Le temps avait toujours eu une notion étrange pour Myosotis, parfois il semblait se dissoudre tel un cachet d'effervescence dans l’eau tiède des souvenirs, parfois il marquait son esprit de la pire des lenteurs.

Cela faisait à peine quelque temps qu’elle s’était installée dans cette charmante maison, achetée au prix du sang et de l’huile de ses œuvres. La paix des lieux lui donnait une certaine inspiration tandis que des petits oiseaux se posaient sur le coin des fenêtres, roucoulant à qui mieux mieux.

C’était un endroit parfait, un endroit où oublier que rien ne semblait tenir bon, que ce monde la bouffait petit à petit à l’intérieur au point où les cygnes lui semblaient étrangement amicaux.

Et dans la tourmente de la nuit enfiévrée, son corps ne voulait pas la bénir de la douce caresse de Morphée. Repoussant ses couvertures, ses pas légers la guidèrent vers une source tandis que ses pensées revenaient sans cesse sur ce tableau inachevé qui lui renvoyait cet étrange sourire triste. Rageur mouvement, elle voulait le pousser à même le sol, souillant les pigments qui se moquaient d’elle. Mais un bruit étrange dans sa chambre fut le sauveur de sa colère destructrice tandis que ses pensées l’avertissaient d’un danger immiment.

S’adossant à la porte de sa chambre, ses yeux se posèrent sur l’intrus avec la sombre arrogance de ceux qui possèdent les lieux. Elle n’avait pas peur car elle reconnaissait cette carrure et ses yeux verts précieux entre mille. Il n’était qu’un soldat, mais que faisait-il ici ?

-Eh bien, monsieur l’agent, vous faites quoi dans ma chambre ? Et non, je suis bien loin de faire 2 mètres de haut, c’est vous le titan dans la pièce pas moi.

Bras croisés sur cette poitrine frémissante de l’adrénaline et de l’angoisse, elle voulut l'assommer de questions mais un simplement fusillement sortit de sa bouche :

-Expliquez vous maintenant. Sinon, je vais devoir vous exploiter pour mon travail, ça sera profitable pour moi mais ennuyant pour vous.

Il semble se défaire sous tes yeux perçants, elle qui savait l’odeur du mensonge et de la malice. Méliodas et ses sourires sous l’uniforme de la Reine blanche, Méliodas qui lui parle comme une biche prise sous les phares.

Son rire se joue devant le jeu du verbe, ses expressions mêlant candeur et ironie délicieuse. Elle s’avance, plantant ses yeux dans cette immensité verte que sont les siens, ses pas faisant grincer le parquet de son poids

-Vous êtes découverts et la main dans le sac, si vous me permettez l’expression.

Rejetant ses phrases de fuite avec un revers gracieux de sa main, elle eut un mince sourire dont la profonde nature se lisait aussi aisément qu’un nuage noir dans une tempête

-Oh non, vous me connaissez bien. Croyez-vous qu’une princesse telle que moi va s’amuser à menacer le premier monstre venu avec une lame ? Non, non. Mon pouvoir et mon motto m’y empêche. Mais les mots vont bien plus mal que les lames, et je connais ma foi très bien les milieux du chateau, il serait amusant que je glisse un mot de votre chaleureuse visite à des gens intéressés.

Tenant la main, l’invitant à la prendre

-Donc, je veux voir votre fameuse théorie comme quoi vous seriez mon plus beau modèle. La véracité me tient à coeur.

On dit toujours que nos vies ont un but uniquement si nous courons vers un but. Si nos pas nous guident et nous traînent vers un objectif définis, nous pouvons bien tenter d’y échapper, nous nous retrouvons toujours avec l’affreux sentiment de manquer quelque chose. Tandis qu’il s’approche d’elle, elle se prit étrange à suivre la courbe de sa mâchoire carrée, la forme de ses yeux, son torse bombé et dessiné.

Il était beau, il lui plaisait bien, cela était un fait. Peut-être que c’était assez pour céder car vu son regard insistant sur son corps et ces mots susurrés derrière son dos, elle savait que les chances étaient à sa faveur

Jolie Myo
a eu son cadeau
avec ses bijoux et ses parures


-Le masque me semble être un bon atout, je vous conseille aussi de cacher vos cheveux, ils sont si beaux qu’on pourrait les reconnaître entre mille. A défaut, je vous dirai de ne jamais voler mais il est hypocrite de ma part de vous le conseiller alors que je gagne autant avec votre larcin. Suivez moi, j’accepte avec plaisir ce marché que j’ai moi-même créé. Magnifique n’est-il pas?


Elle s’approche d’un pas, trop proche, le cercle des sens se brouillent un instant et elle perd pied un instant. On grogne en elle, des vérités charnelles qu’on oublie bien trop vite. Danse, elle recule s’enfonçant dans le salon sans lâcher du regard celui qui était devenu son “invité”.

-Asseyez-vous sur la chaise rouge, et présentez-moi votre profil. Refaites moi ce sourire si malicieux que vous m’avez offert tout à l’heure.

Moqueuse Myo.

Fouillant dans ses affaires, son œil ne cache pas sa lubricité et sa malice devant les mots de ce malvenu chez elle. Oh, oui. Elle a eu le temps de le détailler tandis qu’il passait sous ses fenêtres dans son uniforme, à offrir ses sourires à ceux qui pouvaient le voir. Et Myosotis en avait attrapé un, il y a longtemps. Peut-être que c’était assez pour lui faire croire, lui faire rêver que ce qu’elle avait perdu se tenait dans le creux de ces sourires envoyés au vent.

-Qui sait Monsieur Méliodas, qui sait. Vous faites toujours belle impression dans la rue quand vous passez, les filles crient toujours à perdre l’air quand elles vous voient passés. J’apprécie les belles choses comme elles.

Tirant ce tabouret de bois laqué, elle se mit en face de lui, la planche de bois servant de support pour les croquis qui reposait bien sagement sur ses cuisses, tandis qu’elle jettait une mince couverture sur ses bras nus. Quelque chose se tramait et on disait bien que cacher était la meilleure façon de dévoiler.

-Ma foi, je prendrais le temps qu’il faut pour protéger l’honneur et les possessions d’autrui. Enfin, c’est ce que je pourrai dire si c’était ce genre de personnes. Vous êtes trop détendus, j’ai déjà assez de portraits de coussins, vous êtes trop indolents pour un criminel convaincu.

Avançant sa main, elle se saisit de la sienne pour la placer sous son menton masculin

-Là, c’est mieux. Regardez-moi comme si vous pensiez à quelque chose de plus précieux que l’or, certaines émotions rendent si mal sous mes traits.

Et il semble enfin se détendre, se défendre sous ses doigts et ses insinuations. Il se laisse faire bien que réticent à l’idée qu’elle contrôle et le guide. Pourtant, ses actions ne manquent pas d’une certaine bonne volonté, la menace marche ou ses charmes ?

Peu importe, peu importe. La situation l’amusait bien plus qu’elle souhaitait se l’avouer.

Mais une légère rougeur qui pique ses joues quand il la complimente, son attaque est redoutable car Myo sait sa valeur mais oublie de la répéter.

-Vil flatteur.

Mais ces mots dures cachent une caresse, son souffle se faisait lourd et quelque chose s’amplifiait dans sa poitrine agitée. Traçant d’une main affirmée les traits de son visage, ses coups d’oeil se font précis dans l’illusion de garder la main haute dans ce jeu de séduction

-Je compte bien y arriver, je souhaite même vous faire plus beau que réalité. Vos défauts seront vite oubliés quand vous verrez ce nez fin que je vais vous donner. Mais aimez vous vos défauts ? Aimez vous exister tel que vous êtes ? Non, n’y répondez pas, la discussion se doit légère, il fait déjà assez chaud ainsi.

Sourire en coin, malicieux tandis que le bruit blanc de son crayon frotté remplissait l’atmosphère.

-Mais comment définissez-vous les personnes à qui prendre et les personnes à qui donner ? N’avez vous pas peur que les autres dépendent trop de vous ? Et ah, vous pensez à moi ? Pensez-vous que je suis à plaindre ou à jalouser ? Si quelqu’un est à jalouser ici bas, c’est bien vous. Vous possédez tous, un corps assez grand et fort pour contenir votre coeur.

Ce n’est qu’un jeu après tout, jugeait Myosotis en réponse à ce sourire ravageur qu’il affichait sur son visage taillé. Elle était la maîtresse des cartes, du moins c’est ce que son esprit imaginait. Elle ne voulait pas perdre l’avantage, surtout pas chez elle. Répondant à ce sourire par le sien, fin comme la griffe d’un chat sur son visage raffiné. Sa pudeur habituée à l’offense semblait s’endormir désormais dans cette étrange fièvre

-Vu la prestance avec laquelle vous vous portez, monsieur le Justicier, je n’ai doute à croire que vous n’avez que peu de problème d’estime de soi.

Hochant la tête en réponse à sa survie, elle n’avait aucun mal à imaginer cet être se tailler un chemin dans la vie, prenant ce qu’il lui faut pour survivre. Après tout c’est bien pour ça qu’il a violé l’hospice de son domicile pour des grammes de métaux précieux.

-Après justicier, vous êtes juge, on peut se demander où se termine vos talents Monsieur Méliodas. Mais oui, si ma présence vous affecte, vous manquez encore de présence d’esprit pour venir cambrioler ma maison.

Penchant son corps en avant, une délicate rosée à peine posée sur ses joues :

-J’aurai tout à fait accepté de vous inviter à prendre un café, dans cette maison. Mais il semblerait que vous avez mal jugé de la situation. Et nous laissons nos affects prendre le meilleur de nous-même. Je suis bien mal vêtue pour accueillir quelqu’un et vous avez oublié votre masque.

Puis silence, elle se concentre. Taillant dans la chair des dieux, un peu de papier et de crayon.

Sang qui goutte sur le visage de son modèle, tâchant cette peau délicate et brute par la même occasion. L’instant s’oublie et la panique s’installe. Myosotis frappait le coeur mais le cœur semblait être bien vivant à cet instant là, saignant et s’enfuyant par le nez aquillin de son poulain. Étouffant un mot disgracieux dans un mot qu’elle ne pensait pas connaître, elle avance sa main dans la petite commode à sa droite.

-Pour un soldat, vous saignez facilement. C’est pour faire peur aux dames ? Parce que si c’est le cas, ça marche particulièrement bien. Vous bougez trop vite votre poignet et ça monte au nez?

Le frisson de ce rire distordu l’angoisse et la rassénére, elle ne comprend rien, elle n’a jamais rien compris aux hommes. Mais c’est parce qu’elle ne les comprenait pas qu’elle cherchait ainsi cette compagnie et ses étouffantes promesses. Appuyant ce petit mouchoir de tissus sur le nez de cet homme, proximité qu’elle ne voit qu’innocence et bienveillance. Stupide princesse blanche, ses erreurs sont de ne jamais jouer jusqu’au bout.

-Taratata, je ferai votre portrait comme je le souhaite. Vous n’êtes point malhonnête, Méliodas. Vous n’êtes juste pas honnête, cela est tout. Si vous vous sentez pas bien, juste rejeter votre tête en arrière et penser à des belles choses ou des choses agréables, juste laissez revenir le sang là où il appartient.

Pointant son doigt dans son front, visage fermé

-Dans votre caboche.


Quelle drôle d’odeur était la sienne… Lui rappelant quelque chose qu’elle avait senti dans un certain endroit…