Rouge écarlate, rouge carmin, rouge apparent dans chaque parcelle composant cet imposant château. Le rouge se dévoilant sous toutes ses nuances, contrastant avec la blancheur étincelante du Palais au Mille Éclats ; car si le palais de Marmoreal symbolise la pureté et la simplicité, l’extravagance de ces lieux n’incarne nulle autre que la prestance et l’effroyable danger.

La toute-puissance et la domination.
Les flammes et l’hémoglobine couleur passion.

Au château de Cœur, dans cet environnement inquiétant taché de sang, se trouve ta frêle silhouette, Matthias ; au cœur d’une chambre abandonnée, malgré l’uniforme réglementaire embellissant ton allure, tu continues de détonner de cet univers cramoisi. Prisonnier de la Reine Rouge, pour combien de temps encore ? Arraché de ton paisible royaume, tu rythmes tes journées d’aller-et-retours muets, l’expression délavée par la culpabilité. Tu remplis les exigences sévères sans marmonner la moindre remarque insolente. Car, malgré ton jeune âge, Matthias, tu saisis aisément les conséquences d’une rébellion improvisée. Oh, maintenant, tu le sais.

Balthazar te l’a confirmé,
Il faut être idiot pour tant espérer.
Toi, tu ne pourras jamais rien changer.

Tu laisses échapper un soupir brisé.
N’y pense plus,
N’y pense plus…
Et continue.

Tu prends une inspiration vivifiante avant de te remettre à plier le linge avec délicatesse et minutie, comme autrefois ta mère te réclamait de le faire. Tu demeures indifférent à la douce texture des tissus que tu effleures, dévoué à ta mission dans un élan de résignation — dans un élan de détermination. Chaque seconde murée dans le silence est consacrée à une réflexion intense, à la recherche d’un échappatoire désespéré ; le regard bien fixé vers l’avant, les iris se promènent en permanence afin de repérer la moindre faille salvatrice, croisant alors une chevelure de jais ressortant au milieu des murs carmins.

La tête se tourne lentement,
et un instant de flottement,
en constatant les traits d’un autre enfant.

Le visage s’éclaire de curiosité à la vue de ces traits enfantins, à la vue d’un être semblable éveillant une pointe de nostalgie ; car dans ce monde étrange, tu n’avais côtoyé que la cour des grands ; car dans ce monde étrange, on regrettait les jours d’avant, les jours où l’on s’entourait de gamins insouciants, à l’aube de l’adolescence. Où tout était plus facile.

— Oh, salut !

Les orbes s'écarquillent de surprise face à ta spontanéité incontrôlée, tu t’obliges alors à poursuivre ta tâche à vitesse accélérée ; tu te redresses avec le linge plié dans tes bras, t’approchant du jeune garçon, l’air un peu embarrassé. En ces terres où te voilà coupé des liens sociaux, la maladresse semble sortir plus naturellement.

— Aha, désolé, c’est pas fou comme approche. C’est juste que… j’m’attendais pas à voir quelqu’un de mon âge ici. Tu es un domestique ici, toi aussi ?

Le malaise intensifié par la glaceur de ce regard que tu détailles enfin ; mais au diable les préjugés, au diable les idées préconçues ! Tu espérais calmer les peines au contact de l’innocence d’antan. Alors l'espoir ne se fanera guère.