est-ce un crime, d'aimer ? est-ce qu'un homme de son envergure, est-ce que le fait d'être une personnalité aussi publique devrait l'empêcher de ressentir ? non pas forcément de l'amour passionnel non, pas forcément de l'amour charnel, il n'y a rien de plus platonique que ce qu'il éprouve pour violine ; mais ses ambitions s'amenuisent devant elle. devant sa figure précieuse, les traits pâles de son visage et ses cheveux, ses longs cheveux - aucune rumeur ne ment. violine sent bon comme la maison, elle le rend ivre par sa présence ; il n'arrive pas à détacher ses yeux d'elle.
comme souvent, du moins disons, tous les mois au moins, il est assez ici, à l'arrière de la boutique de son amie. il a croisé une de ses jambes longilignes au-dessus de l'autre, et suit du regard la raison de sa présence ici, avec le voyeurisme discret d'un enfant assagi par une présence autre.

il se retient de la coller, de la suivre juste derrière, tandis qu'elle fait le thé ; d'ailleurs quand il est arrivé et qu'il s'est installé, il l'a salué très sobrement. à peine un bonjour, il veut attendre qu'elle s'assied pour converser avec. ils doivent se concentrer l'un sur l'autre, et theodosius n'aime pas les choses faites à moitié, surtout si dans ces choses il y a s'intéresser à lui.
patientant qu'elle s'assied, il tapote sans arrêt la surface de la table du bout de ses doigts - il peine à tenir en place, le pauvre gamin ! deux siècles de bougeotte, on ne lui connaît aucun calme dans l'intimité. une fois qu'elle se rapproche, il ne la laisse même pas parler - de toute manière c'est toujours lui qui a entretenu la longueur de leurs conversations. il est le plus bavard, le plus envahissant.
violine, c'est très très grave ce qu'il se passe. le ton est de circonstance et il est si peu à ce point sérieux, habituellement, en la compagnie de violine, qu'il semblerait qu'il soit un mauvais personnage de tragédie. je sais pas quoi faire ! violine, est-ce que tu te rends compte, on va rentrer dans la plus grosse crise que j'ai jamais eu à gérer... même l'augmentation du trafic de poudre magique qui a fait accroître une économie sous-terraine n'est pas grand chose à côté. violine... il prononce son prénom encore et encore. violine - son porte-bonheur, violine - qu'il aime, violine - elle ne se détourne pas de lui. violine... c'est un soupir désespéré, il gémit d'incompréhension, passe une main dans ses cheveux ; sa gorge se dévoile, blanche, tandis qu'il regarde le plafond. est-ce que tu penses que timewell la prononciation du prénom lui provoque un tremblement insensé et émotif, il garde les lèvres entrouvertes dans une réflexion silencieuse. une seconde. deux secondes. a été kidnappé par les dark shadows... le silence qui suit est dramatique.

la scène est à double facettes : d'un côté violine, raisonnable et pleine d'une réflexion murie et de l'autre, theodosius qui dit tout ce qui lui passe par la tête. ou qui laisse l'impression d'une telle bêtise, l'ampleur de ses pensées est en réalité plus large, mais il ne perd rien à paraître profondément idiot, à part du mépris déplacé.

il observe violine autant qu'elle lui adresse des regards, et se saisit en mimétisme de la tasse dont le liquide n'est jamais brûlant. il attend tout de même, s'attarde sur le très léger dépôt naturel à la surface du liquide ambre, écoutant attentivement son amie. un coude sur la table, il appuie son menton dans sa main, moue crispé sur le minois dans la réflexion, peu satisfait des réponses qu'elle lui donne. toutefois, qu'elle le complimente ainsi le revigore immédiatement : il se redresse à moitié sur sa chaise et se pare d'un immense sourire, chat dont le poil a été caressé dans le bon sens. il est ravi d'être aussi brillant dans les yeux des autres que dans les siens. pour fêter cela, il prend une première gorgée du breuvage qui réchauffe sa trachée.

oh... je suis ravi que tu soulignes mes compétences en tant que maire ! enchanté même, sans aucun doute. il n'oubliera pas les gentils mots de sa compère ! la suggestion lui arrache une nouvelle seconde de silence où il fixe le vide avant de revenir à elle en acquiesçant vivement de la caboche. c'est vrai, c'est un vieil ami, il saura me guider ! tu le connais, toi ? je pourrais vous présenter, je suis certain que vous vous entendriez à merveille ! car quiconque rencontre autrui sous son joug se doit de l'apprécier, cette règle est immuable. comme son sourire qu'il ne perd pas en la présence de celle dont il voudrait toujours être plus proche. violine est un mur et à défaut de pouvoir le détruire, theodosius apprend à l'escalader peu à peu, brique par brique.