musique -


Il est tard, du genre très tard - du genre tard qui te dit : par tous les dieux des dieux de la divinité divine, qu’est-ce que tu fiches dehors Lucille ? T’es censée bosser sur ton encyclopédie demain - mais, j’crois que t’as pas les esprits en raccord sur ce point. Le truc c’est que les trois petits (très petits (à peine dosés)) cocktails que t’as siroté sur les quatre heures passées te font encore de l’effet. Attend… C’était quoi déjà ? Du jus de betterave avec des racines de réglisse distillées ?

C’est… Eeew…

T’as vl’à les goûts douteux Lucille, sans déconner…

Et t’es là, le sourire goguenard et l’air tranquille, à savourer plein poumons l’air frais et humide. Il y’a peu foule sur ta route, si ce n’est personne en fait. Les gens dorment, eux. Ils sont paisibles et douillettement lotis, eux. Ils n’ont pas fait la bringue inconsciemment avec des roublards de passage - bon ok, c’étaient de sympathiques saltimbanques.

Tandis que tu poursuis ta pérégrination vers ton domicile (c’est pas du tout le bon chemin, tant pis) - et la quête de ta sobriété (quasi atteinte, à 0,04g près)… Un curieux ramdam attire ton attention. Aussitôt tu tends l’oreille. Est-ce un chat de gouttière qui aurait trop d’ardeur pour sa douce ? Le romantisme 2.0 du soir selon Lucille.

Non, non…

Prudente et les sens en alerte (pas du tout, soyons honnête), tu engloutis quelques mètres de plus jusqu’à trouver la source du susnommé curieux ramdam. Une villa non seulement scandaleusement somptueuse mais qui se révèle surtout être sacrément animée. Or, y’a pas de lumière… Attend, les proprios’ font quand même pas une fête du style… Du style… Libertine… ?

Mais nooooon… Oooooh...
Un gloussement moqueur et gêné t'échappe.

Ah ?

La fenêtre principale du premier étage - elle est ouverte. Soudain, les rideaux se lèvent et laissent apparaître une silhouette.

Attend, mais, mais ce n’est pas… C’est qui ? Tu le connais, Lucille, non ? Hein ? Mais ? Mais c’est… Mais ?

MELODIAS ! Tu dis (beugles) les yeux ronds comme une queue de pelle et la bouche béate. Un long silence. Un terriblement long silence dont le poids dépasse largement la Tour de l’Horloge tellement c’est - c’est ? C’est ?
I m p r o b a b l e.
Sérieuuusement ? Tu crois rêver. Il est ? Il vole ? IL OSE ? IL OSE VOLER EN TON ROYAUME ? (Ce n’est pas le tiens, on sait, c’est juste pour accentuer ton indignité).

Tu souhaiterais le fustiger de ton courroux le plus sévère mais des voix étrangères s’élèvent - sans doute les propriétaires des lieux. Ils arrivent à toute blinde, la trogne rebiffée comme jamais et l’expression pas commode du tout, mais alors pas du tout, du tout. Comme t’es la seule âme sur le boulevard et que t’es à hauteur de leur vue - ils supposent, ils supputent, il estiment que : c’est toi la cambrioleuse.

MARAUDE ! FILOUTE ! RAPINE ! DÉTROUSSEUSE ! Qu’ils hurlent, les bougres !

Déguerpis, vite ! Ah oui mais non, y’a Melodias…

Soit ! Tu vas te battre Lucille. Ton honneur est en jeu (tout ceci est très logique oui tout à fait). Les poings levés, les sourcils froncés - tu les attends, non sans d’abord jeter un coup d’oeil furtif à ton compère (fichu bandit de minuit !) pour mieux lui déclarer, solennelle : Je m’occupe d’eux. Fuis.

Lucille, héroïne improvisée (et probablement ratée).

De temps en temps, tu te demandes avec sérieux : est-ce qu’il y’a des gnomes qui dansent la carioca sous sa caboche ? Non parce que, il agit de manière si imprévisible et si folle que cela a le don de te couper l’herbe sous le pied (littéralement puisque vous êtes dans un champ). Cela te coupe également la parole - hein, oui. Certes, il y’a des jours où, certes, oui, admettons, concédons : Melodias est facile à suivre (et à comprendre). Sauf que - ah, cela arrive rarement.

Ou juste, Lulu, c’est toi qui pige rien parce que c’est lui et que tu es toi ?
Ok stop la brume de cerveau.

T’aurais aimé lui dire, tandis qu’il te transportait comme une demoiselle en détresse : « Bro, stp, pose-moi c’est gênant, haha - à l’aide j’ai la chamade qui bat, non le coeur, adieu - je meurs, dites à mes livres que je les aimes… » Trop tard. Vous avez déjà dévalé la pente et roulé comme deux rondins au bas du champ. Trop tard, oui ! Il est déjà à califourchon sur toi.

Cassée ? Tu t’exclames, à moitié éprise d’hilarité, à moitié suppliante qu’on te donne de l’oxygène. Il est sérieux ? Je suis en miettes, oh ! T’es lourd en plus ! T’es pas en miettes mais les courbatures ne se feront pas priées d’ici quelques heures, c’est certain. Il n’est pas très lourd non plus mais… Il est très près. Ses lèvres sont très près. Son parfum est très près.

Tu rougis très vite quand il est très près.

Avant que tes joues ne finissent cramoisies, tu le pousses et t’assieds à ses côtés (non sans lui ficher un léger coup d’épaule). Je peux savoir ce qui t’as pris d’aller cambrioler ces bourgeois ? Tu dis, accusatrice - et parce que froncer les sourcils, cela t’aide à garder contenance et à ne pas céder à son joli minois et à ton envie de blaguer et de chahuter comme - souvent - vous le faites.

Et puis, tu sais, j’aurais pu me défendre ! Ok, là c’est l’ego qui parle. Tu ne peux pas t’empêcher de vouloir te prouver à ses yeux comme étant débrouillarde et courageuse. Et, et… Imagine s’ils t’avaient attrapé ! Tu y penses ? Est-ce qu’il pense à l’optique de finir un jour en prison ? Il n’est pas insubmersible et puis… Quand bien même tu irais l’en délivrer - oui (la question ne se pose pas), tu préfèrerais éviter de constamment (au moins une fois par jour) t’inquiéter de sa situation.