Petite Nico solaire qui fait claquer ses talons, qui fait porter sa voix. Tout, chez elle, est cette demande d’attention à laquelle le monde ne semble jamais répondre assez. Azazel la surplombe, la lorgne, petite existence freinée à ses pieds. Petit écho d’un passé effacé, d’une petite fille rousse au visage constellé (orange jusque dans ta précédence à Wonderland, renard).

Azaza qu’elle dit, Azaza qu’elle répète. Azazel, emmitouflé dans un veston picoré de lys, la salue d’un geste succinct.

« Comment t’oublier, petit soleil. »

Azaza.

Il lui sourit (de l’artificiel à l’artifice). Puis se penche, genoux contre le carrelage luminescent du palais. À son niveau, pour mieux converser, échanger, (réprimander).

« Explique-moi d’abord pourquoi quelqu’un qui affirme être sage continue de courir dans les couloirs après qu’on lui ait demandé d’éviter de le faire. », son ton est clair, net sans être tranchant. Renard a laissé derrière ses manigances et ses poisons, mais ne désire pas manquer une occasion d’enseigner, de préparer. Nico, tu dois le savoir, petite étoile, ardent soleil, que Marmoreal n’est qu’apparences.

Et que tu dois toujours te soucier de ce qu’autrui peut voir (pour éviter d’être bernée, d’être mangée, d’être piégée).

« Ou du moins, d’éviter de le faire lorsque des gens sont présents pour te regarder. », ajoute-t-il doucement, touche d’amusement colorant sa voix. Un geste entendu est esquissé dans la direction de l’un des soldats qui surveille l’entrée.  Pas de clin d’œil, mais c’est tout comme. Apprend Nico (apprend à observer).

« Allons. », il se relève, lui tend la main. « Je te laisse réfléchir à ta réponse pendant que nous marchons. Préfères-tu que nous allions dans mon bureau ou dans les cuisines ? »

« Une urgence, vraiment ? », ton amusé, sourire marqué.

Flatté, renard, lorsque Nico lui offre la dénomination d’urgence. Elle le couvre d’importance, d’un titre que personne au palais ne peut prétendre lui avoir déjà offert. De ceux qui gèrent à ceux qui deviennent, il s’accorde un moment de contemplation sereine de l’affection (de l’innocence) qu’on lui tend. Le mot urgence n’aura jamais été associé à un champ lexical aussi doucereux.

Petite Nico et sa voix, petite étoile et ses mots. Azazel compte s’assurer que personne ne puisse jamais les lui retirer.

Il accorde une salutation brève aux soldats postés à l’entrée du palais et s’écarte dans la direction qui mène à son bureau. Il laisse Nico balancer leurs mains liées (boulier désaxé, métronome arythmique) et se surprend à accompagner le mouvement (attendri).

Et lorsque Nico parle, il l’écoute. Avec toute l’attention du monde vrillée sur ses paroles d’enfants, sur ses interprétations et ses perceptions. Il lui offre le même crédit que celui offert (à contrecœur) aux plus éminentes figures de Wonderland. Il lui offre la même validité (de tout cœur).

« Ce qui est savant est souvent savoureux. », opine-t-il, concédant à l’enfant l’affiliation entre les termes. Décidément, les champs lexicaux se veulent désordonnés (reconfigurés). « Et être savant permet mieux d’accéder à ce qui est savoureux. »

Être savant permet d’avoir les outils suffisants pour s’accorder de la stabilité, de la sécurité ou toute autre denrée sociale désirée. Être savant permet, parfois, si les circonstances le permettent, d’outrepasser les stratifications sociales imposées pour accéder à mieux.

Être savant signifie savoir mêler prudence et audace à bon escient.

Mais chaque chose en son temps (prudence d’abord). Renard lorgne la chevelure sombre, soupèse la question (et les mains qui, encore, se balancent).

« Je crois que ce qui représente une urgence pour toi n’en représente pas nécessairement une pour les autres. Il faut être prudente, petit soleil, lorsque tu es entourée de gens que tu ne connais qu’à moitié. », explique-t-il sommairement. « Tu le sais, n’est-ce pas, que les gens qui t’entourent n’auront pas toujours ton bien-être en priorité. ».

Surtout à Marmoreal, où les apparences ne sont souvent qu'artifices. Partout à Wonderland, endroit où même le temps ne sait pas adéquatement se tenir. Azazel, premier fautif, est le bourreau de plusieurs (hypocrite).

Mais pas de Nico.

Pousse la porte du bureau, contemple l'espace. Les rideaux clairs, la lumière filtrée et le bureau sombre tacheté des restes de frustrations orangées. Et surtout, (surtout) la promesses des confiseries cachées dans les tiroirs.

« Ce n’est pas parce que tu risques d’abîmer le sol que je te demande d’éviter de courir. Je veux surtout m’assurer que tu ne donnes à personne une occasion de s’en prendre  à toi. ». Une pause. « Je tâcherai de toujours regarder derrière moi pour voir si tu arrives pour que tu n’aies pas à courir, Nico. Est-ce un compromis satisfaisant ? ».

Il lâche sa main, se dirige vers le bureau, vers le tiroir.

Renard saisit un bonbon et le tend, souriant.

« Pas besoin d'être prudente lorsque tu es dans mon bureau, cela dit. »

Tapote le bureau, l'invite à s'asseoir, à farfouiller dans les papiers et les livres.

Petite Nico et son sourire stellaire qui laisse se pailleter le monde de simplicité. Renard tendre, Renard qui se demande. Comment se considère le monde lorsqu’il est regardé avec les yeux d’une enfant. Il suppose que cela implique davantage d’innocence, moins de cette fourberie minutieuse qui incombe au royaume (et à laquelle il prend allègrement part).  

Il ne s’en souvient plus.

Il contemple Nico, ses rires et ses sourires tressés dans le firmament de ses yeux. Il la contemple lorsqu’elle se hisse sur le bureau et lorsque, pendant un instant, ses paumes cachent la bassesse de l’orangé qui a contaminé le bois. Il la contemple, l’écoute, posture droite presque trop formelle (trahi par ses airs doux, par un sourire aux saveurs de soleil couchant) et désigne l’espace devant le bureau d’une main.

« Il y a de la place devant le bureau si tu tiens à faire des pirouettes. »

Il dépose la friandise préalablement offerte, caramel enveloppé dans un papier ciré rose, à proximité Nico, puis, après une seconde de considération hésitante (embarrassée) pioche à nouveau dans le tiroir pour en sélectionner une pour lui-même. Sa dent sucrée est un secret mal gardé à Marmoreal, mais il demeure toujours réticent à l'idée d'exposer ses goûts aux yeux d'autrui. Renard déprécie la vulnérabilité qui accompagne le fait de se dévoiler.

Mais petite Nico, pour le moment, n’est pas une menace.

Il s’écarte momentanément, tire les rideaux pour dévoiler le paysage de Marmoreal qui s’étend en contrebas. La vue donne sur la capitale blanche et est régulièrement considérée. Un moyen de se rappeler, de surplomber l’ampleur de ses responsabilités, de ses utilités. Un moyen de s’apaiser.
Les ambitions se comptent au gré des têtes qui fourmillent.

Il se retourne vers Nico et répond enfin à sa demande d’être étreinte. Il la soulève, la prend dans ses bras, dans une séquence de gestes qui ne trahissent pas la faiblesse qui traverse son corps lorsqu’il l’empoigne. Une enfant de dix ans, décidément, ne compte pas parmi les charges qu’il soit en mesure de soulever très longtemps. Il la porte jusqu’à la fenêtre et l’installe sur le large bord.

« La plupart sont faussement gentils, petit soleil. Ils mentent et inventent des prétextes magnanimes pour justifier leur égoïsme. », Renard passe une main dans les cheveux sombres, sourit doucement.

« Mais explique-moi donc ce que tu signifies par ‘différemment', Nico. »