On bosse. Dur même. Pas une minute à elle. Les dossiers s'enchaînent comme d’habitude, les visites aléatoires pour son plus grand malheur. Les lutins lui avaient de nouveau apporté une pile énorme de lettres destinées au père Noël, elle avait soupiré, dépitée à la vue de cette montagne de papier qui ne provenait que d’une seule personne. Morgan Whitehollow. Quelle désagréable existence. En plus de donner encore plus de travail aux lutins qui étaient obligés de prendre la peine de trier les missives, tout ce qu’il faisait c’était importuner le maître des lieux et elle avec. Sans surprise, elle prenait un malin plaisir à déchirer elle-même tous ces bouts de papier futiles qui ne trouveraient jamais leur destinataire. Elle rêvait secrètement de lui faire manger tout ce papier utilisé, histoire qu’il comprenne qu’il la gavait, elle et toute la caserne.

La renarde était en plein moment déchirure de lettres quand elle entendit ce bruit distinct : on toquait à sa porte. Pour la énième fois de la journée. Oh ce qu’elle en avait marre, ce qu’elle avait envie de faire l’absente ou envoyer balader. Procédant à pousser toutes les épistoles dans la poubelle à côté de son bureau, elle poussa un long soupir rempli de dépit avant de s’éclaircir la gorge pour inviter la personne derrière cette porte à entrer dans ces lieux.

- Entrez.

Les deux bras accoudés sur le bureau, les mains jointes supportant son doux visage, elle épiait avec attention le nouvel individu venant déranger son calme, son petit plaisir de réduire en miettes des lettres insensées. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit entrer le fameux expéditeur qui importunait régulièrement Daphnis. Un sourire narquois au visage, ce sentiment de désagrément qui la parcourait à la simple vue de cet invité pas si invité, elle prit la voix la plus mielleuse et ennuyante possible afin de prononcer son nom. Oh elle était certaine qu’il n’allait pas apprécier l’entendre dire ces mots pleins de venin.

- Monsieur Whitehollow. Que faites-vous ici ? Je présume que ce n’était pas moi que vous espériez voir.

Petit coup d'œil aux oursons, ils faisaient bien leur travail, elle penserait à les féliciter plus tard ; se contentant de leur faire un petit signe de main pour l’instant. Maintenant, elle jubilait. Ravie d’être celle qui allait accueillir ce petit importun, il n’irait pas voir Daphnis, pas temps qu’elle serait là pour le bloquer encore et toujours. Game on.

Elle gardait son sourire fixé à son visage, elle avait réussi son coup, il était encore plus irrité de la voir et de l’entendre qu’il ne l’était de base en se rendant compte qu’il était face à son bureau à elle et non celui de Daphnis. La renarde se retient de claquer de la langue en le voyant s’installer comme s’il avait été invité à le faire, comme s’il était chez lui ; nonchalant, désagréable. Il allait falloir remettre les pendules à l’heure. Elle ne peut s’empêcher de rire à sa remarque, un rire clair, court. Peu amusée, la situation était ridicule. Les nouvelles semblaient aller vite par ici, inutile de feindre l’innocence, elle pensait pourtant que la venue de ce fameux monsieur sans son masque avait suffi à brouiller les pistes. Ridicule. Autant prendre ça pour du bluff.

Alors que ce vil personnage se montrait fort envahissant, la secrétaire se redressa sur son fauteuil, reprenant sa position de maîtresse des lieux, prestance que l’on ne pouvait lui retirer, peu importe ce que l’on pensait d’elle en général. Gamineries futiles, ça ne prenait pas sur elle, il semblait oublier qu’il se trouvait en un endroit qu’elle gérait, quasi totale autorité sur la globalité, toujours pour se rendre encore plus utile pour son cher patron ; patron qu’elle protégerait de ce taré.

- Vous voyez, là est la différence entre vous et moi. J’obtiens tout ce que je veux alors que vous, n’aurez jamais ce que vous désirez.

Un sourire plus vil, alors qu’elle passe une main dans sa longue chevelure.  

- Pour la simple et bonne raison qu’entre vous et la personne que vous cherchez, il y a un obstacle de taille. Ah, j’imagine que vous n’avez pas la capacité de deviner de qui il s'agit, je vais donc préciser : moi-même.

Qu’est-ce qu’elle pouvait le renier. Elle n’avait aucune envie qu’il s’éternise dans son bureau, il polluait les lieux, pourrissait les murs rien que par sa présence. En plus d’être extrêmement malpoli, il n’était qu’un parasite venant importuner Christmas Town et elle n’avait guère le temps de s’occuper de ce genre d’énergumène. Prenant cette fois un air plus professionnel, mais également un peu plus hostile, elle prit la peine de lui faire remarquer son manque de tenue.

- On ne vous a jamais appris à attendre que l’on vous invite à vous installer ? Décidément vous n’avez rien d’appréciable. Je tiens également à ce que vous réalisiez une chose. N’oubliez pas où vous êtes, les ours se feraient une joie de vous escorter avec douceur à la sortie de la ville.

Prévention pour éviter tout débordement de la part de cet idiot, elle était fort condescendante il est vrai. Mais comment ne pas l’être ? Il était rentré dans son bureau et s’était posé comme un invité désiré pour lui lancer des piques sur sa vie personnelle. Si c’est une guerre froide qu’il voulait, il l’obtiendrait. Piètre joueur de se lancer-là dedans contre une renarde polaire.