le ciel prend des teintes cinabres en cette fin de journée, accentuant encore l'atmosphère sanglante du château de cœur. tout ce rouge, on pourrait s'en lasser, mais pas thomas. il se plaît entre ces murs, où il peut exercer l'insignifiant pouvoir qu'on lui a octroyé – dire qu'il en abuse serait plus juste – certains des soldats sous ses ordres pourraient en témoigner, à condition de ne pas craindre les représailles.

tom marche dans les couloirs comme si l'endroit lui appartenait, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, le menton relevé, un sourire fier sur le visage et il sifflote par moments l'air d'une chanson dont il a oublié les paroles. il a déjà accompli ses devoirs pour aujourd'hui, et ce qu'il cherche maintenant c'est une distraction, quelle qu'elle soit. il finit par la trouver en mettant les pieds dans la cour, quand il aperçoit un peu plus loin un de ses collègues préférés ; et le pas presque sautillant, il se rapproche pour se planter devant lui, lui bloquant le chemin.

percy, mon cher ami –  il le salue, le ton faussement chaleureux, trop insistant pour être sincère comment vas-tu ?

ce n'est pas vraiment une question, ou plutôt, il en connaît déjà la réponse, thomas. il a entendu le récit de ses malheurs par la bouche même du responsable, et il s'en est amusé, bien sûr, comme il s'amuse de tout ce qui ne le touche pas. et il ne peut pas résister à la tentation de retourner le couteau dans la plaie qu'il n'a pas lui-même infligée. c'est trop tentant, trop facile et ça trompe trop bien l'ennui.

alors il fait glisser son regard sur les mains de perceval et il siffle pour apprécier les dégâts – comme on siffle quand on voit une jolie personne dans la rue.

il ne t'a pas raté, hein. tu crois que tu arriveras encore à tenir une épée ? peut-être que tu devrais donner ta démission tout de suite.

et toujours ce sourire, ce sourire qui se veut amical mais qui n'efface pas le poison contenu dans ses mots.

pas de réponse à ses provocations, pour l'instant (dommage) mais il ne manque pas de remarquer les petits détails, la tension dans la voix de l'autre, la façon dont il s'immobilise un instant en l'entendant siffler, autant de signes que tom a visé assez juste pour toucher quelque chose. et ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin, n'est-ce pas ?

moi ? je veux juste prendre de tes nouvelles. il ment sans rater un battement, car c'est aussi naturel chez lui que de respirer ; il n'a même pas besoin d'y penser. je m'inquiétais pour toi, tu vois – après ce que knave m'a raconté.

il ne précise pas quoi, au juste. il préfère laisser à perceval le loisir de l'imaginer, de se demander ce qu'il sait exactement, combien de détails il a appris de la bouche de son bourreau. après tout, ce n'est pas drôle d'étaler toute ses cartes sur le plateau dès la première manche. ça gâche toute la partie.

il paraît que tu as beaucoup crié. c'est dommage, je n'étais pas là pour entendre ça. une prochaine fois, peut-être.

on dirait une menace mais dans la bouche de thomas, ça sonne comme une invitation, comme s'il lui proposait de prendre le thé ensemble un de ces jours, entre collègues ; et le regret qu'il exprime est sincère, vraiment, il aurait voulu être là pour voir ça de ses propres yeux parce qu'à ses yeux, il n'y a rien de plus distrayant que la souffrance d'autrui.

mais tant pis, il se contentera d'appuyer là où ça fait mal dans l'espoir de rouvrir une plaie mal cicatrisée – et comme ça il pourra toujours dire que ce n'est pas de sa faute, lui n'a pas infligé le mal, il n'a fait que le réveiller. donnez-lui le plaisir sans les conséquences, le jeu sans l'éventualité de la défaite.

ah, ça y est.
ça marche.
sourire soi-disant bienveillant qui se fait peu à peu rictus cruel alors que thomas s'extasie de l'effet immédiat qu'ont ses mots ; c'est si facile, un peu plus et cela en deviendrait ennuyeux mais il affectionne bien trop ce genre de jeux pour s'en lasser – tout du moins, pas si vite.

alors il arque les sourcils et il incline la tête de côté, moqueur, à la question.

quoi ? mais tout, mon cher percy. il m'a tout dit. tout ce qu'il t'a fait, dans les moindres détails. c'était très... instructeur.

il ne prend pas mal le refus, ni l'invitation à passer son chemin ; au contraire, il s'y attendait et se contente de s'écarter d'un pas quand perceval le bouscule, juste à temps pour éviter de perdre l'équilibre.

il semble évident que son collègue aimerait lui fausser compagnie, mais tom n'en a pas fini avec lui, et percy ne l'intimide pas, encore moins dans son état actuel. il le saisit par le poignet pour le retenir.

ne t'en va pas si vite, voyons – on commençait tout juste à passer un bon moment, tous les deux.

il le tire vers lui, appuyant sur sa main blessée sans la moindre pitié. ça doit faire mal, et thomas en a parfaitement conscience, sauf que plutôt que de le décourager, ça l'amuse. et maintenant qu'il est tout près, il en profite pour murmurer, juste assez fort pour être entendu.

à moins que tu ne préfères la compagnie de knave à la mienne.

paroles venimeuses qu'il accompagne d'un clin d'œil comme pour leur donner une nature suggestive, alors qu'elles ne sont rien d'autres que menaçantes.