Manoir Karoll, Impasse dees Camélias, Crims

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Ma chère Cha,

Je me trouve anxieux à écrire cette lettre sans savoir pourquoi, probablement car c'est la première, peut-être parce que j'ai peur que mon écriture ne soit pas assez belle, ou de me perdre au fil de mes mots, il est si aisé de me perdre.

j'espère que tu vas bien, quelles genre d'aventures es-tu en train de vivre ?
Les roses du jardin fleurissent, et que je me demande si je ne vais pas en laisser sécher pour t'en mettre dans nos lettres, un peu d'ici par parfumer ton là-bas. Je me perds un peu.

J'ai eu une longue conversation avec une amie, une medecin, elle s'appelle Vanille, et j'ai décidé que je voulais vivre. Etrange de l'écrire, étrange ce besoin de te le dire, mais tu fais parti des raison qui me poussent à voir d'autres matins, d'autres moments où l'on pourrait prendre le thé, sous l'éclat du soleil.

Je relis les carnets de ma mère, j'en ai trouvé d'autres, caché au fond d'un carton, je les ramènerai la prochaine fois.

J'ai hâte de te lire.

Manoir Karoll, Impasse dees Camélias, Crims

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Mon très chers Charles,

Je suis très heureuse de recevoir ta lettre et je tiens à te rassurer quant à ta calligraphie, elle est sublime et emprunte d'une grande sensibilité. Savais-tu qu'on dit de l'écriture de quelqu'un qu'elle est un reflet de sa personnalité ? Je tiens cela d'un vieux graphologue qui fréquentait l'observatoire, il faisait des recherches passionnantes sur le sujet ! Te plairait-il de les lire un jour ? Nous avons beaucoup d'archives qui pourraient t’intéresser. Ah, mais tu vois, moi aussi, je me perds. Comme tout est plus fluide à l'écrit, je ne fais pas attention, pardonne-moi.

Ces derniers temps, je navigue entre ma maison, l'observatoire et la Mairie de Neverland. Le milieu urbain n'a jamais été vraiment mon fort, mais le bâtiment est exceptionnel et je me suis surprise à découvrir des endroits très calmes, presque hors du temps. J'ai repris plus ardemment le travail, peut-être pour compenser ma dernière folie ? Je ne sais comment te le dire, mais ces derniers temps, je me surprends à rêver de nouveau. Tu sais, rêver de normalité, d'un quotidien plus doux, de ne plus être dans l'expiation de mes propres pêchés, de ce que j'ai pu faire malgré moi, mais être dans une espèce de pardon envers moi-même et d'accepter que, peut-être, je puisse moi aussi avoir le droit de goûter au bonheur que j'ai repoussé depuis mon dernier mariage.

C'est très particulier, j'ai l'impression d'être jeune fille à nouveau. Je me sens un peu puérile aussi. Peut-être est-ce profondément égoïste, d'autant plus que tout cela sera forcément vain, mais qu'importe. Je t'avais déjà parlé d'Esthef Belgrade, n'est-ce pas ? Je t'avais parlé de ses avances ? J'ai fini par y céder. C'est probablement la chose la plus folle et déraisonnable que j'ai pu faire depuis au moins plus deux siècles, mais je ne sais pas, aussi effrayée que je sois, je me sens profondément enjouée. C'est un peu stupide, tu ne trouves pas ? Peut-être que les récents événements y sont pour quelque chose, moi-même, je peine à mettre des explications concrètes sur tous ces changements qui s'opèrent en moi.

Et toi, chers ami, comment te portes-tu ? Je ne suis heureuse que de lire que tu retrouves le goût à la vie. Je ne sais que trop bien comment cela est de vivre sans. Tu dois respirer de nouveau, peut-être es-tu angoissé et anxieux, tu sais que si solitude te pèse, ma porte t'est grande ouverte. Je ne saurais probablement pas aussi pétillante que Vanille et je n'aurai pas son verbe, mais je pourrais t'écouter au coin du feu avec un breuvage chaud.

Ne reste pas trop ancré dans le passé, Charles. Je sais combien il est hypocrite de ma part de t'écrire ces lignes, mais tu appartiens au présent que tu le veuilles ou non. Les fantômes et hier t'apporteront peut-être l'expérience et le recul, mais pas le bonheur et l'avenir. Tu peux regarder le passer avec nostalgie, mais n'oublie pas de tourner ton regard vers demain de temps en temps.

Tendrement,

Manoir Karoll, Impasse dees Camélias, Crims

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Ma chère Cha,

Je n’ai pas de mots pour exprimer le bonheur que j’ai eu en recevant ta lettre sans même l’avoir ouverte.
J’adorerais en lire plus sur la graphologie, et sur cette rencontre que tu as pu faire, mon amour sans limite des archives saura apprécier l’étendue de ce que tu auras soit en sur. J’ai déjà hâte. Et ne t’excuse pas, je crois qu’il est propre à l’écriture de se perdre et c’est surement là la plus belle façon de se perdre par ailleurs. Au milieu des milles et une lettre cursive.

J’éprouve une vive émotion enchanteresse de lire que tu rêves à nouveau. Cela me tire une larme que tu trouveras écrasée sur mes lettres, figée à jamais. Ici n’est larme que de joie sois en sure. Je me souvins t’avoir entendue en parler, et je n’ai pas de doutes que si après autant de temps tu l’as choisi, il ne peut être que le bon. La folie, les plus belles folies ont la saveur des roses. Et je suis sure que celle-ci le porte aussi.

J’ai moi-même rencontré quelqu’un. Enfin, rencontré depuis un bout de temps déjà. Je ne sais pas vraiment où tout cela m’emportera Charline, j’ai peur parfois, mais les nuits me semblent moins froides, les matins plus beaux. Notre rencontre, toi, moi, ça m’a donné l’impulsion qu’il me fallait je crois. Et j’ai si hâte de te retrouver.

Je te parlerai de lui, si tu le souhaite. Et j’espère t’entendre me parler d’Esthef. De tes nouvelles aventures.

Je suis resté un moment devant tes derniers mots, il y a plusieurs semaines je n’aurais su l’entendre, le comprendre, mais désormais, je sais. J’avance Charline. Et voir que toi aussi, ne fais que rajouter le soleil manquant à ma vie.

Avec toute ma douceur,

Manoir Karoll, Impasse dees Camélias, Crims

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Mon très chers Charles,

Je me réjouis d'entendre que tu as rencontré quelqu'un. Je ne partage que trop bien ce bonheur fou d'être moins glacée sous ses draps et de trouver le soleil plus lumineux qu'il ne l'était la veille. La solitude est malheureusement une maladie mortelle à laquelle personne n'échappe. Je me suis souvent interrogée sur la nature même de ce besoin d'aimer et de trouver une ou plusieurs moitiés avec qui partager. J'ai beaucoup théorisé le sujet également. M'est d'avis que c'est peut-être notre nature profonde. Nous ne la traduisons pas tous de la même façon, mais je pense qu'à partir du moment où un être vit et est sentant, sa seule réelle obsession sera de combler le vide qui le ronge. Certains le font en se jetant corps et âme dans la réalisation de projets tangibles, d'autres dans des recherches plus personnelles et intimes, d'autres encore comble dans l'idée de transmission et de partage, d'appartenance à un milieu précis. Nous deux, nous comblons le vide dans le partage avec les autres, dans cette sensation de s'inclure dans un "nous".

Je dois t'avouer être terrifiée, Charles. Ce n'est pas la première fois que mon cœur me prend de court et je suis plus que consciente de la façon dont tout ça se terminera. Je serais la grande perdante, Charles. J'ai l'horrible manie de fondre pour ceux qui vieillirent et que la mort trahie. Je finirai par le perdre et le pleurer. Pourtant, je ne peux me résoudre à ne pas écrire cette histoire, à ne pas la vivre pleinement. C'est comme courir auprès d'un bonheur qu'on sait être meurtrier. Dans ces moments-là, j'envie profondément votre capacité à disparaître. Je me suis remise à chercher, c'est toujours pareil. Il me faut toujours avoir l'objet de la perte en face de moi pour que je trouve la motivation d'étudier de nouveau. Peut-être que cette fois-ci sera la bonne, peut-être que toutes ces nuits sans dormir paieront. Peut-être trouverais-je envie la possibilité de nous libérer de l'éternité, de nous offrir la liberté de choisir quand mettre le point final à notre histoire. J'en rêve, tu sais, de devenir l’autrice et non plus le personnage.

Mais ne parlons pas plus de sujets aussi sombres, Charles. Parle-moi plutôt de cette fameuse personne. Cela fait longtemps que je ne me suis pas laissé aller au plaisir des commérages, permets-moi de retrouver les humeurs adolescentes d'autrefois. Je veux donc tout savoir !

Viens prendre le thé et passer quelques jours chez moi. Je pourrais te montrer l'observatoire et nous pourrions prendre tout le temps du monde pour glousser de ces deux personnes qui ont l’impertinence de troubler nos humeurs dépressives.

Tendrement,

Manoir Karoll, Impasse dees Camélias, Crims

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Ma très chère Cha,

Étant mortel, et en même temps ayant eu quelques pertes, je n’ose imaginer Charline cette tristesse inéducable que tu as déjà dû affronter et affrontera encore. J’aimerais t’aider Charline, trouver un moyen de t’offrir la solution. J’espère que cette fois sera la bonne Charline, si c’est ce que tu souhaite je ne peux que prier pour. Il te reste encore quelques belles années pour trouver, mais surtout profiter pas vrai ? De toute manière je promet de t’aider.

Tu sais que tu peux me parler. Quelque soit le sujet je serais toujours là pour t’écouter.

Oh je pourrais t’en parler des heures, fort inconvenant. Mais je peux te dire que je suis sur que tu l’apprécierai. Enfin je l’espère. Il est tout ce que je ne suis pas. Un flot éternel de couleur d’idées, il est intenable, mais de la plus belles des façons. Il est folie et extravagance tout en étant douceur. On était amis depuis longtemps, enfin nous le sommes toujours, je dirais juste qu’on navigue entre amis et amants. Oh Charline je suis tellement perdu. Pour te reprendre je me sens âme adolescente, mes joues s’empourprent et je ressemble à un idiot j’en suis sur à l’heure où je t’écris. Il est affairé quelque part et je tremble qu’il ne lise ce que j’écrive, c’est stupide non ? Cela t’arrive-t-il ?

Enfin, je me prends à avoir peur de lui demander, tu sais, ce qu’on est.

Voilà où j’en suis. Je crois que je l’aime. Et je ne sais pas quoi faire. J’aurais peur qu’il vienne à s’échapper, que je me sois fourvoyé. Oh Charline qu’un cœur est compliqué. Et j’en oublie même l’essentiel, il s’appelle Aliocha.

J’ai bien hâte de venir te voir pour le thé,

Tendresse,

Manoir Karoll, Impasse dees Camélias, Crims

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Mon très chers Charles,

Il faut que je te dise, qu'on ne s'habitue jamais vraiment aux pertes. On pourrait croire que le cœur est lui aussi doter d'une mémoire, mais je pense que ce muscle est bien faible, en vérité. Probablement doté d'un déni et d'une amnésie à toute épreuve ! Mais il est entêté aussi, il refuse d'admettre l'échec et la fatalité. Il finit toujours par se battre pour des causes que l'esprit sait pourtant désespéré. Je suis son mouvement, je le regretterai dans un siècle, très certainement, mais tu as raison, Charles, aussi court soit-il j'ai le temps d'essayer. S'il te plaît, rappelle-moi d'en profiter aussi, je crains de tomber dans l’obsession et d'oublier parfois.

Oh, Charles, je ne doute pas une seconde que ce soit quelqu'un d'admirable. Après tout, tu l'as choisi, n'est-ce pas ? Ce n'est pas quelque chose que j'irai remettre en question. Récemment, mon tout petit (devenu grand garçon maintenant mais la mère en moi peine à pleinement accepter de la voir pousser de la sorte) m'a fait comprendre certaines choses que je trouve très vraies. Nous perdons beaucoup trop de temps en hésitation. Nous n'osons pas et fatalement nous perdons et ratons des moments qui, pourraient être certes désagréables mais tout aussi incroyables aussi. Je ne comprend que trop bien la peur d'oser, de mettre des certitudes sur nos propres doutes, de franchir certains caps. Moi-même, je suis terrifiée.

Lui, il n'a pas attendu, il a cette force de proposition que je n'ai pas. Il m'a demandé la première nuit que nous avons passée ensembles si je voulais être sa compagne. Je me suis sentie abrutie, si tu savais ! Je n'aurai jamais osé, mais j'ai pu dire oui grâce à lui. Et, aussi fou que ça puisse paraître, poser un cadre sur ce que nous étions m'a permise de me sentir plus sereine et stable ensuite. Ose, Charles, même si c'est effrayant. L'incertitude finira par te peser, sinon.

SI tu doute de ton courage, essaye de regrouper les signes. Tu dis qu'avant ces sentiments il y a eu de l'intimité et de l'amitié entre vous. Sens-tu une différence depuis ? Si oui, c'est peut-être le signe que tu devrais oser. Pour le peu que ça représente, je viendrai volontiers me montrer particulièrement anxieuse face à cet Aliocha s'il fait jaillir de tes yeux la moindre de tes larmes.

Mais le plus important, Charles, c'est de te demander : que veux-tu que vous soyez ?

Tendrement,