Il était toujours si plaisant de voir des êtres grandir, de les voir s’épanouir au fur et à mesure. Tu avais été des plus bienveillants avec ta nouvelle proie, avec celle sur laquelle tu avais jeté ton dévolu. Il n’était pas charnel celui-ci comme avec bien d’autres qui avaient toujours fini par trouver la mort. Ici tu voulais modeler un être, lui faire entrevoir la beauté qu’il y avait au fond de sa personne. Pourquoi avoir honte de ses déviances alors que le jugement des autres n’importait que très peu, qu’on ne lui accordait de la valeur car on se tourmentait à lui en offrir justement. Rose avait du potentiel, un potentiel qu’elle gâchait en vivant en ce monde infâme, en le royaume de la Reine Blanche. Tu ne savais si elle tenait à ce point à son travail, à ses fleurs mais même en Halloween City elle pourrait continuer son activité car après tout n’offrait on pas des fleurs aux morts ? Dans tous les cas Rose ne devait plus être celle qu’elle était, elle devait mettre à profit sa colère, ses relents. Elle devait apprendre à orienter ses émotions vers autre chose, vers une personne autre que toi, vers ce monde et ce qu’il lui avait infligé. Elle était convaincue que tu étais un monstre mais n’est-ce pas ce monde qui avait fait de toi ce monstre et qui l’avait blessé elle ?

Tu l’avais donc ramené à ton manoir en tous les cas, bienveillant en l’horrible souvenir que tu avais crée en elle. Il te fallait la calmer, lui offrir du repos et de quoi murir, repenser à ce merveilleux moment. De plus il te fallait lui trouver une prochaine activité, une nouvelle façon de modeler son esprit tout comme actuellement lui faire comprendre que tu ne voulais que son bien. Un bien étrange mais réel de ton point de vue…

Il y avait une opposition diamétrale entre ta demeure et le fameux manoir connu d’Halloween City qui servait de phare pour votre organisation. Les lieux merveilleusement entretenus mais en une teinte lugubre, la végétation environnante oscillant entre beauté et funèbre. Les canidés rodant en les environs en l’unique but de garder les lieux, de s’attaquer aux indésirables hormis quelques exceptions. Certains s’approchèrent même de ta personne curieux de la nouvelle femme qui t’accompagnait mais n’osant lui grogner de par leur maître à ses côtés. Vous aviez fini par pénétrer en la bâtisse chacun couvert de sang mais surtout elle nimbée de cette teinte cramoisie autant sienne qu’issue d’un malheureux inconnu.

« - Cela te va parfaitement. »

Faisant allusion à ce pourpre auprès de sa silhouette, ses lèvres en étant même marquées. Tu ne lui demandais comment elle pouvait trouver les lieux. Cela n’avait absolument aucune importance car tu ne l’avais pas amené pour ça, tu savais qu’elle n’en avait que faire de surcroît et que plus que tout elle allait vouloir se purifier de toutes ses impuretés. À quel point se détestait-elle présentement ? Était-ce plus que l’aversion qu’elle avait pour toi ? Tu comptais le savoir d’une façon ou d’une autre.

« - Mais tu vas devoir t’en débarrasser et nous aurons à parler de ton œuvre. »

Une bien belle œuvre, un meurtre magnifique… Elle avait tant fait en si peu de temps.

« - Mais je suis fière de toi Rose. »

Deux de ses vêtements s’échouant au sol, gorgés d’un sang maintenant séché, cristallin en sa teinte cramoisie. Tu le sentais qu’elle voulait se débarrasser de tous ces marqueurs, tout ce qui pouvait lui rappeler ce moment merveilleusement infâme. Ce moment où elle avait réussi à s’épanouir à tes yeux à défaut de toujours plus se renfermer, se recroqueviller en sa boutique. Rose avait grandi et avait accepté qu’on la cueille et qu’on vienne l’enterrer en une terre peuplée de ronces et pire mais en une terre fertile et non pas stérile. Il était d’ailleurs aussi tragique qu’amusant de l’entendre tantôt prononcer des propos si distants et parfois si plaintifs comme si tu étais la seule personne qui pouvait lui offrir la rédemption car oui tu l’étais… Tu en étais fermement convaincu.

Faust avait toujours pris un lourd tribut mais les offrandes en retour furent toujours formidables.

La souffrance avait toujours été une de tes plus grandes satisfactions mais il n’y en avait qu’une chose qui la surpassait… Celle de voir tes œuvres enfin se libérer après tant de tourments, enfin s’accepter et tu avais de grands espoirs pour Rose mais la tâche serait hardi.

Il y avait néanmoins toujours ce détail qui te peinait concernant sa façon de parler… Ce détail bien étrange s’évertuant à utiliser son nom, à te le rappeler tout comme à utiliser le tien. Tu étais convaincu d’avoir compris pourquoi elle faisait cela alors qu’en parallèle elle tentait de se montrer insolente en peignant tes murs de son hémoglobine.

« - Toujours à m’appeler monsieur Faustian et toi à réclamer un mademoiselle Jacquet. »

Même après un meurtre, surtout après un meurtre car tu savais ce que cela importait à ses yeux. Tu n’allais lui accorder tout de suite ce qu’elle te réclamait alors que vous vous trouviez en ce couloir. Elle se devait toujours de t’offrir des réponses en un tout premier temps.

« - Chacun a sa façon de se défendre, les blagues, le sourire en coin ou encore le désintérêt total et la froideur… Serait-ce ta façon à toi ? Ta façon de te défendre et de ne pas plus sombrer ? »

Tu étais là face à elle et non elle resterait ainsi souillée tant que tu n’aurais de réponse, marquée par ses propres péchés.

« - Belial, je t’ai déjà donné mon prénom en boutique alors pourquoi ne pas l’utiliser… Rose. »

Une main glissant le long de cette marque qu’elle avait fait naître auprès du mur, un détail que tu devras sans doute effacer, préférant la pureté de ta demeure. Les abominations ne quittant le sous-sol des lieux ou encore ta chambre en les minutes après tes moments d’expiation.

« - Tu as juste à donner une réponse construite et logique, à être honnête et tu pourras aller te laver. Tu pourras rester sous l’eau chaude autant de temps que tu voudras, bain ou douche selon ta préférence. »

Tout le temps qu’il lui faudra… Tu étais capable de lui accorder même si tel un bouquet… Sa composition actuelle était quasiment parfaite.

Sa détresse te nourrissait, tu t’en satisfaisais comme un merveilleux breuvage. Enchainant les gorgées avec envie, ne te lassant point du goût. Chacune de ses réactions présentement ne faisait qu’un peu plus l’enfoncer en ce marécage en lequel tu l’avais mené. Un marécage néfaste, boueux, nimbé d’une végétation tout sauf majestueuse. Un marécage à l’eau pourpre et pure paradoxalement car tu jouais avec une chose de rare valeur, les sentiments. Tu étais abjecte mais ne lui permettais-tu pas de se sentir plus vivante que jamais en les tragiques événements que tu lui imposais ? Sa tolérance étant proche du néant néanmoins, tu voulais la rendre plus forte, plus grande et capable de changer ce qui la dégoûtait en la plus belle des forces.

Alors que les secondes s’écoulaient en les réponses qu’elle te concédait, tu appréciais grandement sa clairvoyance. Elle tentait de vouloir maintenir comme une distance entre vous-même si elle reconnaissait être clairement en proie à bien des états d’âme déplaisants. Vous aviez juste une vision différente sur le respect, n’était-ce pas la respecter que de vouloir la rendre plus forte ? La modeler pour en faire un être digne ? Même si les méthodes étaient discutables, même si les façons de s’y prendre étaient horribles. Des mœurs différentes vous opposant malgré tout et des définitions sur bien des thématiques se voyant incompatibles entre vous.

Tu fus amusé à l’entendre prononcer ton prénom, enfin, ce simple mot te venant à l’esprit en parallèle alors qu’elle souleva le terme de victoire. Elle était là totalement vaincue mais avais-tu voulu simplement la briser pour le plaisir de la réduire à néant ? Pas le moindre du monde. Elle s’effritait tel un charbon trop usé, tel une de ces pierres que trop chauffées, utilisées mais ici tu n’avais encore rien tiré d’intéressant d’elle.

« - Moi avoir gagné ? Je ne cherche pas à te faire perdre ou gagner mais à t’apporter ce qu’il te faut, ce qu’il te manque afin que tu ne cesses de te voiler la face sur ce que tu es. Ne t’inquiète pas tu apprendras à n’avoir honte. »

Paradoxalement elle aurait pu se soustraire à toi, partir, refuser ta proposition d’aller en ton domaine mais elle n’en avait rien fait. Coopérative car elle sombrait ? Simplement sonnée ? Tu ne la voyais manipulatrice.

« - Il y a une de salle de bain au bout du couloir, tu y trouveras tout ce dont tu as besoin. Une servante viendra te déposer des affaires de rechange. Prends tout ton temps, je n’irai pas jusqu’à dire de faire comme chez toi mais je suis un très bon hôte. »

Une parole à l’interprétation multiple. Tu étais toi-même toujours couvert de cette hémoglobine et tu avais besoin de te changer non pas que le tout te révulsait bien au contraire. Il était toujours plaisant de s’adonner à quelques divertissements exotiques mais conserver son image était toujours important à tes yeux.

« - Je t’attendrais à la bibliothèque c’est la double porte que tu peux entrevoir derrière moi vu que tu te doutes que nous avons fini de discuter. »

Reculant d’un pas t’apprêtant à la quitter tu lui fournis un ultime détail.

« - J’espère que tu sauras apprécier ce confort. »

Il ne t’avait fallu guère longtemps pour te changer, jetant avec négligence tes vêtements. Tu avais troqué le tout avec un autre ensemble quasiment identiques, une chemise différente, un autre pantalon, le reste étant identique mais tout bonnement un peu plus décontracté. Tu avais donc quitté ta chambre relativement rapidement n’ayant pris le temps ni l’envie de chasser de ton être les traces de sang, cela pouvait attendre car tu avais une invitée intéressante… Car tu avais une âme à travailler le plus finement possible. Un travail différent de celui que tu réservais aux malheureux esclaves et plus chanceux servants, les deux fidèles et brisés mais elle… Elle devait conserver son esprit, tu ne devais la massacrer, juste l’aider. Tu arrivas donc sur cet objectif que tu te remémorais en ta bibliothèque. Pièce centrale et favorite de ton manoir, une ode à tes goûts les plus simples et moins névrosés. Il y avait tant d’ouvrages de diverses époques alors qu’un coin était réservé qu’à un trop grand nombre d’instruments. Tu as maitrisé certains mais pas tous, de quoi donner un merveilleux concerto avec la main d’œuvre que tu avais au manoir.

Tu t’étais naturellement dirigé dans un premier vers un meuble en lequel se trouvaient de nombreuses bouteilles, gin, rhum, whisky, une bouteille de rouge pour Blanche au cas où et d’autres de chaque couleur possible pour ce breuvage. Il y avait encore d’autres boissons alcoolisées mais tu te permis de sortir le vin blanc ne voulait taper dans quelque chose trop fort. Tu avais posé la bouteille sur le piano en ces lieux avec deux verres et de quoi la déboucher. Tu ne te fis point prier pour prendre place dès lors et commencé à jouer de celui-ci afin de passer le temps.
Elle allait rester longtemps sous la douche, c’était une évidence même et alors que les morceaux s’enchaînaient tu entendis toquer contre la porte. Ne prenant la peine de te retourner tu savais qu’il s’agissait d’elle et l’intonation de sa voix ne fit que confirmer le tout. Tu pris malgré tout le temps de finir le morceau que tu avais commencé, ne lui laissant que cette mélodie en réponse. Une bonne minute s’écoula avant que tu daignes lui apporter une attention totale.

« - J’ai conscience que tu puisses être fatiguée mais je dois connaître ton ressenti. »

Lui offrant un regard bien plus avide, curieux, non pas hautain mais quasiment attentionné. Il te fallait des détails, savoir si tu avais bien réussi à lire en elle, à la cerner.

« - Tu semblais si déterminée à exécuter ce que je t’ai demandé… »

Pensif sur ces dires, elle n’avait que très peu hésité, cet instant était autant gravé en ta mémoire que la sienne et ce qui était fait ne pouvait être changé.

« - Tu n’as que très peu hésité et ce n’est que la giclée de sang qui t’a fait sursauter. »

Tu faisais remonter des détails fâcheux mais tu comptais faire en sorte qu’elle n’oublie jamais cette nuit, que cette nuit soit éternelle en son esprit… Que cette nuit soit sans les larmes, ses larmes.

« - Viens t’asseoir parlons-en, s'il te plait. »

Désignant la place à côté de toi sur ces dires tu conclus par un nouveau détail…

« - Et retire moi cette serviette veux-tu ? Cela ne t’empêchera pas de sombrer. »

Tout comme elle t’avait dit que marteler mademoiselle Jacquet ne l’empêcherait de sombrer.

Un film ? Une notion bien étrange même si tu avais déjà entendu parler de celle-ci au travers d’autres individus comme elle venait de le faire. Tu avais du mal à te faire à cette image qui n’était de ton temps, du temps où tu avais vécu que tu avais oublié. Tu étais amusé de l’entendre dire que tu ne vivais que par la violence alors que tu semblais lui offrir l’image opposée présentement, ne savait-elle pas apprécier ton aspect versatile ? Elle avait de l’appréhension, convaincue que les cauchemars finiraient par l’enlacer. Il te fallait trouver une solution, faire en sorte que cette potentielle terreur lui plaise, que ceci devienne un rêve même si pour le coup tu connaissais la difficulté de la tâche… Il n’y avait que Blanche qui avait réussi à soulager tes terreurs nocturnes et paradoxalement elles avaient refait surface ces derniers temps à cause d’elle, douce ironie. Tu ne pouvais rien promettre mais en son épanouissement tel que tu le voyais tu comptais faire ton possible sur cela, une tâche bien étrange. Un tout en lequel tu allais faire preuve de la plus grande efficacité si possible.

Tu avais donc fini par ouvrir la bouteille qu’elle te présenta, laissant son contenu s’échouer en vos verres respectifs. Mademoiselle était pleine d’exigences trouvais-tu, chose bonne ou mauvaise, chose que tu pourrais punir ou non en la faisant un peu plus sombrer. Elle exigeait toujours plus de douleur mais pour un bien nécessaire en ce moment précis alors qu’on ne pouvait ignorer le fait que les rues d’Halloween City étaient des plus abjectes tout bonnement en tous les sens du terme.

Tu te tournas donc de son côté, ton être lui faisant entièrement face alors que tu observas sa main puis son visage, encrant ton regard auprès du sien.

« - J’ai tout cela effectivement mais si tu as des goûts de luxe même en cela… »

Rictus moqueur, tu vins saisir la bouteille de vin sur ces mots et sans guère plus de cérémonie tu en versas le contenu faisant attention néanmoins à ne vous tâcher.

« - Une pauvre exigence quand on connait le degré d’un vin et donc sa capacité à désinfecter. Nous nous occuperons de ta plaie plus en détail plus tard. »

Sachant pertinemment que cela ne suffirait, sol tâché de ce liquide de surcroît. Tu sortis de ta poche un mouchoir en tissu des plus propres pour empaqueter sa main, pour cacher sa blessure. Evitant d’ailleurs de bien trop serrer sur le nœud, tu ne l’avais quitté des yeux durant l’ensemble de l’acte.

« - Retourne toi, je veux voir ton dos. As-tu des souvenirs des origines de ces griffures, de ces brûlures ? »

Tout ceci avait une grande importance à tes yeux, tu ne savais si elle était une entité comme toi et bien d’autres ou alors une Alice aux souvenirs et traumatismes encore frais. Tu avais ponctué ta demande de cette formule qui se voulait pour une fois honnête et peut être respectueuse…

« - S’il te plait. »

Il y avait toujours un semblant d’ordre malgré tout même si le tout était un peu moins autoritaire qu’à l’accoutumé. Tu te voulais être bienveillant, à ta façon… Ses cauchemars se devant de finir en rêves aussi nébuleux qu’obscurs, en la force de tuer pour vivre. En la force de faire souffrir autrui pour apaiser ses traumatismes.

« - Tu sais moi aussi je faisais des cauchemars de par le passé, il y a maintenant plusieurs dizaines d’années, voir une centaine d’années quasiment… Et j’ai appris à m’en débarrasser en même temps qu’on m’a aidé à oublier cela, à m’en soulager mais es-tu prête Rose à accepter ce que cela coûte toi qui semble si entravée par les mœurs de cette société. »

Dos à toi comme tu lui avais demandé, tu pouvais décrire l’œuvre malsaine qui parsemait son corps car cela ne devait être que la partie visiblement présentement. Elle ne tarda à te donner une réponse, une justification à cela qui démontrait parfaitement la nocivité de certaines relations qui n’en étaient plus. Tu ne connaissais précisément son histoire mais il y avait tellement de détails qui pouvaient donner une tournure des plus différentes à son histoire. N’avait-elle pas pu quitter son tortionnaire de par la peur ? Ou de par une subtile manipulation de ses émotions ? Cela soulevait tant de questions en ton esprit mais comptais-tu les lui poser alors que ses souvenirs seraient éventuellement incomplets. Les violences qu’elle avait subies étaient charnelles et sans le moindre doute spirituelles elles aussi. Cela aurait pu te rappeler ton propre vécu si ta mémoire ne s’était fanée même si avec ton épouse en la vie d’avant vous aviez choisi de vous blesser, de vous torturer émotionnellement plus qu’autre chose… On en revenait toujours à la même chose au final… Cette ultime problématique qui régissait les rapports entre tous les vivants… Cette chose qui pouvait vous bouffer que vous soyez un homme ou une femme.

« - Ah… Les émotions… Les sentiments… L’amour… »

Une main levée vers elle sans pour autant la toucher une nouvelle fois respectant pour le coup la distance qu’elle avait voulu instaurer.

« - Ce sentiment qui complique tout… Ce sentiment tueur de liberté et de libre arbitre. Ce sentiment qui vous dévore et vous laisser tolérer des choses que vous n’auriez accepté… Qui vous fait pardonner alors que vous n’auriez jamais dû… »

Portant ton verre à tes lèvres sur ces dires, pensif l’espace de quelques secondes car tu connaissais plus que tout actuellement les effets de ce poison… Car tu ne les avais que trop bien expérimenté ces derniers jours.

« - Ce sentiment qui n’est qu’un camouflage parfois alors qu’au final on déteste la personne au plus profond de soi. Ce tout qui vous rend de façon si malsaine dépendant… L’amour… Ce truc qui entrouvre la porte à la manipulation. »

Posant ton verre ensuite sur ces dernières paroles, liant les gestes à la parole sur ce nouveau dire.

« - Tu peux te retourner si tu veux. »

Tandis que tu avais fini d’épier son être, de décrire ce qu’on avait pu lui faire subir.

« - Permets moi d’ignorer tes propos Rose car ton cas m’intéresse bien plus soudainement. »

Abusée qu’elle fut, meurtri qu’elle était aussi présentement par toi de bien des façons différentes. Tu la fixas longuement dès lors finissant par vouloir la questionner au final sur ce qui l’avait poussé à accepter cela car il y avait de la curiosité. Il y avait aussi peut être un désir d’expérience de ta part… Inconsciemment ne te trouvais-tu pas toi aussi en une situation complexe avec Blanche ? En un tout toxique, en un tout putride qu’importe les émotions qui vous liaient et ce passé oublié fétide.

« - Etait-ce par peur que tu as enduré tout cela ou par amour Rose ? Dis-moi pourquoi lui pardonnais-tu si cela était le cas… Pourquoi fermais-tu les yeux ? Car vu ce que tu as enduré il y avait quelque chose qui t’a maintenu en ce tourment. »

L’esprit avait ses raisons et tu souhaitais connaître celles du sien, pourquoi cet abandon ?

Elle vint reposer son verre et se rapprocher de toi. Un simple regard à son attention alors que tu avais gravé en ton esprit la carte de ses blessures en son dos. Il y avait malgré tout une chose clairement amusante en Rose, en ton interlocutrice face à toi. Celle qui se disait répugnée, haineuse face à toi se permettant de te toucher même si le contact était minime. Tu ne pouvais dire s’il s’agissait d’une réussite ou non… Est-ce qu’elle se permettait cela car tu commençais enfin à la modeler efficacement ou alors car elle avait une toute autre idée en tête ? Tu avais compris clairement depuis ce meurtre que ton interlocutrice et ton apprentie avait réalisé elle était malsaine en son être. Tourmentée à sa façon même si le tout pouvait être bien pire, même s’il était possible de toujours faire mieux. Tu te demandais juste à quoi il était possible de s’attendre d’elle présentement jusqu’au moment où elle s’offrit le droit de parler et de révéler une vérité qui était aussi plaisante à ouïr que dérangeante pour tous autres individus. Pour toi ceci sonnait merveilleusement bien… Pour toi il n’y avait rien de mal à cela car ce n’est pas la relation que tu entretenais avec Blanche en quelque sorte ? En certains aspects ?

Elle était donc venue à le supplier et sans doute en était-elle morte car tu imaginais difficilement que le hasard ait mal fait les choses concernant sa relation. Tu n’avais pas cherché à chasser sa main dès lors même si elle se permettait de décortiquer tes propos et ce que tu avais pu sous-entendre ou laisser entrevoir.

Tu connaissais l’amour, l’amour sous sa forme la plus servile, la plus infâme et pourtant la plus enivrante et chaque jour qui passait il t’empoisonnait bien plus fortement. Il était resté latent durant une année pour finalement se raviver drastiquement suite à un événement qui t’avait poussé en tes retranchements. Sans doute avait elle raison d’une façon là où tu commençais à être de plus en plus entravé par ce sentiment incontrôlable, chacune de tes entrevues avec ta moitié ne faisant que renforcer ce tout qu’importe les potentielles disputes. Tu n’arrivais à te détacher d’elle et Rose avait sans clairement saisi ton hypocrisie vis-à-vis de cette émotion… Infâme et amusante chez les autres mais horrible à supporter soi même qu’importe le bonheur qu’elle procurait.

« - Je veux juste t’aider car tu t’embourbes tout bonnement et que tu n’es pas faite pour ce Royaume d’Ivoire. Tu apprécies tuer avec parcimonie certes mais tu apprécies… »

Elle venait clairement d’évoquer un sujet épineux mais au fond n’était ce pas le tribut à payer pour peut être un peu plus la modeler ? S’ouvrir afin qu’en retour tu puisses définitivement cerner ses peurs… Ses problématiques sur lesquelles appuyer ?

« - Renoncer à toutes les émotions qu’importe ce qu’elles sont n’est pas dans le credo de ce que je prône. Cela serait s’imposer des limites justement mais ce n’est pas pour autant de la faiblesse. »

Juste un léger contretemps alors que tu pensais en ton esprit avoir mis le doigt sur quelque chose à exploiter.

« - Ce n’est pas ton acceptation pour tes précédents tourments que je veux balayer mais plutôt modifier, que tu ne sois pas que victime, que tu saches apprécier aussi infliger bien des maux. Si je suis tourmenté alors qu’est ce que tu es toi et ta pauvre âme plus qu’esseulé. »

Et pourtant tu étais bel et bien tourmenté là où il t’était impossible de l’avouer.

Une unique réponse qui fut bien maigre et qui sonna comme un parfait acte de lâcheté. Voilà qu’elle se défilait tout bonnement sous l’excuse du sommeil, une denrée bien rare mais nécessaire là où il était toujours complexe d’en avoir un plaisant, réparateur tout bonnement. Tu la vis s’échouer contre ce mur tel un débris, totalement fauchée par le poison que tu avais pu lui cracher tout comme le coup, l’emprunte que tu avais laissé en son esprit. Ce meurtre elle s’en rappellera à jamais et n’aura d’autre choix que de vivre avec à jamais. Tout comme elle se rappellera aussi que tu avais pu voir ses marques, ces stigmates le long de son dos ainsi qu’une bien belle confession sur son rapport à la douleur.

Si Rose avait bien des piquants pour se défendre, tu étais convaincu que ceux-ci étaient tel une lame émoussée. Un tout juste bon à dissuader les plus faibles mais n’empêchant point de la cueillir en la coupant à la base pour la planter ailleurs. Pour lui donner pied en un tout autre terrain des plus appréciables. Tu étais amusé malgré tout de par sa demande qui ne tarda à tomber et surtout sa toute dernière parole.

Vivre en son malheur seul, tu l’avais oublié tout bonnement ton malheur. Tu n’avais plus de souvenir de celui-ci et dès lors tu trouvais ses propos ironiques. Tu ne connaissais la calamité, tu te contentais de l’infliger pour ton propre amusement même si tu cherchais à faire en sorte que chacun en ressort grandi. Les tourments n’ayant qu’un simple but d’apprentissage pour ceux qui ne seraient totalement brisés.

« - Tu comptes te défiler ? Comme tu l’as toujours fait depuis ton arrivée sûrement. »

Sourire mauvais et mesquin alors que tu avais repris place devant le piano dès lors lui tournant le dos. Tu avais tantôt observé la bouteille remarquant que vous aviez tout juste entamé celle-ci, quel gâchis alors que tu allais devoir sans douter repousser ton sommeil pour ne pas perdre ce tout. Tu ne tardas à boire ton verre avant de le remplir de nouveau.

« - Tu n’as qu’à partir en le couloir, un servant doit t’attendre non loin d’une chambre d’amis sur la gauche une fois en dehors de la bibliothèque. »

Tu commenças donc à pianoter, à jouer des parcelles de morceau selon ton bon vouloir sans pour autant conclure une composition. On sentait clairement que tu fus drastiquement ennuyé par ses derniers actes même si tu avais déjà eu un bien beau spectacle de par le meurtre qu’elle t’avait offert.

« - Mais sans vouloir te vexer… Qui a du malheur entre nous deux ? Ne parles-tu pas pleinement de ta situation Rose ? Tu n’arrives pas à accepter ce que tu es. Moi je sais ce que je suis et je l’avoue pleinement mais je ne suis en aucun cas malheureux. Juste déçu de ta piètre prestation actuellement. »

T’arrêtant en les quelques notes que tu jouais tu vins conclure par ceci.

« - Tu m’as déjà offert beaucoup alors présentement je ne m’attendais à rien… Mais tu m’as quand même déçue. Tu peux aller dormir. »

Passant ta tête par-dessus ton épaule, tu vins lui adresser un merveilleux sourire partagé entre satisfaction et déception même si elle avait su effleurer un sujet sensible.