Pourquoi étiez-vous revenu à Marmoreal ? Tu hais cette ville, cette ville schlingue les faibles et les trouillards. Tous hypocrites, tous bourrés de faux-semblants. Obligé de montrer les dents quand ils fixent ta queue qui s'agite et tes oreilles retroussés. T'as la haine Castiel - la haine grouille dans le ventre et ne s'éteint pas même durant le sommeil. Vous aviez dormi dans la crasse avec Cassie, drôle habitude pour deux héritiers fortunés. A croire que le soleil sait se montrer plus efficace que les majordomes du Père Kingsley.

T'es décalqué Castiel, t'as trop trainé dans les fossés. T'as bien évité le manoir familial, car tu sais qu'Il n'est jamais bien loin du chemin entre le château de la Reine et votre ancienne demeure. Dans les bras de Cassie, même ses grognements matinaux n'arrivent pas à te réveiller. Le sommeil est loin d'être réparateur mais il est bienfaiteur.

— « Casse toi. »

Tu grognes, râles. Tes oreilles se redressent sur le quivive quand elle s'éloigne de toi. Tu viens instinctivement choper son bras pour la coller contre toi de nouveau.

— « Non. J'ai froid en fait, reste. »

Un ordre à peine voilé. Ah ! L'amour fraternel ! Ça ne compte pas quand on a des heures à rattraper. Encore cinq minutes lové contre sa poitrine, tu la dégages finalement quand tu ouvres totalement les yeux. Putain. Tu détestes les contacts physiques mais quand t'es crevé, t'as plus vraiment notion de rien. Et la raison comme la pudeur s'est envolée loin.

Tu clignes des yeux et bailles un grand coup, te frottant les yeux.

— « Sa race, je suis mort. T'as la dalle tu dis ? Bah va chasser et fais pas chier. »

Tu la toises d'une cruauté qui n'en est pas vraiment une. Tout de suite après, tes épaules se relâchent et tu la contemples d'un air plus doux. Apaisé par ces conneries d'amour entre jumeaux sans doute.

— « J'ai compris, j'arrive. »

Tu cèdes toujours pour elle.

Elle est loin l'époque où tu étais un enfant modèle, un petit garçon sérieux. Le loup a pris le dessus sur ta moralité, a dompté ta sauvagerie pour la laisser éclater.
Finis les politesses, la bienséance. Fini de te forcer à être ce que tu n'as jamais voulu être. Aux côtés de Cassie - l'homme s'affirme et prend le dessus sur le frère.

Comment lui expliquer que la première chose que tu veux faire au réveil ce n'est pas courir mais c'est te terrer contre un arbre pour sortir une bouteille du sac et boire un coup ?
Tu laisses échapper un soupire de résilience et te lèves, étires tes bras et ton dos avant de la toiser d'un rictus provocateur. Suintant l'arrogance et l'excès de confiance.

— « Tu vas encore perdre et bouder. »

Tu regardes autour de toi, surveilles les alentours et particulièrement l'orée de la forêt qui borde le fossé dans lequel vous vous êtes endormi la veille.
T'as clairement pas l'envie et l'humeur de croiser des humains dès le matin. Et si vous pouviez éviter de croiser votre père dès le premier jour de retour à Marmoreal... Les bois paraissent comme une évidence.

— « La forêt. Mais si je suis plus rapide, il est évident que tu chasses mieux que moi. »

Au pire t'iras voler de la bouffe sur un étalage plus tard dans l'après-midi. Tu ne lui avoues pas mais les mets goutus ou luxueux te manquent encore un peu. T'as du mal à t'habituer à la chair fraiche, même sous ta forme animale.

— « Le dernier arrivé à la clairière devra faire toutes les besognes de l'autre pendant une semaine. »

Tu te penches en avant, revêt la fourrure du la Bête dans un bond animal, retombes sur tes pattes pour entamer une course folle aux travers des arbres et des branches, faisant s'envoler les feuilles mortes jusqu'à une immense souche.

Tu galopes dans les fourrés comme un animal traqué, mais pourtant c'est toi qui chasse. L'animal a des instincts qui dépasse ceux des humains. Tu mènes la danse, alors que ton corps se galbe avec précision, se tord à mesure que tu accélères la course. Le mouvement est gracieux quand tu sautes par dessus les arbres tombés au combat.

Tu arrives non sans mal le premier à l'endroit en question, le coeur en alerte sous la chair et la fourrure. Tu sautes sur la souche, domines ton territoire et grognes à l'approche de ta soeur jumelle. Ta gueule se gorge d'un cri et tu hurles au soleil à défaut de pouvoir insulter la lune.
Tu te pares de nouveau de la forme la plus humaine qui soit et croises les jambes.
Tu toises l'animal devant toi Castiel, et étires un sourire arrogant.

— « J'ai gagné. Comme d'habitude. »

Tu ramènes tes jambes contre ton torse, enroules tes bras autour de tes genoux et l'observes. Tes oreilles se dressent sur ton crâne, se fraient un chemin entre ta masse de cheveux noirs. A peine discernables mais pourtant s'agitent.

— « Commence par aller chercher nos affaires, elles trainent encore dans le fossé. Je vais nous chercher à manger pour aller avec le pain. »