Il t'est impossible de dormir Alastor. Le sommeil ne peut venir alors qu'Opal se trouve encore sous les catacombes de tes plus belles erreurs. La dernière en date est bien sur cette léthargie amère dans laquelle l'état de Selene t'a plongé.
Toi qui n'a aucun mal à sacrifier les autres - n'est pas pris de remords à les utiliser pour arriver à tes fins... tu as failli la perdre (elle) pour des caprices d'adultes immatures.
Elle se croit forte, inébranlable. Elle se croit digne de marcher à tes côtés (elle l'est) mais peut elle vraiment suivre ton rythme ?

Tu as exigé qu'on la fasse porter dans tes appartements, quand tu as renvoyé tous les autres ailleurs. Endormie pendant de longues heures, tu es devenu fou à attendre qu'elle reprenne conscience. Dans la crainte qu'elle ne subsiste pas après la fin de la (fausse) nuit tu t'assois finalement à son chevet, la tête dans les mains, le coeur atrophié.
T'as tout saccagé dans la piaule.
T'as tout retourné, dans l'espoir peut-être désespéré que cela puisse la réveiller.

Quand elle ouvre finalement les yeux, les tiens sont clos et les paupières écrasées par tes mains. C'est sa voix faible et fluette qui fait s'éloigner le brouillard - tes yeux la fixent d'une lucidité froide dans un premier temps, et que le visage réveillé de Selene parvient finalement à réchauffer. Tu contemples les dégâts sans étirer de sourire, la toisant comme un père fixerait son enfant, déçu dans les attentes qu'il a à son égard.

Mais quand Selene admet les erreurs commises, et qu'elle emploie le "nous" ; elle te rappelle malgré elle que toi aussi tu as fauté Alastor. Et alors tu viens répondre calmement :

— « Je suis là depuis le début. »

Amer de l'admettre, mais sincère. Tu es connu pour tricher et mentir, mais quand il s'agit de Selene, il n'y a que la plus brutale des réalités que tu peux lui offrir.
Tu fixes la main qu'elle te tend et après quelques secondes d'hésitation, tu la saisis.

— « Tu as failli y passer. Je ne suis pas content d'être là, à ton chevet. »

Tu soupires.

— « Ni d'envisager que la prochaine fois puisse être au cimetière. »

J'ai connu pire.
Tu le sais Alastor, mieux que quiconque.
Elle et toi, toi et elle, depuis des décennies maintenant à propager crime et chaos. Ce n'est pas la première fois que tu risques de la perdre mais c'est la première fois qu'elle est utilisée directement pour t'atteindre. Tu considères l'idée de te débarrasser d'elle toi-même, par crainte qu'elle fasse obstacle à tes ambitions. Par peur d'avoir peur - de la perdre.
C'est insupportable de se sentir faible face à elle.

Tu n'as pas idée de ce qu'elle peut penser parce que tu n'as aucune facilité empathique. Tu ne te mets pas à sa place, égoïste Alastor quand tes doigts se resserrent sur les siens aussi.
Oscilles entre la volonté de la tuer et celle de la garder prêt de toi, de la choyer parce que tu l'aimes du mieux que tu peux. Pas comme elle voudrait mais c'est déjà bien assez.

— « Dis-moi clairement le fond de ta pensée. »

Ça sonne comme un ordre.
Tu détournes le regard, pour répondre à sa question.

— « Ils sont toujours enfermés en bas. Je retournerai voir Opal demain matin. Je dois m'entretenir seul avec lui. Quant à Dundee, je l'exécuterai quand j'en aurai fini. »

Tu devines ses sous-entendus, et malgré toi, son injure t'arrache un sourire fugace et éphémère. Tu comprends qu'elle veuille te mettre en garde et qu'elle a peut-être compris l'enjeu important qu'elle représente pour toi.
Qu'elle n'est pas seulement amante mais aussi arme et point faible. Tu n'auras pas l'audace de le dire à voix haute, même si tu sais que les femmes sont parfois contradictoires. D'apparence une insulte peut se révéler chez elle être un compliment à en arracher les larmes.

Tu viens saisir le verre de rhum posé sur la table de nuit et le portes à tes lèvres. Tu le gardes ensuite entre tes doigts, faisant lentement tourner le liquide.

— « Je le resterai. Mais je serais apaisé que quand je verrai son cadavre se décomposer en sable. »

Tu inspires profondément quand pour contenir une vague incontrôlée de colère qui te submerge quand elle fait allusion aux potentiels traitres.
Sourire carnassier qui s'adresse à elle, en particulier à elle. Présente depuis trop longtemps dans cette organisation, elle connait les sorts que tu leur réserves.

— « Je ne sais pas à qui Opal faisait allusion. Mais je le traquerai, s'il le faut. Je l'anéantirai. Tu peux en être certaine. »

Tu te lèves et te penches sur elle pour lui voler un baiser, glissant une main sur son épaule, puis derrière son cou pour légèrement l'obliger à redresser le haut de son corps.

— « Et je ne peux même pas te consoler de cette manière. Il serait triste de t'abimer davantage. »