Je te veux sous l'eau chaude
Je te veux tout contre moi
Je te v e u x

Alors tu pourrais attendre, oui tu pourrais attendre Aslan - le rejoindre sous la douche et après au coin du feu. Sentir sa peau contre la tienne, alors que l'eau ruisselle le long de vos jambes tâchées de sang, tâchées de feu. La peinture bleu sur son torse, ah.. tu l'effleures du bout des doigts quand il s'éloigne. Recules pour rejoindre la cuisine, ouvres le sac pour sortir un à un les aliments : les alignes sur le plan de travail. Tu plaques tes mains sur le rebord, t'étires en réfléchissant. Entends le bruit du jet d'eau. Merde.

Je te veux sous l'eau chaude
Je te veux tout contre moi
Je te v e u x

Alors tu ne vas pas attendre. Tu te diriges vers la salle de bain. Te mords la lèvre alors que tu caresses la porte, la fais coulisser. Cette scène te rappelle celle de l'appartement... Il faudrait d'ailleurs que tu rendes les clés Aslan. Tu n'iras plus. Plus avant un long moment.
Tu déboucles ta ceinture et descends ton pantalon devant le lavabo, tires le rideau et étires un sourire ; voile mystérieux à ton visage déconfit.

— « Tu me voulais. Me voilà. »

Tu rentres dans la douche, te places derrière lui et dessines la courbure de ses cotes amochées. Embrasses ton trapèze, empoignes ses hanches.
Avant de finalement te laisser immerger, le visage plaqué contre son dos.

— « Comment fais-tu pour supporter tout ce que je t'inflige au quotidien ? »

Tu as étrangement du recul Aslan. Tu n'as pas réellement conscience que c'est mal mais tu te doutes que c'est peut-être difficilement encaissable. Que c'est désagréable, d'être espionné, jugé, piégé. Muselé. Mais Alec aime ça non ? Il se laisse faire pour cette raison ?
Ou peut-être que tu en as seulement l'impression - mais que c'est tout le contraire.

— « Est-ce que je suis malade, Alec ? »

Oui, tu l'es.
Tu le sais.

— « Je vais pourtant parfaitement bien. »

Tu tires mollement le bras pour attraper le gel douche. Concèdes à te laver, après tout c'est fait pour ça à la base. Tu l'écartes pour te rincer sous le jet.

— « Laisse tomber. Je dois aller préparer le diner. »

Parce que c'est toi.
Tu aurais cru être capable de pleurer en entendant ce genre de choses mais pourtant c'est vide au creux de tes orbites. Tu renifles un peu, ça trahit ton émotion. Tu fixes le mur carrelé devant toi comme un point à ne pas lâcher. Ça t'aide à canaliser tes sentiments, à percevoir le monde comme il tourne réellement - et pas seulement comme toi tu l'idéalises. Alec est vivant, tu le sens. Ce n'est pas un mirage, ce n'est pas une invention de ton esprit créé dans le but de te torturer et de te narguer.

Non, Alec existe et il t'aime pour ce que tu es.
Grossière erreur, hurle ton fort intérieur.

— « Hm. »

Tu déglutis, perturbé par ces déclarations. Il fait chaud et tu étouffes sous le jet, et pourtant tu mourais maintenant de t'éloigner de lui - de le faire te lâcher. Sentir sa peau contre la tienne t'empêche de dissocier de la réalité.

— « Moi aussi, je suis drogué. »

C'est tout ce que tu arrives à dire parce que c'est tout ce que tu es capable de verbaliser. C'est trop dur d'avouer que ça te fait plaisir, que ça te touche qu'il te voit ainsi quand tu as autant conscience d'être monstrueux.

A sa question, tu détournes le regard. Esquisses un léger sourire quand il se qualifie d'animal. Te retiens de pouffer de rire - ça dénote complètement avec l'ambiance d'il y a quelques secondes. Tu te retournes pour prendre son visage dans tes mains, pour chérir ses lèvres, son visage. L'enlaces tendrement et viens murmurer à son oreille.

— « Je te l'ai dis la première fois que nous avons échangé. J'ai un don pour le dressage. »

Plaques ton corps tout entier pour le faire reculer contre le mur. C'est étrange quand c'est toi qui est aussi affectueux, inhabituel que tu prennes les devants - mais aujourd'hui tu en as soif.

— « Tu pourrais le devenir... ma princesse. »

Ricanes en souvenir de cette robe qu'il portait si bien.
Ironises sur ta propre situation.

— « Honnêtement, je n'ai rien d'un prince. »

Malgré le fait que tu portes bien le diadème.
Et encore une fois, tu n'as pas réussi à exprimer ce qui te fait de la peine.

— « Laisse toi faire. »

Tu embrasses son torse, descends tes lèvres humides le long de sa peau pour venir cajoler son bassin. L'autre repas attendra.

Dis Aslan.

est ce que tu

es capable de m'aimer ?

Tu articules aussi bien la langue pour cracher tes vanités que pour dessiner des insanités. Tu t'accroches à ses hanches, les font danser - lui griffes la peau et en lèches tout un autre pan. L'accompagnes méthodique et précis jusqu'à la félicité.
Une fois terminé tu restes au creux de ses cuisses, recroquevillé à ses pieds alors que le jet continue de t'abimer. Tu passes ta main à tes lèvres pour te rincer la bouche et te redresses, sans ajouter un seul mot.

Tes doigts s'amusent cruellement à pianoter sur ses hématomes alors que tu sors de la douche, l'abandonnes à son sort et à ses pensées, surement encore secouées par ce qu'il vient de se passer. Tu inspires, expires et t'enroules d'une serviette avant de sortir de la salle de bain. Tu passes dans ta chambre, et fermes la porte. Calme, placide. Tout explose, la frustration et le désir ne font jamais bon ménage. Tu t'acharnes contre ta commode, et tu pleures Aslan. Pour la première fois tu pleures d'une rage sincère, empoisonné par des sentiments qui te consument. Merde.

Tu te reprends dans un souffle maitrisé. Tu attrapes des vêtements, te peignes proprement. Te diriges vers la cuisine pour commencer à préparer le diner. Découpes la viande, les pommes de terre. Oui, c'est plus facile pour mâcher. Oui, plus facile.
Tu mets la table et - le revoilà qui arrive.

Dis Aslan.

est ce que tu

es capable de m'aimer ?

— « C'est bon ? Tu es propre ? »

Tu étires un sourire factice.

— « C'est presque prêt. »

Dissimules tes doigts rougies par les coups, derrière ton dos.

Vous alliez enfin passer à table - c'est quoi son problème ?
Tu te retrouves pris au piège entre lui et le plan de travail, fais claquer ta langue sur ton palais. Bordel, il a l'oeil du démon et l'attitude indécente. Tu gesticules pour le repousser, baissant les yeux d'un air un peu agacé.

— « Mais c'est rien, écarte-toi. »

Il ne bouge pas et tu pestes intérieurement. ça t'enrage qu'il te connaisse aussi bien ; presque aussi bien que tu ne te connais toi même. Il reconnait tes manières, est lucide sur tes comportements. Pourquoi est-ce que tu as laissé un individu pénétrer ta vie d'une manière aussi intense ? Tu t'accroches au pan de son t-shirt.

— « Alec. »

Ta voix est froide mais surtout autoritaire, un brin menaçante.

— « Ça va être froid. Pousse-toi, et je ne le répéterai pas. »

Il force, encore. Tu détestes cette sensation de piège. T'as l'impression d'être un animal en cage et les paroles d'Alec te reviennent en tête. C'est lui... c'est lui à qui tu dois mettre la laisse. Pas l'inverse. Tu tournes la tête pour éviter son regard, tiques à de multiples reprises.

— « C'est pas possible, t'es plus têtu qu'une mule. Arrête ! Arrête d'essayer de comprendre ce qu'il y a dans ma tête ! »

Arrête de réussir mieux que personne.

— « Cesse donc de me manquer de respect en pensant me connaitre par coeur. Je t'ai sucé, ça ne t'a pas suffit ? »

Tu attrapes du bout des doigts le manche de la fourche qui te sert à planter la viande, la pointe sous son menton.

— « Tu vas t'écarter et aller t'asseoir pour que je te serve le repas. »

Il a des arguments qui piquent là ou ça fait mal. Tu baisses les yeux, déglutis quand il t'accule mentalement aussi. Tu la sens, sa rage, quand il fulmine à quelques centimètres de toi. Tu sens la vague de haine qui monte - comme si tu l'avais trahi. C'est peut-être le cas. Vous êtes censé tout vous dire non ? Tout partager. Toi tu voudrais pouvoir t'immiscer dans sa tête. T'as déjà scarifié ton nom une fois sur sa peau, tu pourrais bien tatouer son esprit.

— « Pour... »

Tu serres les dents et détournes une nouvelle fois le regard, appuies sur la fourche pour te montrer plus véhément. Ecarquilles les yeux à sa question - plus intrusive, plus maladive. Est-ce qu'il parle de Valentina ? Est-ce que tu l'aimes, lui ?

— « Non. Il m'arrive de penser à lui, oui. Mais seulement dans l'optique de chercher un moyen de l'anéantir, de l'humilier comme il m'a... » pause. « humilié. »

Tu rougies un peu, passes tes doigts à tes lèvres en repensant à ces baisers échangés. Tu en as détesté chaque instant. Il t'apparait que tout contact physique devient fade quand ce n'est pas avec Alec. Et ça t'agace de t'abandonner peu à peu, ça te frustre de nourrir une dépendance aussi cruelle.

Alec s'éloigne, cède et va s'assoir à table, comme demandé. Tu en profites pour stabiliser tes pensées, souillées par des désirs sordides. Tu attrapes le plat et viens le déposer sur la table, l'ouvres pour le servir.
Son merci est un peu sec, mais à quoi tu tu t'attendais ? C'est toi qui a commencé à être distant.

— « Est-ce que c'est bon ? »

Sourire, tu essaies de détendre l'atmosphère.

— « Je n'ai rien mis dedans, si ça peut te rassurer. »

Mais ce qui peut l'inquiéter, ce sont les marques encore fraiches sur tes doigts que tu peines à cacher.

Il n'a pas fallu plus de trente secondes pour qu'il attrape ton poignet, remarque tes blessures au niveau des jointures. Tu lâches brutalement ta fourchette dans l'assiette, un peu sous le choc qu'il revienne encore à la charge. Tu le foudroies du regard en retour, tires sur ton poignet pour t'en libérer puis le masses d'un air courroucé. Tu n'as même plus faim, il a réussi à te dégouter pour de vrai - cette fois.

— « Espèce d'abruti fini. T'as raison, t'es vraiment un animal et je sais pas comment je te supporte. »

Ton esprit a choisi à la perfection la suite de mots qui pourraient lui faire le plus mal. Tu ne les pensais pas, tu voulais juste le blesser en retour.
C'est pas possible, pourquoi t'es autant en rogne ? T'as toujours eu le contrôle absolu de toutes tes situations, Ô grand jamais tu ne le subissais. Voilà qu'il lui suffit de râler une fois pour renverser la balance. Tout envoyer valser sur le plateau, les pions sont perdus à jamais et seuls les deux rois persistent à s'affronter.

— « La prochaine fois, je t'éclate le crâne contre le coin de la table. Je te frapperai si fort que j'arriverai pas à enlever ton sang de mon tapis. »

Menace pesante. Il peut bien dire que c'est bon, t'en as plus rien à foutre maintenant. Tu fixes un coin de la pièce en faisant les gros yeux. A deux doigts de lui planter la fourchette dans la main. Inspires, expires. Merde.

Finis par soupirer, fatigué de ces querelles.

— « Est-ce que c'est comme ça que ça se passe maintenant ? Notre seule manière d'exprimer notre affection l'un pour l'autre, c'est en se pourrissant la vie ? »

Tu serres les poings sur la table.

— « Je sais que tu m'en veux encore pour l'autre fois. Et moi je t'en veux pour ce matin. C'est à celui qui se venge le plus fort, d'accord ? »

Tu te lèves et prend ton assiette pour la ramener dans la cuisine.

— « Continue comme ça, connard, et c'est toi qui va gagner. »

J’ai pas envie de gagner Aslan.
T'as encore l'humeur à l'envers alors tu préfères tout comprendre de travers. Ça te fout la haine, ça te fout la haine. Tu le détestes, ce sale cabot. Pourquoi tu t'es amouraché du premier clochard venu ? Ça te ressemble pas Aslan. Il est pas assez digne pour toi (il est le seul qui t'aimera à n'importe quel prix).
Il suffit de croire que le prince charmant est intouchable. Il n'est innocent que lorsqu'il ne se déclare pas lui même coupable.

— « Tu ferais mieux de t'y habituer oui. »

C'est dit sur un ton un peu sec mais ton coeur s'apaise un peu quand tu sens ses lèvres à l'arrière de ton crâne. Quoique, non. Tu vrilles. Pour qui te prend-t-il ? Un enfant ?
Je t'aime.
Merde.
Ça détruit toutes tes barrières. Tu baisses les yeux, te mords la langue. Il s'éloigne déjà et tu attends qu'il soit parti pour frapper violemment de ton pied la porte du placard.

Finis de débarrasser et de nettoyer pour le rejoindre quelques dizaines de minutes plus tard, quand tout est parfait. Toques à la porte de votre chambre, tu déglutis alors que tu le vois allongé.

— « Alec. »

Tu grimpes sur le lit, à genoux sur le matelas. Tentes de trouver quelque chose qui pourrait vous unir de nouveau.

— « On devrait faire ce qu'on avait dit la dernière fois. Avec Daisy il y a un mois. Tu sais... »

Tu caresses la courbure de son corps, descend au creux de ses cotes.

— « En trouver une autre. »

Il n'arrive pas à te résister. ça te donne du pouvoir et tu te demandes s'il s'en rend compte - à quel point tu as de l'emprise sur lui, à quel point il t'est soumis. Peut-être bien que tu te trompes, peut-être bien que c'est toi qui est à sa botte sans t'en rendre compte. Il t'a bien eu, le chien a passé la laisse au maitre.

Tu caresses ses hanches et à ta proposition il se retourne, bien plus disposé et ouvert d'esprit. Tu étires un sourire sournois et passes ta langue sur tes lèvres, amusé de sa réaction. Est-ce que tu en as envie ?

— « Je crois bien, oui. C'était stimulant. »

Tu frisonnes, alors qu'il se jette sur toi, te plaques sur les draps. Bombes le torse alors que tu expies toute l'excitation qui te gorge.

— « Son visage qui se décompose, ses cris... J'ai aimé te voir aussi cruel. »

Tu glousses, malicieux. Mauvais, impétueux.

— « A mon image. »

Quand il questionne la douleur de ton poignet, tu fronces les sourcils et secoues la tête. Tu n'as pas envie de parler de ça, ni de changer le sujet. Tu n'as pas mal de toute façon. Tu n'as pas mal du tout. Tu comprends qu'Alec ne s'en excusera pas, alors son inquiétude te parait déplacée. Tu lui mords la main.

— « Cesse ton hypocrisie. Je ne suis pas à l'article de la mort. Ce n'est pas une petite prise de rien du tout qui va me faire mal. »

Trop fier, Aslan. Encore plus que lui, il n'en a pas idée.

— « Je voudrais... une fille naïve. Une fille au grand coeur qui serait plus à même de tomber dans un piège, et de croire à nos bobards. »

Tu souris, d'une manière douce. Rassurant. Plies le haut du corps pour venir dévorer sa nuque de baisers, lèches sa peau jusqu'à son oreille. Aaaah... Quelle bonne odeur.
Ça y est, t'es parti dans un autre monde Aslan, dans ton délire.

— « Et c'est toi qui va me la dénicher, c'est compris ? »