Un aplat de couleurs sur un paysage en noir et blanc, voilà ce que tu es : une intrusion vive et éclatante dans la monochromie de son existence, un rai de soleil dans une pénombre dont elle s'est pourtant accoutumée. Tu as le sourire tiède et la présence tapageuse, et c'est ce qu'elle a craint au début, c'est ce qui lui a fait esquisser quelques pas prudents vers l'arrière, toute cette vivacité qui contraste durement avec la paix dont elle emplit sa bulle. L'on peut dire qu'elle s'y est faite désormais, comme on s'acclimate progressivement à l'inhabituel en le considérant avec une curiosité émerveillée au fond des yeux – car il est bon, en vérité, que nos silences soient remplis par quelqu'un d'autre : cela les rend moins mornes.

Elle est plus encline à t'emboîter le pas maintenant, à faire flotter sa frêle silhouette aux os fragiles dans ton sillage et te suivre là où tu décides d'aller. La curiosité est bien meilleure quand elle est partagée, et sa présence timorée ne pèse plus rien à tes côtés : ton énergie en nourrirait mille comme elle.

L'esprit enfantin qu'on n'a jamais trop laissé s'approcher de rien, par peur de l'inconnu, peur du danger, peur de tout ; cet esprit qui existe encore goûte avec extase les reliefs du lieu où on l'a mené. Les yeux brillent de cent étoiles, parcourant les lumières, les tentures, les couleurs, tout, et l'enthousiasme innocent qui l'envahit lui fait battre des mains, appréciant la découverte. Sur ce visage d'ordinaire bien triste, un sourire commence à naître doucement tandis qu'elle griffonne quelques lignes sur son carnet et le tend vers toi.



Puis elle hésite un instant, et cède à l'entrain de la confiance bourgeonnante, agrippant ton coude d'une petite main qui n'a jamais appris à trop serrer les plis des vêtements, comme pour s'assurer que tout cela est vrai et que tu serais là pour l'empêcher de basculer, si lever des yeux ébahis sur les attractions les plus hautes devait la déséquilibrer.