CARACTÈRE

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Comment est-ce que l'on écrit un personnage ? Il ne sait pas. Il prend des mots, des images, il décide d'en faire des jolies phrases, se dit que ça impressionnera ceux qui voudront bien lire. Se demande si ça ne rend pas les choses un peu pompeuses, un peu arrogantes. Il se fait la remarque que tout le monde essaie d'écrire pour impressionner ceux qui lisent. Se jure qu'il sera différent, sera meilleur, sera bien plus intéressant. Il ne répond pas vraiment à la question, alors se ravise. Comment créait-on un personnage ?

On transmet, je crois.
On écrit ce à quoi l'on croit. Profondément, avec quelque chose qui survient du ventre. On peut créer un personnage qu'on ne connait pas, on peut écrire quelque chose qui ne nous ressemble pas. Mais dans son cas, dans le sien très précisément, il se dit qu'il ne s'y attachera pas.

Il aime ce qui lui fait penser à des miroirs. Des miroirs pour lui, des miroirs pour les autres. Il aime se regarder, il aime être regardé, faire reconnaitre en lui des morceaux des autres. Alors il tend les doigts, assemble les mots. Il est "lâche", "gentil", "doux", "obsessif" (le mot lui plaît, plus que les autres, il a réussi, il trouve, à enfoncer l'aiguille de la précision plus loin que le reste, et il apprécie, il apprécie particulièrement.), et "méchant" (qui ne l'est jamais ? Mais il ne sait pas exactement comment définir autrement son entêtement à abuser de sa colère). Il est "réfléchi", il est caractériel. Oublie, le temps d'un instant, la ponctuation, et considère ce trait de définition. Son caractère, tout entier, c'est d'être coloré, il veut y croire. Il veut croire qu'il est complexe, qu'il est quelque chose, que ça l'ancre et que ça le définit. Il veut croire, de toutes ses forces, qu'il peut continuer à aligner les mots et que cela va faire de lui quelque chose d'instauré.

Il veut croire qu'il existe.

Il ne répond pas à la question.
Ses idées se mettent à murmurer, il décide que c'est assez. Il décide de collectionner les mots. Il est méchant, oui, il est caractériel, assurément. Le fait est qu'il n'aime pas les gens, il ne veut pas leur montrer autre chose que le sourire facile que ses gènes traduisent en une courbe de douceur. Il veut mordre, il veut vous cracher dessus, il se met à considérer qu'il est un rat. Un rat furieux, furibond, qui va vous défoncer avec ses dents. Il ne l'est pas. Il n'a assurément pas les couilles, pas le courage de le faire. Il est idiot, il n'y croit pas. Il se croit intelligent, il est arrogant. Il a envie de se laisser tomber, de tout abandonner, il est fatigué, il ignore le diagnostic. La dépression est un mot que Tumblr s'est approprié et que les putains de gamins de la génération z aiment bien se coller à la peau. Il est fatigué. Il veut juste écrire, il veut que quelqu'un lui donne envie d'écrire, il veut recommencer, il ne sait pas pourquoi il continue d'aligner les mots, il ne sait pas pourquoi il continue d'essayer.

Il est stupide.
Il s'aime bien, en soi.

Ne le cache même pas.




Thaddeus essaie toujours très fort. Et ce n'est jamais assez.
Un jour vient un camion. Et il n'a plus besoin de travailler.

Thaddeus n'est plus rien. Rien du tout.
Et c'est bien assez.