- Et voilà un délicieux chocolat pour une grand garçon, grand comme ça !

Comme à son habitude, Dorothea aimait la démesure et s’exprimer de vive voix. Les bras tendus hauts vers le ciel, elle amusait son jeune client du moment, un petit môme d’une hauteur de trois pommes, venant de recevoir son petit lapin en chocolat. La brunette lui tapota tendrement le haut du cheffe avant de le laisser filer dans les jupons de sa mère. Elle salua la belle madame avant de s’atteler à sa cliente suivante. Next.

Le parc d'attractions n’était pas l’endroit le plus rentable de tout Wonderland pour sa vente de chocolat, mais qu’est-ce qu’elle aimait y flâner. Tenant un stand éphémère, à savoir son sac à bandoulière garni de chocolats, elle gambadait de ci et de la, entre les attractions, au grès des clients.

Un monsieur intrigué sembla s’approcher.

Le Lapin de Pâques s’adressa à la demoiselle qui venait d’arriver après lui. Puis a une enfant. Puis a une employée du parc. Puis…

Enfin bref, elle ignora royalement le monsieur, faisant mine de ne jamais l’avoir remarqué. « Il ne s’est pas manifesté ! » pretextera-t-elle très certainement le dos tourné. « Il y a tellement de monde, attendez votre tour » pourrait-elle envisager, entourée de deux ou trois acheteurs.

Dorothea avait bien du mal à vendre quoi que ce soit de bon à cette gente la, qu’ils aillent voir ailleurs ! Au mieux ils n’auront droit qu’aux invendus et ne prêta une oreille qu’à ceux désirant mettre le double du prix de base. Les négociations, ça la connaissait.

- Bonne journée mademoiselle ! Revenez quand vous le souhaiterez ! Hihi.

Sa dernière cliente servie, Dorothea sortit un journal de nulle part, faisant mine de le consulter et réajustant ses précieuses lunettes de soleil. Avec un peu de chance, le damoiseau allait s’envoler ailleurs.

Mais c’est qu’il était persistant le monsieur. La tête dans son journal, potentiellement tenu à l’envers, Dorothea marmonna, baragouina quelques sons incompréhensibles et légèrement agacés. Lorsque vint la petite question sur ce qui pouvait bien la contrarier, la brune baissa le journal et leva ses lunettes de soleil, dubitative mais accordant désormais un minimum d’attention à son interlocuteur - un peu, hein, n’exagérons pas.

-- Hm ? Entschuldigung ? C’est à moi que vous causez depuis tout à l’heure ? M’voyez pas que je suis occupée ? C’est cela même qui me contrarie, na !

Dorothea appuya chaque question d’une petite tape au journal. Méchant journal. Ses lunettes retombèrent sur son pif, du coup. Méchantes lunettes.

-- Si vous voulez du chocolat, vous arrivez trop tard, lieber Herr. Je n’en ai plus. Ou du moins, je n’en ai plus pour des personnes comme vous. Ah ! Ces hommes, tous les mêmes !

Agressive et prête à faire une scène pour rien ? Dorothea était toujours parée pour ce genre de situation. Elle n’hésitait pas à mentir alors que des chocolats, jamais elle n’en manquait.

Froissant son misérable journal, la demoiselle recula afin de maintenir l’écart entre le jeune homme et sa personne, toujours la même distance. Il était déjà bien assez proche bruh. Dorothea ne fit aucun effort pour cacher son dédain et son air hautain du moment. Qu’est-ce qu’il lui prenait à celui-là ? Il était aussi têtu qu’un bourriquet.

- Mais tu vas me lâcher la grappe ??? grimaça la brunette, changeant malgré elle de pronom personnel. L’affront, c’est que tu insistes, oui ! Cette tête de vile mâle ne me revient pas, que veux-tu que je te dise de plus.

Septique, elle accompagna ses dires en poussant du bout des doigts, la tête de l’homme en face d’elle, dans l’espoir de l’éloigner un peu plus. Si une pichenette pouvait l’envoyer dans les étoiles, elle l’aurait sûrement fait.

- En soit, il n’y a pas vraiment de raison de conflit, mais si vous continuez de me chercher vous allez le trouver. Alors, hau ab ! Je ne te connais pas et je n’ai ô nulle envie de te connaître davantage. La simple présence beaucoup trop proche d’une mec me donne de l’urticaire.

Lassée, Dorothea soupire longuement avant de marquer un petit temps d’arrêt dans son monologue, le temps de fouiller dans son sac. Jamais elle n'avouerait ses torts à quelqu’un est encore moins à un mec - sa fierté l’étoufferait. Finalement, elle en sortit un oeuf en chocolat de la taille d’une main et décoré d’un petite ruban vert. Toujours aussi hautaine, elle le lâcha dans les mains du mousquetaire.

- Si je vous le donne, me lâchez-vous les basques ? Cela vous convient-il ? Je déteste donner du chocolat gratuitement, mais vous me pompez bien trop l’air pour que je ne trouve le courage d’en négocier un prix. Allez, Tschüss.

Ce qu’elle s’était bien gardé de préciser, c’était bien le fait que le petit œuf faisait “tic” et “tac”.

Dit donc… Il était impertinent jusqu’au bout, celui-là !? Ces personnes qui ne savaient jamais baisser les bras lorsqu’il était nécessaire… Quelle belle brochette d’idiots cela pouvait-il faire.

Et voilà pas qu’il posa le cadeau piégé avec le plus grand des dédains. Mais pour qui se prenait-il ce gugus ? Et il continuait avec sa morale à deux balles en plus ???!

Dorothea en baissa ses lunettes de surprise, tellement elle était révoltée par un tel manque de respect à son égard. Comment pouvait-il se permettre de la juger ainsi ? C’est vrai que Monsieur Je-sais-tout avait la Sainte Parole coincée au fond de la gorge, nah ! Faire la morale sur les propos sexistes du lapin de Pâques, c’était comme crier dans un puit : personne ne vous écoutera et l’echo vous niquera les oreilles.

- Je juge si j’en ai bien envie. Vous êtes vous-même en train de me juger depuis cinq minutes, que c’est déplacééééééé de votre part !!

Jamais, ô grand jamais, elle ne se remettrait en question. Culpabiliser ? A d’autres. Dorothea commençait à s’énerver comme une gamine de huit ans , voire une vieille dame de 78 balais - selon le point de vue.

- Quant aux agressions dont vous m’accusez d’être l’auteure, je vous ai simplement et royalement ignoré, c’est vous qui avez insisté. Tant pis pour vous !! Sale goujat ! Crétin ! Imbécile ! Scheisse ! Arschloch ! Rhoooo ! SI vous voulez la bogor, vous allez l’avoir !

Et elle commença à balancer une dizaine d’œufs en chocolat à la suite sur le pauvre mousquetaire avant de prendre la poudre d’escampette. L’œuf en chocolat précédemment posé explosa en mille confettis, pour sa part. Dorothea grimaça et tira la langue dans sa fuite. Nananereuh.