Le fouet claqua. La musique augmenta encore un peu. Le public retint son souffle, puis il applaudit les prouesses des grands félins. Myst détestait la lumière trop forte et les cerceaux de feu. Myst détestait la musique grinçante et les coups cinglants du fouet. Finalement, les animaux se retirèrent pour laisser le spectacle se poursuivre.

Fatiguant, frustrant, déprimant. Myst détestait plus que tout tenir des performances sous sa forme de panthère. Malheureusement, ne maîtrisant point son vert, il ne pouvait réaliser ses acrobaties sous le chapiteau qu’occasionnellement.

Prenant rapidement forme humaine lorsque le rideau fut baissé, le jeune homme s’en alla s’isoler dans une loge plus calme, sans un mot pour ses collègues. Nerveux, il fait quelques aller et retours dans la petite pièce mal rangée avant de se percher au-dessus d’un robinet. Il se rinça le visage d’une eau gelée, réveillant son esprit embrumé et épuisé.

Ca ne lui ressemblait pas d’être ainsi. Ca ne lui ressemblait plus...

Myst se nettoyait les mains jusqu’à presque songer à s’en arracher la peau. Ce vert si beau et pourtant si répugnant qui tachait le bout de ses doigts, il n’en avait jamais voulu et jamais il n’en voudra. On avait beau le rassurer ou le convaincre, le mal ne passait guère. C’était devenu une obsession. Une chose dont il n’arrivait plus à détacher son attention… Tout du moins la plupart du temps.

Une oreille féline se leva au sommet de son crâne tandis que son regard ambré se posa sur la porte. Il y perçut la silhouette d’un personnage des plus énigmatiques. Myst se saisit de ses gants et les enfila pour cacher le désastre.

- Que faites-vous là, Dante ? Ne préféreriez-vous pas être entouré de vos belles poupées ?

Méfiant et rassuré à la fois, toujours, Myst ne savait guère sur quel pied danser avec ces êtres mystérieux, dont la logique lui échappait parfois..

Honte. La déduction du marionnettiste transperçait Myst par son authenticité et sa simplicité. Il serra ses mains. Peut-être un peu trop fort. Son raisonnement et ses paroles coulaient de sources, alors que la panthère se noyait dans la perception de ses propres émotions. La vérité blessait souvent et il ne pouvait le nier : il irait bien broyer du noir dans un trou de souris, à l’abri des regards.

D’abord écarquillés, ses yeux fuyaient ceux de Dante. Ce n’était pas toujours agréable d’être aussi prévisible qu’un livre ouvert. Néanmoins, il ne retira pas ses mains enveloppées de douceur et continua de prêter attention à cette voix envoûtante.

Dante, c’était cette oreille étrangement attentive. C’était cette tendresse qui lui manquait. C’était cette épaule sur laquelle parfois il se reposait. Malgré tout, il ne souhaitait pas croire en la sincérité dissimulée derrière chaque syllabe.

- Merci… se contenta-t-il de murmurer, à peine convaincu par les compliments qu’on lui allouait. Il n’avait pourtant pas donné le meilleur de lui-même lors de la représentation et il ne cherchait jamais les louanges. Vos paroles sont douces et chaleureuses… Alors pourquoi est-ce que ça fait mal de les entendre ? C’est curieux...

Voix basse. Léger sourire crispé. Petit rire étouffé. Les mots les plus jolis cachaient de belles épines, Myst en avait pleinement conscience… Il se doutait que chaque acte restait motivé par une arrière-pensée, bonne comme mauvaise. Mais c’était si fatiguant de réfléchir et la consolation qu’on lui offrait ce soir le tentait beaucoup.

- Je n’aime pas ce vert. Il est sale. Il tache… Vous devriez faire attention. Il serait fort triste d'abîmer vos doigts de fée avec ce parasite.

La panthère évoquait sa couleur comme si elle restait encore dissociée de lui-même. Il était entêté. Il retira finalement ses patounes gantées pour éviter tout désastre.

- Peut-être voulez-vous une chaise pour vous asseoir ? Une tasse de thé ? Vous avez sûrement de belles choses à me conter ?

Fait mine de changer de sujet pour mieux se changer les idées. Arbore un sourire qui ne colle pas avec ses yeux éteints.

@Dante G. Fantoccini