c'est cadeau:

Pensées ombrageuses ; Lior et ses vérités succinctes qui ne laissent jamais au temps l’audace d’être oublié. Etais-tu si coincé, Ernest ? Sans trop vouloir interpréter ses mots, (de peur de te perdre dans le lyrisme écœurant qui l’anime) étais-tu le moins cohérent ? Si un plus un fait deux mais qu’il est plutôt prompt à répondre que des chiffres ne valent rien – alors ; c’est quoi, la cohérence ? Par ce jour de repos et dans une situation absurde ; c’est étrange d’ailleurs, de se découvrir dans des lieux que tu ne soupçonnes pas, dès que tu penses à ton ami farouche ? (Tu lui en toucheras deux mots).

Verre, non : tasse. Tasse chaude, entre tes doigts, seul à ta table de bois. Tu regardes le chocolat, puis la vitre claire qui laisse couler la lumière sur tes mains gantées. Mais tes gants suffisaient-ils à te garder du froid ? C’est bête de les garder. Tu les retires ; plaque tes paumes contre le récipient chaud. Mieux. Sur le fond des musiques abrutissantes de Noël, tu y trouves un réconfort sans nom, comme une sensation de repos qui emportent Crims et ses problèmes dans un coffre à l’abandon… Non, un coffre rangé au fond d’un placard. Il faut pouvoir retrouver sa vie sans la chercher, le repos n’est qu’un congé fixé.
Et quel calme, quelle festivité étrange et apaisante que d’avoir mis les pieds ici pour tes vacances, ah…

Tu détestes.

Ça n’a aucun sens un Noël en Arvil. Entendre tourner en boucle les mêmes chansons de fête pourrait rendre fou n’importe quel adulte bienpensant – quelle torture. Mais les meubles ici sont beaux. Piqué dans l’ego (on avait dit de ta maison qu’elle était fade) : es-tu fade Ernest ? Non, jamais. Tu es mesuré, économe, et même équilibré. Ce n’est pas fade, ça, c’est parfait. Tu prends une gorgée de ton lait chocolaté – ah. Parfait. Mais les meubles ; oui, tu te souviens de pourquoi tu t’en été allé loin du Royaume de Cœur.

Trêve de songes. Tu t’élèves, ta boisson à la main, il y avait sur la table d’à côté une femme que l’on avait servie comme si elle été née ici (façon de parler) ; alors tu t’approches. Debout derrière une chaise que tu prétendais pouvoir occuper, tu attends pourtant qu’on t’y autorise. Les règles sont tacites ; tout le monde devrait les connaitre.

Bonjour. Ernest, enchanté. J’ai cru comprendre que vous étiez du coin. Sans trop m’immiscer, j’ai juste bonne ouïe – enfin, j’étais assis non loin.
D’un doigt pointé à la table où trainait encore tes affaires, tu continues ta parole.

Je peux m’asseoir ? J’ai quelques questions vis-à-vis de la ville, je suis un peu perdu. Merci bien.
Tire la chaise mais, petite halte – tu fais le tour pour t’en aller récupérer cartable en cuire, manteau long, et deux gants blancs. Il faut ensuite t’installer ; toi et tes effets personnels, avant de reprendre votre conversation.

Sans demander son nom (qu’en ferais-tu ?), ni attendre qu’elle nie ou affirme bien qu’elle connaisse bien la région, tu sors de ta sacoche une pochette ; d’où tu y extirpes un papier blanc. Dans la poche de ta veste, tu y trouves pour compléter, un stylo noir. Te voilà posé, armé, et en train de dessiner avec finesse, une forme ; que l’on commence à deviner par les 4 angles droits que tu précises, ce qui laisse néanmoins le doute entre carré et rectangle. Tu traces alors un petit trait en diagonale sur chaque côté. Carré : quatre angles droits, côtés de mêmes longueurs. Les schémas ne mentent jamais. Satisfait, tu y écris ensuite « tavern » au centre.

Je suis venu hier, découvrir le ski. Particulièrement dangereux et inutile, mais bref, je ne suis pas venu pour critiquer les activités loufoques qui sont pratiquées…  Non, demain j’avais prévu de trouver une nouvelle table et six chaises pour mon salon. Je sais de rumeurs que les créations d’ici sont assez jolies, mais je n’ai pas encore trouvé le moindre magasin de meuble. Par rapport à ici, pourriez-vous me guider ?
Tes yeux quittèrent la feuille après ta dernière phrase ; comme s’ils exigeaient d’elle une réponse aussi parfaite que ton schéma. Et quel schéma. Tu es fier, Ernest. Mais si tu avais su que tu t’étais adressé à la femme la plus provocante de ta vie – oh, tu n’aurais pas été si fier.

c'est cadeau:

Déstabilisée, semblait-elle ? Mais sans offense. Tu ne t’étonnes plus des réactions que l’on te réserve dès que tes pieds approchent, entre frustration surprise, moquerie… A quoi bon s’y attarder ; que pourrais-tu répondre ? Il n’y avait rien à justifier. Surtout face à une femme qui visiblement portait sur sa tête, deux oreilles animales. Mais trop accaparé par le schéma de tes songes tu ne t’étais pas véritablement attardé à découvrir la nature de celles-ci – quoi qu’avec le peu que tu avais observé, tu parierais sur les canidés.

Mais sur ses dires et ses gestes tactiles, un détail t'interpelle. Elle ne connaissait pas de magasin de meubles ? Ton attention portée sur sa personne, tu as les sourcils qui miment l’incompréhension. S’était-elle vraiment attardée à la discussion alors qu’elle avait avoué ne pas pouvoir te renseigner ? Mais alors, d’où venait-il, son mobilier ? Était-elle du genre à louer un logis déjà tout prêt ? Un côté pratique qui a ses points forts, mais tellement d’inconvénients… Quel mystère. Tu parcours la taverne par tes yeux comme pour chasser le dédain de ton regard ; ou pour trouver quelque part un peu de bon sens…

Un coude sur votre table, tu portes ton poing contre tes lèvres. Analyse, Ernest, tout ce qu’elle ne manque pas de rependre dans l’atmosphère alors que tu te serais contenté d’un refus ou d’un schéma bien complet. Mais à cette caresse, à ce jeu de regard…

Je crois comprendre les sous-entendus assez clairs que vous me faîtes. Mais, je suis assez buté sur ce que j’entreprends.
Baissant ton bras pour apposer un doigt sur le carré un peu mal fait qu’elle avait dessiné ; tu reprends.

Alors si je ne me trompe pas, c’est votre domicile ? Vous m’invitez donc à venir observer la qualité de vos meubles alors que vous ne savez apparemment pas vraiment d’où ils viennent ?
Peut-être était-ce là encore une forme d’humour qui ne sonne que comme de l’absurdité pour toi… Le sourire endurant tu te demandes bien si continuer sur cette lancée avec cette inconnue te mènerai à l’apogée de ta quête. Etant un homme précautionneux, il valait-mieux lui laisser le bénéfice du doute.

Mais admettons. Je pourrais peut-être trouver une signature, une référence sur une crédence, ou un buffet. Par contre j’avoue que de scruter une table sous tous ses angles en public m’embête un peu. Pas que ça me dérange, mais je sais d’expérience que ça ne se fait pas. Je ne voudrais pas vous embarrasser à arpenter le mobilier qui nous entoure, vous seriez gênée pour deux.
Parce que toi, tu n’en as que faire. La raillerie est une bassesse si absurde qu’elle ne se fait même pas sentir sous tes chaussures.
Récupère ta feuille, Ernest, avec le soin de n’y faire aucune pliure – tu la ranges à sa place, dans ta pochette.

Vixen, donc. Vous avez l’air de savoir où vous allez. Enfin, du moins, où vous voulez m’emmener. Prenons tout de même le temps de finir nos boissons, la mienne étant plus remplie que la vôtre vous risquez de m’attendre.
Mais tu prends une gorgée pour qu’elle ne subisse pas tant.

Qu’entendez-vous par ouverte à tout ? Pour être totalement transparent ; j’ai besoin de détail, de précisions… D’exactitudes. D’exemples, même, si vous avez l’esprit créatif.
Assez intimes pour qu’elle te dessine le lieu de sa maison, tu crois comprendre qu’il était possible, sans trop paraitre absurde, de tenter de creuser dans son jeu. Malgré ta persévérance, tout ce que tu craignais à cet instant, c’est qu’elle perdure à glisser subtilement quelques sournois non-dits pour hanter ta logique jusqu’à te pousser à l’exacerbation.

Mais serait-elle aussi vile sans même te connaître ?