fenêtre - assez

assez de notre entretenue

je tâcherais de me faire désirer sans me faire attendre comme je me suis fais attendu, quoiqu’il me serait plaisant de te faire attendre davantage que de me faire désirer, pour le plus humble des plaisirs, celui de te courroucer et d’attiser tes feux punitifs ! je ris

souffle court,
à parler tant, je m’égard

du désordre, du chaos, du grabuge… nous serons deux à en grogner et à s’en empourprer les joues d’une fausse culpabilité, sois en assurée bahn… oui,

j’aime à partager, quelques fois, ce genre de plaisir

je me rassieds
mains jointes sur la pile de papiers un brin trop déclassée pour effacer les preuves de nos folies
bien voix rauque,
mine impassible

troquer la souplesse et la facétie pour le sérieux
il est temps

avant que ta présence ne me devienne intolérable et que la mienne te provoque de l’urticaire… pouvons-nous clore cette entrevue ?

l’esquisse d’un sourire,
mauvais

tu connais le chemin de la sortie, mh - épargne-moi d’avoir à te raccompagner va !
va pavaner aux yeux de tous telle une reine
ô reine

va attiser les curiosités et les jalousies des clients et prostituées en serpentant les couloirs, les murs, les étages
avant de disparaître par quelques enjambées graciles
pour te repaître de l’ombre de ton antre

laisse moi

la solitude m’appelle
elle est amante au moins aussi jalouse et exigeante que toi