Monsieur Tremaine est élégamment installé sur un fauteuil, croisant les jambes en lisant un ouvrage tout à fait intéressant. Pourtant, malgré son calme apparent, il sent une pointe de colère s'immiscer en son être. Romane, cette charmante petite esclave a décidée de s'enfuir. Soupir las qui franchit la barrière de ses lèvres, il a donc envoyé Willow, sa précieuse petite fille adorée l'a traquer et la ramener à la demeure des Tremaine.

Il ne doit pas montrer que la nouvelle le plonge dans une rage profonde et viscérale, Wick déteste qu'on lui désobéisse. Alors, il lit pour se calmer l'esprit. Grâce et prestance, toujours ce credo de vie. Il doit être digne de son rang, après tout, il est membre des classes supérieures de ce monde.

Le feu de la cheminée crépite, offrant un son assez agréable à écouter. Wick est finalement en train de se détendre-

La porte s'ouvre violemment, laissant entrer Willow et la captive : Romane. Posant son livre et se saisissant de sa cane, Wick se lève, analysant d'un coup d'œil critique sa fille. Quelques blessures par-ci et par-là, un manque de posture affligeant. Notant dans un coin de son esprit, de rajouter des leçons de tenue à Willow, il prend la parole.

- Mes félicitations, ma fille. Toutefois, je vous prierai de ne point oublier vos manières. Son regard se pose sur Romane, un fin sourire étirant ses lèvres. Que vais-je bien faire de vous, ma chère et tendre Romane ?

La douceur de la lune

L’odeur des champignons

Le son des cloches

Réveille toi.


Je me surprends en train de courir à tout allure dans les couloirs, comme si je m’étais réveillée en bougeant. Je me moque de savoir à quoi je m’occupais, il y a mieux à faire. Quelqu’un a fait une bêtise, et peut-importe qui en est la cause, je le trouverais. Je le saurais. Il le paiera.

Les flammes des bougeoirs dansent sur les murs de pierre, en emportant leurs dulcinées les ombres dans un bal interminable, jusqu’à ce que tout s’éteigne. Les braises s’affaiblissent, la pénombre laisse à peine distinguer le sang qui se répand comme des petites rivières dans les tranchées entre les dalles. La lumière du feu vole au sang sa couleur si vive, ne laissant que des étangs noirs et rondelets dans les yeux de tous, les rares reflets trahissant l’épaisseur du liquide. Le garde se cambre sur ses bras, observant son propre sang s’égoutter de son front et de ses cheveux. Il se met à genoux pour observer ses mains, tachées par le sang et l’échec. Un bruit subtil se produit dans son dos, il le reconnaît. La foudre s’abat dans son esprit quand celui-ci comprend qui se trouve derrière lui. Il se retourne, épris d’effroi. Il aperçoit la robe de sa patronne, rouge par habitude, mais sombre dans les yeux des torches. Leur lueur orangée laisse entrevoir dans un linceul d’obscurité  l’expression de dégoût et de colère que celle-ci envoie à son subalterne, le fusillant du regard, ce dernier perçant les ténèbres comme les yeux d’un tigre. Deux longues aiguilles effilées sont posées dans ses paumes, tenues comme des poignards, et des ficelles de lin et de soie serpentent le long de ses formes, comme un bouquet de vipères qu’elle aurait apprivoisé. Il le sent alors, et ne se défend pas. Un nœud se coule autour de son cou, comme pour le saisir, et l’étouffe à moitié. Elle ne lui pose qu’une question.

« - Où est-elle partie ? »


La nuit est tombée, le soleil s’est échappé, qui sait, si je cours assez vite, peut-être que je le rattraperai ? Mes beaux souliers sont encerclés de boue et de terre fraîche, les feuilles et les branches s’éclatent et s’écrasent, comme une poudre, sur mes habits. Je nettoierais ça plus tard, ce n’est pas compliqué.

J’entend un bruit. Je monte rapidement sur les branches d’un arbre pour y voir mieux, et je vois une ombre dans les buissons. C’est elle, m’a t'elle vue ? Je le saurai bientôt.

Alors que les cordes serpentines se jettent sur la silhouette comme les tentacules d’un kraken, une force soudaine déséquilibre la petite chasseresse, et tel une brique, elle s'effondre sur une branche plus basse, se cognant sur toutes les autres au passage, la boue froide et humide l'accueillant violemment. Couverte de crasse, elle relève la tête, le regard rempli de sang et de haine. Ce soir, la lune a rendez-vous avec le soleil, et alors qu’elle s’éclipse à l’horizon, laissant le pays des Merveilles dans le noir total, les deux ombres fondent l’une dans l’autre, seul les bruits étouffés trahissent la violence.


La porte s'ouvre violemment, laissant entrer Willow et la captive : Romane. Posant son livre et se saisissant de sa cane, Wick se lève, analysant d'un coup d'œil critique sa fille.

Quelques blessures par-ci et par-là, des taches de sang séché, les deux filles couvertes de crasse et de terre … oui en effet, un manque de posture affligeant. Notant dans un coin de son esprit, de rajouter des leçons de tenue à Willow, il prend la parole.

« - Mes félicitations, ma fille. Toutefois, je vous prierai de ne point oublier vos manières. »

Son regard se pose sur Romane, un fin sourire étirant ses lèvres.

« - Que vais-je bien faire de vous, ma chère et tendre Romane ? »

Pendant un instant, tout le monde dans cette pièce partage le même regard méprisant, et dans un bouquet final, les trois individus s’en veulent cruellement envers chacun d’entre eux. Seul un lien n’est que vexé, les deux autres sont d’un noir véritable.

Haussement de sourcil, la tuer ? Allons, les Tremaine sont des personnes civilisés. L'effusion de sang dans ce cas précis serait grotesque et indigne, un gâchis, un fiasco ! Non, on préfère marqué durablement l'esprit. Le principe d'une punition est de déconseillé à la victime de recommencer, n'est-ce pas ? Et bien, il faut punir cette effrontée. Wick plisse les cils, la jugeant d'un regard hautain et supérieur. Elle n'est que de la marchandise, après tout.

Puis, l'ombre d'un sourire naît sur ses lèvres. Visiblement amusé, le patriarche avec sa main ganté vient lui caresser la joue, en riant doucement. Observant une nouvelle fois son visage, Wick prend la parole, d'une voix bien trop rassurante.

- Je crains que cela n'est point possible, Romane. Se relevant, il tourne la tête en direction de sa fille adorée. Voilà un exercice parfait, ma fille.

Le trafiquant tourne le dos à Romane pour faire face à la cheminée, les mains croisées dans le dos, admirant les flammes. Semblant en pleine réflexion, il finit après quelques secondes à bien vouloir rompre le silence pesant.

- Sachant que la marchandise nous défie en prenant la poudre d'escampette, puis réclame la mort... La question que je vous pose est fort simple : comment devrions-nous la punir ? Le fouet est bien trop doux, la mort se trouve être libératrice.

Wick se réinstalle ensuite dans le fauteuil, croisant les jambes, ses yeux passant tour à tour de sa fille à la captive. Willow a bien le droit de se distraire, tant qu'elle garde la grâce et la prestance requise pour une jeune femme de son rang.

Lentement, sûrement, le doute te prend, la haine t’ébranle.


Dans un gâteau de boue noire, des sillons se dessinent, tels une lame au travers du beurre, découpant l’esprit de Willow, la faisant gémir intérieurement. La colère, la frustration, le manque d’attention. Elle ne se sent pas victorieuse, elle se sent .. délaissée, négligée… et petit à petit, elle tord, elle frappe, elle broie intérieurement toute cette boue noire, elle la remue, la retourne dans tout les sens, elle cultive sa haine. Elle veut faire mal.

Après avoir regardé dans le vide l’espace d’un instant, elle relève le menton, ayant perçu quelque chose qui lui plaît, qui lui convient, qui est, ma foi, très amusant.

« - Sachant que la marchandise nous défie en prenant la poudre d'escampette, puis réclame la mort... La question que je vous pose est fort simple : comment devrions-nous la punir ? Le fouet est bien trop doux, la mort se trouve être libératrice. »

La boue visqueuse qui la prenait de l’intérieur se consume soudainement, changée en huile, et mise à feu, explosant dans un concert d’excitation, d’anticipation. C’est un brasier qui lui prend le cœur, une passion pour la tourmente, elle peut enfin se faire plaisir, se détendre, apprécier la vie, comme un enfant que la vue d’une sucrerie donne l’eau à la bouche.

Alors elle le prend, elle le remue, elle donne un coup de fouet pâtissier, elle met dans une gamelle et laisse reposer, filtrant ses émotions, reprenant sa prestance malgré son apparence. Cette vision, cette projection, lui est très appétissante.

« - Père, je crois bien que j’ai une idée. »

Un sourire ravissant lui fend le visage en deux, séparant ses yeux remplis de malice et de sadisme, et ses dents carnassières. Elle se retourne vers sa proie, elle l’attrape par les cheveux pour mieux admirer ses formes, sa peau couverte d’hématomes comme un fromage bien mûr, les cordes mordant dans sa chair comme un gigot bien ficelé, sans oublier une sauce bien mijotée de terre et de crasse, donnant à son expression de rage un aspect encore plus délicieux.

« - Je pense qu’il faut faire passer le message .. à tout le monde. Comme ce fut fait avec la petite Rosie. »

Bien que le mystère soit sournoisement gardé, ça ne voulait dire qu’une seule chose pour les Tremaine. Une recette simple mais pourtant succulente, si bien que Willow se demande pourquoi on ne l’utilise pas plus souvent: Les flammes et le fer. Rôti à point. Cuit à l’étouffé. C’est l’heure de mettre le plat au four.

La petite rosie, excellente idée. Un sourire fier vient orné les lèvres du patriarche Tremaine, hochant de la tête pour approuver les paroles de Willow. Marquons à vie cette souillon, ne lui faisons jamais oublier la misérable condition dans laquelle elle se trouve, puisse cet événement la hanter jusqu'à la fin de sa vie insignifiante et pathétique. Et pourtant, la bougresse résiste, tente une dernière fois de les humiliée.

Wick se lève d'un bond, perd contenance pendant un instant afin d'attraper le bras de cette petite effrontée et de la jeter aux pieds de Willow. Une colère sourde se lit dans ses yeux, il déteste par dessus tout qu'on manque ainsi de respect à sa famille et à ses ordres. Néanmoins, il laisse un soupir las s'échapper de sa bouche, s'approchant de la marchandise. De ses mains gantées, il vient lui saisir le visage pour qu'elle le regarde.

Activant son pouvoir, le père de famille prend une voix attristée, peinée.

- Pauvre enfant, pensiez-vous sincèrement pouvoir nous échapper ainsi ? Nous n'allons pas vous offrir le privilège de la mort, nous allons vous châtier. Vous êtes une bête têtue, Romane. Mais, le dressage ne fait que commencer. J'ai en horreur la violence inutile mais vous ne me laissez pas le choix.

Son regard quitte quelques instant le visage de l'idiote pour croiser celui de Willow, qu'il est fier de cette brave petite.

- Ma fille, vous pouvez commencer.