Il a marché. Seul en silence des heures durant, les lèvres étirées en un discret sourire en coin. Il ne s'est pas arrêté un instant, ni pour se reposer, ni pour boire ou manger. Il a marché, traversé les terres du Royaume de Coeur sans même s'arrêter au palais -il n'a pas voulu la voir, sa Reine. Alors Jabberwocky a tracé tout droit, puis il a finit par quitter la chaleur de son pays pour la froideur de l'autre. Pour se rendre à Marmoreal, humblement aurait t-on pu croire. Si seulement.

L'esquisse qui s'agrandit tandis qu'il se pose devant les portes. Ne fera pas l'affront de forcer l'entrer étant donné qu'il vient en paix, ce serait dommage n'est-ce pas ? Alors, il toise les gardes durant un long moment. De haut en bas, le regard fier et le dos droit.

— Je viens voir sa Majesté Romeo Aryun de Crims.

Romeo Romeo Romeo.
Tu n'es pas le seul objet de sa visite à vrai dire, mais sûrement le plus important. L'esquisse narquoise qui se dessine quand les gardes ne semblent pas le prendre au sérieux. Ils se moquent, se demandent qui donc ose venir demander audience dans ce palais aux milles éclats. Est-ce un moulin, raillent-ils. Ils s'approchent, toisent, se moquent. Encore encore encore et les rires sonnent comme des déclarations de guerre mais. Il ne faut pas, Jabberwocky.

— Vous ne devriez pas faire ça.

Le toucher. Rire si fort. Ni l'un ni l'autre. Et pourtant ça bouscule une nouvelle fois alors, forcément, quand le plus grand des deux idiots finit à terre et que le Jabberwocky menace, tout est déjà foutu. Les visages qui pâlissent quand lui lâche un soupir -l'homme aussi, il le lâche. Un dernier regard noir avant qu'il ne se recule de quelques pas.

Les bras levés en signe de paix.

— Je ne viens pas en ennemi. Faites donc venir cet imbécile d'épée sacrée pour me surveiller si le coeur vous en dit. Je dois voir Romeo, ou n'importe qui dans ce foutu palais qui soit capable de me mener à lui.

* * *

Il s'est arrêté à quelques mètres de toi, dans les jardins. Le regard tranquille et l'esquisse amusée tandis qu'il s'abaisse légèrement pour te faire sa plus belle révérence. Ce n'est pas dans ses habitudes, rien de ce qu'il fait actuellement n'est dans ses habitudes. Mais il paraît que le changement a du bon parfois, alors il essaie. Ignore les pensées et les sensations de sa précédente incarnation pour tenter de se montrer plus neutre à ton égard. Une chance que ce nouveau lui soit plus enclin à l'exubérance et à la communication, voilà qui lui facilite grandement les choses.

Pose son regard dans le tien sans faire le moindre pas pour aller à ta rencontre. Conformément aux instructions qu'il fera l'effort de suivre aujourd'hui, il ne quittera pas ses chaperons. Aucun d'eux. -et puis la bienséance veut que tu l'autorises à avancer avant, pas vrai ?

— Ça pour une surprise, l'esquisse qui s'élargit à mesure des mots. Tu es bien plus beau à présent, Romeo.

Visiblement il n'est pas le seul à avoir changé.

— Il faut croire que l'immortalité t'embellit avec l'âge.

Ou bien que t'es goûts deviennent bien meilleurs, à l'instar des siens. Il se demande néanmoins ce qui a pu te tuer dans ce pays de paix. Ahem. Peu importe.

Est-ce que tu le détestes, dis ?

Plus de prestance ? C'est vrai qu'il a l'air moins... Déprimant. Il en est plutôt fier Jabberwocky, t'adresse un sourire alors quand tu en fais la remarque.

— Ravi de constater que tu as toujours aussi bon goût.

Puis tranquillement il vient s'installer face à toi. La chaise un peu reculée pour lui permettre de croiser ses jambes et d'y poser ses bras, il est assit légèrement de profil mais ses iris, eux, sont bien posés sur toi. Ils te détaillent toi Romeo, de la délicatesse avec laquelle tu tiens cette tasse de thé à la finesse des traits de ton nouveau visage. Tu es beau. Vraiment beau.

Une œillade à peine à l'escorte que tu fais reculer un peu plus loin, c'est vrai que tu as ce droit là, toi. Ce droit que lui n'a pas envie de prendre aujourd'hui. Fort bien, voilà qui est arrangeant.

— Un endroit où me cacher ? Aurais-tu oublié à qui tu parles Romeo ?

Hausse les sourcils, perplexe de ces mots qui n'ont absolument aucun sens à ses oreilles. le ton plus sérieux alors, avant de déclarer.

— Je suis le Jabberwocky, je ne me cache de personne.

Pas même de Juliette.
Pas même de Vorpal.
Pas même de Knave.
Pas même de toi.
Tu vois ?

— Mais j'avais besoin de te voir, Romeo. De comprendre la colère et l'amour profond que ma précédente incarnation te vouait.

Parce qu'aujourd'hui, face à toi, il a décidé d'ouvrir les yeux, de grandir encore un peu.

— Ça t'étonne ? Que je te dise que je t'aimais.

Et ce malgré la colère, malgré la rancœur, malgré toutes les horreurs qu'il a pu te faire subir. Lui aussi il trouve ça étrange, alors ça doit sûrement l'être un peu. Pourtant il ne ment pas.