tape dans ses mains pour retirer l’excédent de talc. en coulisses, entendre venant du dehors la rumeur enchantée à vous les enfants les robes et redingotes victoriennes ; on reste loin de la clameur foraine. c’est fini ; ne pas s’attarder. les animaux qu’on traîne à leur cage les vrilles et voltiges des collègues s’amusent à produire en dehors des pistes

encore encore
acclamations

faire rêver les dépositaires de leurs rentes ; c’est pour mieux oublier leur propre freak show.

mais pas nous. défaire les tresses fines dans la chevelure, il n’y a plus de spectacle propice pour une coiffure. secouer les mèches ondulées et la chemise dans une main retourner sur la scène des vies quotidiennes. (réalité) sort des coulisses. non vers les roulottes, plutôt longer le chapiteau se diriger vers l'entrée du cirque.

le spectacle ce soir
grandiose la prestidigitation des apparences fauves ; quelle ovation quelques instants plus tôt.

alors des artistes sur l’herbe de partout à travers eux spectateurs spectatrices ; aiment s’imaginer si près des fantaisies, n’est-ce pas. geste des bras, souplesse princière enfiler chemise c’est quand on se boutonne à travers la foule sous la lumière des feux de nuit lanternes festives

on te (re)voit.

lève le menton susan
scintillement des yeux qui te salue.

à travers la rumeur des discussions enchantées,
formalité de la voix

tu as du feu, esthef

il demande ; envie de fumer depuis que tu le lui as montré.

bonsoir.

tu as les couleurs de la terre ; lumières de nuit dorées fusionnées à tes mèches rendent ta présence mordorée. la voix même esthef coulante, chaleur de neverland. dis, quelles sont les teintes des clartés néons là-bas. dis, quels sont les spectacles – la nuit – qui s’accrochent aux pavés.

voltige susan jusqu’à toi ; silence fluide à travers la rumeur. lèvres rouges sous le scintillement des yeux ; sourire s’étire. poser cigarette, délicate sur la bouche. grésille tout bas contre la tienne. et les doigts d’hiver ramènent des mèches derrière l’oreille. s’écarter, pour mieux apprécier le feu. entre les lèvres, fumée voltige à son tour.

roule des arabesques et roule dans ta voix
son nom.

alors la lenteur du regard vers ton visage. se fixe dans tes iris. ce soir.

tu te fais fréquent. à cause de ton nom sur la liste, le directeur me fait performer plus souvent.

langue désinvolte sur la lèvre inférieure. et tu dis. oh, esthef, tu aimes cajoler. flatteur que le rire tout bas signifie. alors ravaler la distance. se rapprocher, déposer dans l’air une nouvelle latte. cigarette entre l’index et le majeur. susan, lever le menton étudier ton regard. à un centimètre, deux, de toi.

la peau, le cou ; la nuit rafraîchit les sueurs des contorsions fantaisistes. avoir oublier que le corps n’est que chairs, avoir inventer un corps aérien. respires dans l’espace, devant toi. à la manière des princes se tenir droit.

encore et encore. esthef tu viens et reviens comme des marées mordorées. tu le fais demander, sultan de neverland. et on se présente, bleu des yeux limpide qui n’a aucune raison de te fuir. sourire susan, tout près de ta bouche pour murmurer tout à ton intimité.

veille-s’y. ça risquerait de froisser ta gloire. ce serait dommage de te faire de l’ombre.

malice. puis recule. l’élégance souple des hanches d’une petite courbette s’incline.

mais je considère humblement et avec joie ton compliment. je m’évertue à produire ce qu’il y a de mieux pour les invités de marque.

formalité de la voix railleuse. voltigeur se redresse, cigarette au coin des lèvres. et dans le scintillement des yeux, esthef répondre à tes flatteries, car on les sait – tu les sais – leurs raisons profondes. formalité franche revient, susan à nouveau distant.

la dernière fois, tu as voulu qu'on te montre la scène. que cherches-tu de nos artistes ce soir, dis

continue. esthef. continue viens te perdre t’égarer t’évader ici. ailleurs. éclater ces bouts de toi à l’excès un peu partout. envahis wonderland c’est comme ça qu’on finit toujours pas inventer son imaginaire. neverland.

mais susan n’imagine pas. performer l’existence en performance depuis le jour mère a dit à défaut d’être immortel je vais te forcer à te rêver éternel. depuis le jour on a compris on a dit non et dépourvu de balises ne sait pas imaginer susan n’a pas appris parce qu’on a brûlé sa naissance alors performer

et le scintillement des yeux planté franc dans ton regard qui se surprend. de ta poésie derrière la fumée voltige. éclate de rire susan, main dans les cheveux. l’honnêteté n’est pas méchante ; amusée, c’est tout.
et les mèches cascades de neige retombent ; ça ne fait pas de bruit, voilent le bleu limpide
et le rouge des lèvres encore s’étire. fait la moue susan, railleuse.

index contre cigarette. laisse tomber le feu un peu. un deux. formalité neutre.

je vois.

scintillement des yeux en feu froid ; glisse vers toi encore.

je te dis des choses (incline la tête) et tu me parles de ta ville.

lève un sourcil, susan le jeu. souplesse du corps, se détourne. que les yeux une seconde qui te fixent toujours. suis-moi. main dans la poche, cigarette en bouche, secoue ses mèches désinvolte et voltigeur à travers la foule

comme si elle n’existait pas. que toi et lui. vers les roulottes.

macarons à la rose et tisane lavande.

démarche coulante ; le temps est tout pour vous. on a le scintillement des yeux arrimé aux étoiles.

pour me détendre, c’est ce que je prends depuis l’enfance. les fleurs en saveur adoucissent le sucre.

menton délicat qui se tourne vers esthef.

que fait-on, là-bas, pour adoucir ses nuits

dis, on les enflamme ? dis, vous avez des têtes d’allumage qui s’explosent dans les néons, des feux d’artifices de pensées édulcorées. dis tout ce que tu veux, scintillement des yeux qui te voit ; susan on veut savoir pour vrai. tout ce que les hiers et les demains en même temps que sa vie ont auront loin de lui à performer. vos héritages en rage.

c’est un croissant de lune avec un sourcil levé ; susan à ton sourire la moquerie délicate. vas-y vas-y raconte esthef les lumières d’un autre monde. dévoile la cartographie de cet univers, seuls filigranes qu’on détient des yeux d’un ami – le cœur se pince.

alors quand tu dis, tisser ton éloquence de verve rêveuse de verve charmeuse. parce qu’on le sait ; pour vivre il faut parfois magnifier le réel, pour vivre il faut engloutir le réel dans des mots trop-plein d’envies et de futur. alors quand tu dis

il y a dans l’esprit ce bout de cartographie de ces nuits décrites. lysandre à la tombée des heures libraires, lysandre comme un lampion qui ne semblent jamais se parer du noir de la nuit. lysandre le théorème de ses joies fugitives dans les mêmes rues leurs pieds marquer l’histoire de la ville éternelle en cachette.

les toits. un jour susan y voltiger, au-dessus des lucioles synthétiques électriques peut-être entrevoir dans les veines lumineuses de neverland sa terre à lui. un bout de lui.

et ta question. et le scintillement des yeux coulé vers les étoiles encore, vers les lumières du cirque. la rumeur toujours parce que des fureurs de vie ça ne s’éteint

j a m a i s

hmmm

s’amuser à réfléchir. contre un chapiteau de grandes caisses en bois, susan la souplesse du corps voltige au-dessus. des pieds de nuit, c’est délicat sur le bois. puis se pencher vers toi, la cigarette en bouche. la retire. exhalaison entre les lèvres rouges.

scintillement des yeux rivé dans ton regard. ici maintenant. profondément présent.

c’est la raison pourquoi je veux t’entendre raconter. invente même, esthef.

les étoiles fourrées au-dedans des iris ; à ton nom s’éclaire davantage. les lèvres s’étirent.

je cherche toujours, vois-tu.

regarde-moi. je te regarde. ses yeux te disent
ça te concerne seul, le présent, le futur que tu sculptes dans ton esprit. ça te concerne seul l’avenir que tu édifies. tes moyens t’appartiennent. mais la fin, la fin esthef aujourd’hui cette nuit

montre-la-lui.

scintillement brûlant, mais la voix formelle ; distance présence.

tout le monde. tu as dit.

d’un saut, descend des caisses. le sable des vivants, fluide, à peine touché au sol déjà se glisse vers toi. les nez presque se touchent. un murmure, une demande qui n’appartient qu’à toi.

apprends-moi ce que c’est ; vivre comme tout le monde à neverland. est-ce ce que tu fais aussi

malice des étoiles dans ses iris.

allons-nous un jour voir débarquer toute la ville de tout sous notre chapiteau

fais ce qu’il te plaît.

la bouche formelle. écoute, susan. l’écoute n’est pas faite pour sourire. scintillement des yeux accroche un peu d’étoiles à tes mots. lève un sourcil. la voix ; distance ironique.

éternel

insatisfait. ce doit être lourd, esthef. l’excès de combler, la démesure de combler. encore encore encore donnez et buvez-en tous, la multitude des voluptés absence de voluptés. t’éclater par milliers en petits toi fourrés au-dedans d’autres soi. dispersé dans des yeux de foule ou d’intimité ; éternité à petite échelle. autant d’esthef que de rencontres.

sourire à ton rire. fumée voltige.

certes. c’est toujours mieux quand on fait partie de la scène.

je suppose.
regarde passer des compagnons de cirque. voltigeurs et dresseurs. les bêtes sensibles, elles aussi.

décider c’en est assez ; écraser la cigarette sur l’herbe. sous le pied. souplesse du corps sans un bruit venir prendre un de tes bras, l’élever à l’horizontal. geste impérieux, susan.

ici aussi. on peut faire ce qu’il nous plaît. à la différence

des doigts délicats tracer une ligne de ton épaule à ta paume.

que certains ont tendance à oublier ceux en cage. on fait des arabesques

continuer de lever doucement ton bras jusqu’à sa limite.

pour s’éloigner des sacrifiés. nos conflits sont internes. tu manques d’élasticité, esthef.

sourire en coin. un pas de nuit vers toi, s’emparer de ta cigarette, un coup. te la rendre.

un ami m’a fait découvrir une librairie chez vous. la sienne. il y garde un savoir éternellement insatisfait. et je suppose que tu te gardes bien de repartir cette nuit.

comme tu aimes, comme tu as l’habitude de profiter des rêves
ici aussi.

quand tu viens, tout le cirque en liesse. tu ressembles à un prince, chambres des roulottes qui t’attendent. de ton blond d’or qui donne une sensation de futur. susan dans la distance on se demande à qui appartient le futur.

parles-tu vraiment du tien, esthef.

les étoiles de son bleu des yeux qui percent dans tes iris. la poigne sur ton bras ; ferme avec ses doigts trop délicats. tu le sais, monsieur le prochain maire de la ville lumière, tu le sais

voltigeur toujours
d i s p o n i b l e
parce qu’on connaît ta luxure. elle a la voix qui porte. les étoiles qui te criblent d’un regard franc. on ne joue pas les ignorants, les minauderies les tournures mielleuses. te défier,

(te considérer)

tout entier toi sans filtres.
que tu le vois aussi
tout entier lui sans filtres.

les masques sont faits pour les spectacles.
non pas pour des cours particuliers ; ne crois-tu pas

libérer ton bras quand tu ris. le faire descendre dans la langueur de la lenteur. un à un ; doigts porcelaines rompre contact. scintillement des yeux qui ne te quitte pas, lui. et

s’embrase presque
sous la pluie météore dans le regard
les lèvres rouges, rouges incendie d’existence
– n’en a pas encore conscience – susan

voix formelle vibre

il faudrait pour ça que je m’y sente prisonnier. j’ai choisi de venir ici, esthef. évidemment, je choisirai de partir. tu accélères mon départ, d’ailleurs.

encadrer ton visage de ses mains. c’est doux. pas un bruit contre ta peau. à son tour de rigoler. un peu railleur. te lâcher. faire un pas de plus vers les roulottes. les tentes.

tu profiteras jusqu’à la fin, j'espère

passer ses mains dans les cheveux, faire exprès d’étirer la souplesse des muscles, étirer le corps pour te montrer.

le temps que tu gagnes en flexibilité, oui.

peut-être alors tu pourras mieux naviguer entre le jour et la nuit. entre ton toi performance et ton toi existence. ignore, aujourd'hui, si c'est qu'on peut nommer liberté. susan, précisément parce qu'on cherche

sans avenir avec le cœur conjugué au présent,
susan on a toutes les routes (im)possibles. susan sans attentes, que nous-mêmes pour décider des départs et des arrivées. quai des solitudes ; il fera entière sa vie sienne.

de quoi veux-tu t'échapper

c'est à toi que tu la posais, ta question.

c’est parce qu’avec elle, de flexibilité – souplesse – on peut naviguer. que les choses s’effondreraient et que les ruines à rebâtir. on naviguerait.

naviguer. c’est plus joli que de
s u r v i v r e

sourire enchanté sur les lèvres rouges. susan, à te voir (mou)voir ce corps qui porte ton nom. esthef, tu es un bien drôle de maire en devenir. de venir ailleurs et partout donner l’impression d’être déjà un trop-plein d’adulte.

si tu veux,
promis juré
on t’émerveillera
une éternité durant

des choses qu’on ne montre pas sur scène. sur scène, oui ; demander à voltiger offrir contorsions du corps qui n’est plus chairs, que courants d’air fluides. si tu veux, on t’offrira l’hors-scène. danseur de nuit. danseur de vie. à l’arrivée du jour danseur toujours.

moi-même.

c’est drôle, susan pense, toutes ces personnes qui s’échappent – le souhaite – d’une peau à leur nom. scintillement des yeux sur tes sourcils, ton nez. ta bouche. ton cou, ton torse. le bas-ventre, les jambes. les pieds.

si tu t’échappes de toi, qui seras qualifié pour animer ce corps mieux que tu le fais

passer une main dans ses cheveux. ramener une mèche hiver devant les yeux. l’y abandonner. trop fine ; elle glisse le long de l’oreille.

si tu t’échappes

avance. approche. alanguir un bras sur ton épaule. comme on s’accoude sur une barricade.

tu abandonnes ton vide sur place. et quand tu reviendras, il y sera toujours. mais si tu restes. et que tu le surpasses. c’est toi qui auras créé une meilleure version de toi. au-dessus du vide.

ce n’est pas par gêne sous le scintillement des yeux rigole voltigeur. une évidence, peut-être. dans la voix en distance. la formalité un peu marrante. incliner la tête, dans cette seconde de nuit devant toi.

trouve-moi une personne qui soit laide.

hausser un sourcil.

si elle existe.

tu sais, esthef ; précisément parce qu’au fond de ton corps tournée au-dedans dans le creux de ta chair quelque part – si tu ne la trouves pas maintenant ce n’est pas grave – quelque part il y a cette forme de vie battante rageante hurlante

on dit que c’est un cœur

on dit beaucoup de choses ; il ne faudrait pas oublier
que c’est toute la beauté d’être là. ici ou ailleurs. toi aussi, esthef

tu es beau.
que le scintillement de ses yeux te renvoie ; vouloir t’y noyer. dans la beauté de ton existence fourrée à travers ses iris.

sourire dans une moue de velours rouge. c’est une réflexion distancielle pour donner l’impression qu’on cherche. cette balade. son funambule. la vérité ; qu’est-ce qu’on l’ignore. c’est la plongée dans le vide.

on s’y découvrira peut-être des ailes. si non, alors on s’inventera lévitation.

prendre ta main. c’est délicat. peut-être parce que le monde t’entend ; t’écoute. vers les roulottes on a commencé le rythme. c’est le cirque c’est la foire qui danse danse susan à tes lèvres murmurer

tu as appris un peu de valse

malice.

as-tu appris à laisser ton corps juste

te traîner vers les percussions de l’horizon.

danser.

viens t’accrocher comme une étoile. elles n’apprennent pas à briller. elles le font et puis c’est tout.