Tu avais envoyé au moulin rouge une lettre recommandée annonçant un mois de congés pour obligation professionnelle. Tu reviendrais plus tard, et en attendant ils devraient compter sur ton remplaçant. Depuis lord, tu profites de ce répit - cela fait plus de deux semaines que tu n'as reçu ni la visite du dénommé John, ni celle d'un Alec suicidaire.
Il faut dire que ta maison est truffée de pièges en tout genre désormais. Tu t'étais enfermé pendant des jours pour construire toutes sortes de mécanismes qui rendraient fou le plus déterminé des cambrioleurs.


Après une mission de garde ayant duré toute la nuit aux portes d'un hotel, tu te prélasses sur la terrasse d'un café, accompagné des deux filles du patron. Jumelles rousses aux traits particuliers, ce n'est pas tant leur nez fin, leurs yeux verts ou leurs dents blanches (sourires béats) qui rend la discussion captivante mais leur intérêt naif et simplet qui leur fait s'émerveiller sur chacun de tes accomplissements pour des exploits émérites.

Vantard sur les bords quand on t'encense Aslan, penches la tête sur le côté et passes une main dans tes cheveux d'or, séducteur. Voilà qu'une des deux filles glissent sa main pour venir chercher la tienne, l'amener à sa cuisse. Tu déposes tes doigts sur sa peau nue - mini jupe oblige et la caresses sans que cela ne t'empêche de diriger la conversation. Ne les quitte pas des yeux, n'affiche aucune expression particulière.
Imagines l'une se toucher dans son lit, l'autre étouffer sous une corde qui enserrerait son cou.

Penches la tête, rêveur, ennuyé quand tu tournes légèrement le menton pour observer la rue commerçante. Reconnais ce regard, qui t'observe de l'autre côté.
Rassuré d'être entouré de tout ce monde mais un brin agacé. Tu n'aimes pas être épié Aslan, c'est même l'inverse.

La tête accoudée à la table, l'autre main qui remonte lentement vers sa culotte. Toujours aussi blasé, tu le toises et souffles aux filles.

— « Ça sent le chien qui a trainé dans les égouts par ici, non ? »

Elles plissent le nez et miment une expression dégoutée.
Mais qu'elles sont bêtes.
Lui, il sait de quoi tu parles n'est-ce pas ?

— « J'espère que ça va vite partir, ça me file la gerbe. »

Frissons quand il passe sa main dans ton dos et tu cambres, t'avances légèrement sur ton siège sans te retourner. Les yeux braqués dans ceux de celle juste en face de toi. Tu dois rester calme Aslan, ne rien laisser paraitre. Le chien rentrera à la niche sans son maitre ce soir ; abandonné à la rue quand tu rejoindras ta tour d'ivoire.

C'est lui qui craquera le premier, toi tu continues de discuter. Glisse tes doigts entre ses cuisses alors que tu observes ses joues s'empourprer, glousser et éviter le regard de sa jumelle qui comprend pas - mais qui caresse ta main posée sur la table. Tu l'écartes brusquement quand une voix vous interpelle - sa putain de voix.

Tu l'ignores Aslan, ne daigne pas te tourner, refuses de le regarder. Et pourtant tu meurs d'envie de le faire, idée fixe dans la tête alors que ta main baladeuse s'agrippe et griffe sa cuisse. Elle retient un hoquet de surprise et tu prends sur toi pour résister encore plus.
Mais c'est trop tard, celle de gauche, qui s'amusait plus top à dessiner les creux de tes phalanges, le dévorent des yeux désormais. Comme o b s é d é e par sa personne. Ça t'enrage Aslan, quel pouvoir de merde quand même. La deuxième a croisé les jambes.

— « Oui, on l'utilise. »

Les filles sont surprises.

— « Il va falloir demander ailleurs. J'ai pas encore fumé la mienne mais ça ne saurait tarder. »

Mais tu fumes pas Aslan.
T'as horreur de la cigarette et Alec le sait. Il t'a déjà entendu le dire au moulin alors que Daisy s'y essayait. Tout ce qui est sale, tu supportes pas.

— « Bonne journée. »

T'as dis tout ça de dos, sans prendre la peine de lui accorder un seul regard.
Mais les filles ne semblent pas du même avis, l'un se lève et gonfle les joues, attrapes le cendrier pour lui tendre d'un grand sourire.
Avant qu'il ne puisse l'atteindre, tu attrapes son poignet (à la fille) et la forces à reculer son bras - la poigne un peu forte. Si forte que ça lui laissera des marques la pauvre.

— « J'ai dis. Quoi. »

T'as le démon Aslan, t'étais bien et voilà que l'autre s'en mêle.
A croire qu'il a décidé de te pourrir la vie avant que tu n'aies eu le temps d'achever la sienne.

Regard perçant droit devant toi quand il s'excuse finalement, effleure le poignet de la jeune femme de ses doigts sales. Tu te replaces correctement sur ta chaise, intimes à la rousse de se rassoir sans faire d'histoire et de reposer ce foutu cendrier.
Tu sens que le café est devenu son terrain de jeu, et qu'il va falloir l'en chasser à un moment ou à un autre - le traquer comme un animal sauvage et envahissant.

Il abandonne sa table et cette fois, ton oeil gauche louche vers lui pour le scruter subtilement - l'observes à la table d'un autre blond. Il te ressemble un peu et ça t'enrage, tu sais qu'il l'a fait exprès. Flirt ouvertement et l'invite avec lui derrière vous. Il ne compte pas faire ça ici ?
Outrage qui fait gronder l'orage Aslan.

Une cigarette ?
Tu attends qu'il la sorte pour te retourner à ce moment là. Tu lui prends des mains, d'un mouvement gracile. La portes à tes lèvres.
Le toises avec froideur quand vos regards se croisent - tu te retournes de nouveau.

— « Merci, je n'en avais plus. Vous êtes généreux, vous passerez une bonne journée. »

Tu vas la pourrir, sa putain de journée.

Cherches du feu alors que t'as coincé l'objet entre tes lèvres pincées. Tu fais le malin Aslan mais maintenant va falloir l'allumer.
Tu repères un briquet sur la table d'à côté et tu te penches (charmant) pour leur sourire alors que tu leur demandes poliment. Les deux filles ne savent plus trop ou se mettre, l'une d'elle ne pouvant s'empêcher de fixer Alec avec attention.
Detestable.

Tu allumes la cigarette, la fait venir entre tes lèvres.
Inspires, expires.
Tu tousses un peu à la première inhalation. Merde.
Dégueulasse, ce truc.

Mais au bout de quelques secondes tu commences à t'habituer au mouvement et à la sensation. Qu'est-ce qui t'arrive Aslan ? C'est quoi ce besoin d'attirer son attention, à lui ?

— « L'odeur ne veut vraiment pas partir les filles. Que diriez-vous d'aller ailleurs, une fois que vous aurez terminé ? »

Leur souffles la fumée au visage.
Je ne te ferai pas ce plaisir, Alec.

Tendu alors que tu sens son regard qui se glisse. Tu te pavanes comme un paon méprisant - le jauges de haut avec supériorité. Aimes lui rappeler qu'il n'est rien de plus qu'une tâche énervante dans ton monde ; le rat face au roi que tu es.
Prince pas si charmant qui s'adonne soudainement aux plaisirs néfastes de la fumée. Ça détend, c'est vrai et t'en as bien besoin présentement.

Tu l'écoutes malgré toi, ayant du mal à te concentrer sur les filles qui discutent entre elles. Le blond qu'il a choisi est donc mercenaire... de mieux en mieux. Tu te demandes si le destin te joue pas une blague, cynique au point de te faire jalouser une pâle copie de toi même - qu'il a choisi d'abuser pour te desabuser. AH ! Merde.

— « Tss. »

Écrases le mégot sur le cendrier d'un geste agacé. Ah, ce qu'il grignote de ta patience. Bientôt il ne restera plus que le squelette, obsédé à t'en arracher la peau. Sentiment pernicieux qui chuchote des infamies dans ton esprit étriqué. Tu tapes du pied, crise d'impatience.
Et quand finalement Alec propose de te remplacer tes yeux s'écarquillent et tu te lèves brusquement. Fronces les sourcils alors que la chaise s'est renversé. La jolie rousse a ta droite se lève en même temps, te demande si tout va bien et attrape ta main pour te rassurer.

Mais dans ta tête tu ne vois que lui.
Te retournes pour le fusiller. Inspires. Expires.

— « Je reviens. Ne vous en faites pas pour moi. »

Partir pour ne pas commettre un meurtre.
Mais avant, tu viens attraper le visage d'une des jumelles, glissent tes doigts sur ses joues jusqu'à ses oreilles roses, vient plaquer tes lèvres sur les siennes pour lui arracher un baiser fugace.

Tu vois ce que tu as fait Alec ? Tu es fier de toi ?

Tu tournes les talons, rentres dans le café et attrapes une fourchette au passage que tu caches sous ta manche.
Te diriges vers les toilettes des hommes pour t'appuyer contre l'évier. Te libérer de cette obsession lancinante qui te bouffait depuis qu'il était arrivé.

Tu te fixes dans le miroir, les mains plaquées sur l'évier. Presque essoufflé alors que ton pouce vient essuyer le résidu de rouge à lèvre qu'elle a laissé sur toi. Dans le reflet, tu aperçois la silhouette d'Alec qui se dessine. Ton coeur loupe un battement et tu te penches en avant, les traits encore humides de l'eau que tu t'es projeté sur le visage.

— « Je m'amuse bien. »

Réponds-tu simplement sur un ton calme, la voix posée et le regard sévère.
A merveille, même.
Geignement arraché alors que ton dos cogne le mur sale des toilettes. Imaginer le carrelage maculé de tâches et de résidus provoque un frisson que tu as du mal à contenir.
Ses doigts sur ton visage tu viens attraper son poignet, le toises avec supériorité alors qu'un rictus malhabile s'étire.

— « Moi ? Jaloux ? Ne prends pas tes désirs pour des réalités, Gray. »

Approches ton visage du sien pour le défier à son propre jeu. Sort lentement la fourchette de sa manche pour y plaquer les pointes sur son torse.
Distance de sécurité oblige.

— « Tu as peur que je remplace mon toutou préféré pour la première chienne qui passe ? »

Souffles à ses lèvres.

— « C'est toi qui est jaloux. C'est pour ça que tu me suis partout. »

Narquois.

— « Je suis presque touché de voir que je te fais encore de l'effet... »

C'est un jeu dangereux auquel tu joues Aslan.
Mais c'est un jeu qui te plait.

Sourcils qui se froncent, sourire qui lentement disparait alors que comme à son habitude, Alec refute chacune de tes paroles, se noie avec élégance dans les torrents incertains ; t'y entraine en te tenant la main et tu frémis. Ne sais pas quoi penser.
D'habitude, les gens dont tu nourris des obsessions malsaines te fuient, ou ne cherchent pas spécialement le contact. D'autres ne sont pas au courant, ou ne visualisent que la face parfaite du portrait. Le prince chic et charmant, pas un mot plus haut que l'autre. Propre sur lui, et pas un putain de stalker de la haute.

— « Tu vois. Je ne suis pas auprès de toi et ça te rend fou. Je ne suis pas ta propriété. C'est l'inverse. Mais nous ne serons jamais d'accord là-dessus n'est-ce pas ? »

Il ne recule pas sa tête.
Non ça c'est ton genre.
Enfonces la fourchette dans sa peau alors qu'il vient appuyer son doigt sur tes lèvres. A mesure qu'il approche tu tentes de le faire reculer - à moitié déjà dépendant ; enivré par cette proximité qui frétiller tes cils de biche.

— « Cette chienne je l'ai embrassé. Qu'est-ce que ça te fait ? »

Ton regard s'écarquille de malveillance, alors que tu étires un grand sourire. Penches la tête alors que tu poses ta main libre sur son épaule.
Infantilisant, rabaissant.

— « T'aimerais me passer la laisse mais au fond tu n'as qu'une envie, c'est que je te traine par terre comme la dernière fois. »

Insolent Aslan, pour cacher les tremblements dans ta voix.
Mu d'un désir qui te plie en deux ; alors qu'Alec se plie en quatre pour remporter ce jeu dont tu ne te souviens même plus qui est le premier -
À l'avoir instauré.

— « Je sais que ces congés ça t'enrage. Et moi ça me plait davantage. »

Quand t'es comme ça.

Jamais. J a m a i s.
Jamais vous ne serez d'accord. Jamais ça ne s'arrêtera. Le sang qui afflue vers la tête, colore tes joues, gonfle légèrement tes lèvres et tu soupires. Désaxé, désabusé.
Il avance encore, malgré la fourchette qui fait barrage. Malgré le fait qu'il va probablement se blesser - il supporte la douleur mieux que toi, ça t'enrage.

— « Arrête de mordre. Vilain chien. »

Et ça fait mal, putain.
Douleurs qui se réveillent, en écho à son grognement qui te rappelle de mauvais souvenirs. Comme si tu pouvais céder face à quelqu'un d'aussi sale, d'aussi répugnant. Comme si tu pouvais imaginer une seule seconde être attiré par un être aussi abject.
Tentation alors que vos lèvres se frôlent.

— « Ferme ta gueule. »

Que tu laisses échapper, mauvais.
Qu'il se taise, avec ses idées sordides. Qu'il étouffe pour de bon ses rêves lucides ; qu'il cesse de te regarder comme un chien de faïence, sans rien faire.
Tu déglutis, décidément trop tendu quand tu sens ses doigts sur ta peau.
Il la prononce à demi-mot, sa demande d'attention, sa quête de vérité.

Tu viens plaquer tes lèvres contre les siennes, obsédé par l'idée de le faire taire une bonne fois pour toutes. Qu'il nettoie de lui même les résidus écarlates des putains superficielles. Qu'il agisse, s'il a un problème ! Merde.
Gémissements silencieux et étouffés alors que t'échange la bave avec le cabot, fiévreux et laisse tomber la fourchette - qui résonne sur le carrelage dans un bruit dissident.

Qui te fait rouvrir les yeux.
Le repousses de toutes tes forces, les mains plaquées sur son torse, complètement choqué de la limite que t'as osé traversé.
Lèves le regard lentement vers le sien, dissident Aslan. Mauvais perdant quand tu sais qu'il a gagné.

Tu le détestes, tu le détestes.
Tu le détestes.
Il t'a forcé à faire ça. C'est contre tes principes, t'en avais pas vraiment envie pas vrai ?
Pas lui que t'as scarifié, pas lui qui t'a tatoué l'empreinte de ses dents acérées.
Pas lui, pas Alec le sale cabot du moulin rouge. Si enivrant quand sa langue force le passage de tes lèvres, te fait baigner dans une chaleur qui contraste avec la froideur habituelle.
Ta froideur Aslan, ton cocoon de glace - celui qui te faisait sentir inébranlable.

Aslan.
Il OSE t'appeler ! Croit avoir acquis le droit de prononcer ton prénom. Ce n'est pas parce qu'il le prononce une centaine de fois par jour dans sa tête qu'il peut se permettre de briser le silence de cette manière.

— « Non. »

Ce deuxième baiser était de trop. Tu essuies ta bouche d'un revers de manche, remets tes cheveux en place et déglutis.
Tu vas gerber Aslan, t'as.. t'as embrassé un mec là, non ?
Le regardes d'en bas, dents serrés et les yeux en feu follet. Alec Gray t'a dévergondé, tu es condamné, perdu à ton tour dans la roue infernale de la mauvaise réputation.

— « Ne... Ne pense pas gagné le droit de prononcer mon prénom, chien. »

Le repousses violemment, déterminé alors que tu serres les poings.
Lui tournes le dos puis le regardes par dessus ton épaule pour le toiser de tout le mépris dont tu étais capable.

— « Et crois pas que tu seras l'exception. Ne t'avise plus jamais de me toucher, est-ce que c'est bien clair ? »

Pourtant c'est toi qui l'a embrassé.
Inspires, expires. Merde.