À dire vrai, les mois avaient installé une routine à son quotidien princier. Petite Marion si frêle si inadaptée qui pensait ne jamais avoir de place nulle part semblait avoir trouvé la sienne au Royaume de Cœur, bien qu'ayant encore tout de la rose blanche qu'aucune peinture rouge n'aurait touchée – une goutte d'eau dans un pays chaud dont la reine est un brasier ardent. Qui sait si elle saurait un jour satisfaire cette mère de substitution ?
Elle s'était accoutumée à ce que son rythme de vie ne repose plus entre ses mains : peu importe même, tant cette routine a quelque chose de rassurant. Désormais on fait pour elle et dans l'ombre, on ne requiert d'elle que des choix aussi superficiels que la couleur de ses robes et les lieux de ses promenades quotidiennes. Un·e épris·e de liberté en souffrirait sûrement, mais la Princesse de Cœur est de ces esprits qui se rangent volontiers derrière les décisions d'autrui.
On l'avait laissée décider de sa sortie du jour, et son choix s'était porté sur le Labyrinthe, vaste étendue de ronces et de roses qu'elle aperçoit depuis ses balcons sans jamais s'y être réellement aventurée. Parmi les obligations auxquelles elle s'était faites figurait également celle de l'escorte, qui la mettait pourtant tant mal à l'aise au début ... Elle pensait ne jamais se faire à être suivie en silence par un·e inconnu·e – triste ironie, quand son pouvoir lui permet de faire exactement cela sans être vue. Aujourd'hui, elle n'en fait plus grand cas, et trouve même quelque chose de rassérénant à cette présence protectrice.
Quand vos regards se croisent, elle esquisse un souris timide en réponse à celui que tu lui adresses. Ses petits souliers ouvragés dessinent un rythme régulier en claquant sur le sol, qui s'arrête avec douceur lorsque tu prononces quelques mots.
Entendu. Hochement de tête, avant de poursuivre sa marche vers l'entrée du Labyrinthe. De là, le rouge des mille et unes roses lui apparaît comme autant de taches ensanglantées.
Parvenue aux haies formant une arche afin de marquer le début du parcours, elle effleure du bout des doigts la corolle d'une rose et tâche d'en humer le parfum. Elle se laisse un petit temps de réflexion avant de finalement laisser s'élever sa douce voix, encore timide et peu assurée, mais bien présente – là où il n'y a encore pas si longtemps, la pointe du crayon la remplaçait.
Oui, beaucoup. La vie y est douce et le temps est clément. Même si ... si j'ai encore l'impression de ... manquer de quelque chose pour être vraiment- pour vraiment appartenir à ce pays. L'impétuosité sans doute, si étrangère à sa nature douce et patiente. Elle manque de se murer à nouveau dans le silence, mais l'inquiétude qui vient avec le fait de converser l'en empêche.
Avez-vous toujours vécu à Crims ?