rire je ne suis pas peintre, hélas qu’elle se laisse aller
- oh
pauvre chose, pauvre créature, engourdie, étourdie je m’attendais à ce que tu te défendes autrement qu’en me menaçant du courroux de notre reine mine triste, déconfite - je suis déçu je n’ai que faire de ta plaidoirie mais cela est intéressant d’apprendre qu’elle est recherchée

hahaha

j’ai capturé un oiseau rare
parfait, parfait, parfait

allons, il est temps pour nous de te mettre en sécurité je ne veux pas risquer d’imprévus - ces ruelles peuvent être si dangereuses oh la la…

je la prend par un bras que je passe par dessus mes épaules et je sers, je sers son poignet
je sers sa taille de mon bras libre et, oh si frêle, elle est si frêle

si des passants nous voyaient
ils la penseraient ivre
que c’est amusant

en marche !

(…)

par tous les feux du paradis ! je suis fatigué ! quelles épuisantes péripéties !
tu es lourde voix glacée
mon alouette mon hirondelle ma poupée, toute molle, si molle, entre mes bras câlins lovée
je la laisse chuter à terre pouf !

je referme la porte derrière nous, clic clic la clé à double tours, la clé dans ma poche
mon manteau est tout mouillé, mes bottines sont sales
que c’est énervant je m’en défais prestement

et

je la regarde, juché de toute ma superbe, de toute ma hauteur
à mes pieds, misérable délicieuse pauvre chose je souris
je m’accroupis

je veux que ses yeux se fassent mordre par les miens
je coince son menton entre mes doigts ah, sa peau est si douce
murmure à ses lèvres je m’ennuyais terriblement… je ne veux pas m’ennuyer davantage

je me redresse
agrippe la capuche de son haut et la tire, la tire à ma suite
la traîne lourde, elle est lourde bouscule le tapis, glisse sur le parquet jusque dans le couloir et - j’ouvre ma pièce fétiche, hihi

là
échoue-toi sur la moquette rose

je m’assieds sur le fauteuil, jambes croisées
chante, et chante juste je veux être diverti ou je te brise les os ma voix est tendre
tellement tendre

je suis une bonne fée
prête à dorloter
sa charmante
protégée

infâme ?
mh

ce mot est plaisant dans la bouche

je souris oui, oui, un beau numéro je le répète souvent parce que les bonnes gens et leurs bonnes manières - haha, elles les abrutissent ! c’est d’un facile de les duper elle a été stupide, sotte, idiote, naïve bien, bien, bien

j’attends

tu ne veux pas chanter mh ?
sera t-elle doublement stupide, doublement sotte, doublement naïve ? mon amour, je t’ai vu au beau milieu d’un rêve… je murmure, mélodie mélodieuse
et je souris allez répète après moi

je me lève
mon amour, un aussi doux rêve est un présage joli

son silence me heurte - où est son sens de la courtoisie ?
mon sourire s’étire

j’ouvre le coffre de bois sous le miroir, grand miroir, gros miroir
en extirpe une lourde corde que je déroule
tranquillement, oui - je prends mon temps

je vais m’y atteler autrement il est vrai ! allons ! je ne peux pas demander à un oiseau de chanter pour moi sans d’abord l’apprivoiser

je la tire violemment vers le haut pour qu’elle se relève je vais t’enseigner l’art d’obéir oui, oui, ensuite nous verrons pour le chant

j’attrape ses poignets
j’enroule prestement la corde autour de ceux-ci, un tour, deux tours, trois tours et puis un noeud - serré, ô si fort

je tend ses bras au dessus de sa tête
mh son parfum est tout à fait charmant

je passe la corde dans l’anneau de métal qui pend depuis le plafond, tire, la fait coulisser - encore, encore, soulever la poupée ; qu’elle ne puisse plus goûter le sol que par la pointe de ses pieds

je noue la corde à l’énorme crochet vissé dans le mur à gauche
parfait

oui, oui
n’avait-elle pas remarqué ?
nous sommes dans ma salle de jeux personnelle ! que d’honneur ! que de prestige pour l’oiseau rare !

poupée qui pendouille je ris pardon, pardon que c’est bas de me moquer alors, laë je presse sa mâchoire d’une main, la tord - oh la vilaine grimace seras-tu bonne élève ? mes yeux pétillent, ils pétillent !

et mes doigts glissent, serpentent, dévalent le derme, courent son cou, courent ses clavicules, remontent ses joues

ma voix, sensuelle au fait, tu ne m’as pas répondu mon index sur sa lèvre inférieure crains-tu la douleur ? son souffle est chaud que c’est plaisant

ah si honnête, si franche
si vite docile non, non, non
ce n’est pas là la partition que je veux jouer, poupée il te faut résister si tu ne veux pas me fâcher

allons ma douce j’essuie ses larmes d’un revers de manche nous n’en sommes qu’aux prémices, réserve tes pleures pour tes cauchemars je souris que crois-tu que je compte te faire subir au juste ? a t-elle peur que je lui brise les os, comme je le lui ai promis plus tôt si elle ne chantait pas ? a t-elle peur de mourir ?

je tourne, pas lent
autour d’elle
fauve
loup

déshabille du regard sa peau là où ses vêtements ne font pas écran
tout de même, ce haut à capuche est d’un vulgaire ! il me prive de ses courbes…
alors j’ouvre un tiroir et en sors un couteau denté

je tend son haut depuis le bas, et clac le découpe méticuleusement
lentement - mes yeux dans les siens, mon souffle sur ses joues mouillées regarde-moi laë

enfin son haut choit à terre ah ! nous voilà plus à l’aise, non ? je recule
je la contemple avec impudeur
un simple t-shirt peut vous faire voir des merveilles
ses bras, sa nuque, la naissance de son thorax… que de présentoirs à sa peau de pêche !

n’aies crainte pour ton intégrité de femme la pointe du couteau que j’appuie sur son ventre je ne suis pas un monstre bien sûr que non jamais je ne prendrais un corps de force ignoble, ce serait ignoble - je ne m’abaisse pas à la bestialité des porcs qui courent le pavé mon plaisir repose dans l’abnégation de mes proies

je ris

comprends-tu ? je remonte la lame, effleure
froisse le coton, serpente entre sa poitrine, m’arrête sur sa gorge je veux bien te laisser une chance non, pas du tout chante moi un air guilleret je susurre à son oreille et peut-être que je saurais me montrer tendre oh oui

j’ai tant de tendresse en réserve

vois
vois ma tendresse

je fend ses chairs d’un sillon carmin
lame plantée, lame gourmande
sur cette gorge ô combien gracile
et elle goutte
elle goutte la rigole sirupeuse
rouge, rouge
un si beau rouge

elle chante mon hirondelle, elle chante un hymne, elle chante et ça déraille, ça se brise, ça se reconstruit, ça sonne faux, ça sonne juste - mh
il y’a du sang dans son hymne, les notes sont violentes c’est beau
mais, la portée de ses mots
ah ! que renferment-ils ? un affront déguisé ?

quelle impudence… quelle témérité ! je souris
je me penche à l’orée de son oreille tu as plus de cran en réserve que ce que tu me montres présentement, attrape ses cheveux roux - oh si doux, si soyeux
un coup sec, je tire violemment en arrière sa petite tête ronde et m’offre à loisir la vue de sa gorge d’où luit la fine entaille
carmin carmin carmin, je nommerais cette entaille étude n°1 de la peau de la poupée rousse

un pieux baiser sur sa jugulaire
le parfum de sueur et de peur - c’en est presque salé
mes lèvres me piquent
je la relâche

soupire

malgré tout, ce fut for plaisant je pose le couteau sur le divan merci j’applaudis, je suis gentleman et bon publique

un temps de réflexion
je fronce les sourcils, index sur ma bouche
j’ai de grands projets pour toi je la pousse d’une main cajole sur le buste
elle valse en arrière, elle tangue - la corde couine sous la pression vois-tu, tu es trop jolie pour mourir je la flatte, elle pourrait au moins rougir, non ? et puis… à quoi bon, puisque tu finirais en poussière ? cruelle ignominie de ce monde ! vraiment ! ah ! que cela m’agace ! cela m’agace rien que d’y penser ! poussière, poussière, poussière JE TE HAIS !

sourire
encore

je la pousse d'un coup de pied lourd sur son bassin
elle valse à nouveau, gauche, droite, gauche, droite

que dirais-tu de finir pute au moulin ?
une grimace tordue, je suis dégoûté les porcs aiment les brindilles dans ton genre porcs, berk, ewww, leurs grosses mains sales
sales, ils salissent tout, de vrais rats, des porcs rats, des rats porcs
mais
ils payent bien, oh oui, le fric, le fric, le fric
toujours plus de fric

je pourrais me faire beaucoup de fric avec elle
mère-grand ne serait pas non plus contre un oiseau rare parmi ses « nymphes »

elle ne se sent pas bien ? oh
la pauvre

je pourrais lui conter combien il est agréable de voir ses traits se déformer par la peine, par l’abandon, par la résignation… combien il est délectable de sentir son épuisement, son dégoût, les prières muettes qui transpirent de ses yeux, qui implorent tantôt la fin
tantôt l’espoir

pauvre, pauvre
pauvre chose

je veux me lever, je veux la consoler
caresser d’une main mignarde ses joues rougies de larmes
mais ?

je m’arrête, debout
droit
fier

sa flamme ranimée, sa verve qui flambe
son épuisement qui la rattrape

je soupire

tu n’es pas faite pour ce métier, tu veux rejoindre neverland, tu me supplies j’énumère, je grimace, je moque, je geins, je geins
je geins comme un enfant
comme elle

si tu veux me supplier… je la gifle, violence impériale à la paume SUPPLIE MIEUX ! son corps chancelle, balance, danse, encore, encore, encore
et les acouphènes, crystal strident de la gifle sur le moelleux de son doux visage
résonne, ô résonne en mon coeur comme un appel christique

je suis gourmand voyez-vous
ce genre de son, ce genre d’affliction… ah

je la gifle une seconde fois

et danse, danse, balance, chancelle - toujours la même ritournelle
poupée rousse a le corps qui flanche

comme tous les métiers, celui de pute s’apprend je dis
très conciliant, très paternel je t’apprendrais qu’elle ne méprenne pas mes dires en tout bien, tout honneur - évidemment

je suis respectueux et attentionné

oui... je te briserais, je te briserais en centaine, en milliers, en millions de petits morceaux ! rire
rire léger

qu’il est bon de converser avec elle - quelle félicité
quel plaisir

je tourne, tourne
un cercle, en cercle, cercler
rapace atour d’une carcasse

et m’arrête

un doigt que je coule lentement le long de sa colonne vertébrale
je surligne ses vertèbres sous le coton moite

je perds quelques instants mon nez aux parfums de sa chevelure
doux parfums, sucrés parfums, fiévreux parfums de jeunesse

et lorsqu’il n’y aura plus rien à briser de toi j'inspire mon saoule à l’orée de sa nuque
je te remodèlerais, je te reconstruirais, je te libèrerais de ta cage et tu seras libre… rictus libre d’être parfaitement faite pour le métier de pute

mauvaise élève, gentille petite fille
elle grimace, elle dit, elle supplie mais - ah…
elle ne supplie toujours pas de la bonne manière !
ASSEZ !

je fonce les sourcils, m’assieds sur le divan
bras croisés - vois, vois comme je suis courroucé ! sotte si tu ne veux pas apprendre, je vais devoir te forcer non, non
je ne veux pas forcer
c’est laid, que c’est laid
il n’y a que les porcs qui forcent
laid laid laid laideur

je soupire
énervé… elle est parvenue à m’énerver
pourquoi ne peut-elle pas se contenter de geindre, de pleurer ?

diable elle dit
elle dit, elle dit, elle dit elle ne cesse de dire
et elle a dit diable

diable

diable

non
non

non

risible !
pathétique !

je ne suis pas un diable, enfin, tu dis des inepties ! la colère
je suis outré, je suis scandalisé - c’est si réducteur, c’est si bas… ça m’agace, ah, qu’elle m’agace, elle m’agace !

ne voit-elle pas que je suis moi ? REGARDE-MOI !
grave, grave, caverneuse la bête dans ma gorge, le fiel, le tonnerre

je suis moi

je me lève
prestement, m’agite
bouge, tourne, cent pas

et elle piaille, elle piaille
litanie, négociations

je n’entends pas je n’entends pas
je ne m’entends pas penser, je ne m’entends pas respirer

SILENCE !

j’attrape ses cheveux, tires, tires, tires brutalement en arrière, la corde couine, je veux sentir sa vertèbre se déloger de ses tissus adipeux, je veux sentir craquer sa nuque sous la pulpe rose de mes serres, je veux…
non, lior, allons, ce serait du gâchis

mes doigts se délassent,
mèches rousses en cascades que je laisse chuter lentement au sol

tu ne vas pas mourir murmure,
fatigue tu ne vaux rien morte c’est un fait, qu’elle l’entende ton discours est incohérent je me pince l’arrête du nez tu ne peux pas dire chut chut chut, il me faut inspirer tu ne peux pas dire que tu feras ce que je veux et me dire que tu ne veux pas finir au moulin, là, là, c’est croche, c’est idiot

sourire
tendresse

tu t’époumones… mh
non pas pour rien

je lui reconnais de la suite dans les idées
mais aucune logique, ah, rien, rien, pas de logique !

admettons… je te laisse l’opportunité de « faire n’importe quoi, tout ce que je veux » je saisis son visage entre mes mains, douces, douces, - et sa peau douce, douce termine putain au moulin ou devient ma captive jusqu’à ce que l’éternité t’engloutisse un baiser sur son front que jamais je ne manque de divertissement je m’écarte

mon pouce sur ses lèvres
trace, contourne
cherche la salive
la chaleur

alors ? murmure
souffle sur ses cils

entre la peste et le choléra,
poupée chancelante
il lui faut choisir

il y a son silence

le couinement de la corde

la danse arythmique de son corps

tableau fascinant…

fascinante créature

aaaaah ! je pourrais boire son désespoir comme on boit un château neuf du pape cuvée lyrique 2013… quel beau tanin se terre au noir de sa gorge, quelle complexité, quel velours…

dommage,
que ce soient les rats qu’elle choisit comme assoiffés méritants
mon palais a bien plus de classe,

elle n’aurait jamais eut à souffrir de ravages charnels,
seul son esprit m’intéresse mais oh ! tant pis !

oh oui ! tant pis ! tant pis !

je ris,

ma poupée, ma pauvre poupée,
elle est mairesse de sa destinée après tout…

n’est-ce pas ?

je tâcherais d’être le meilleur guide et protecteur, que tu fasses ton entrée dans le monde du stupre et de la fornication avec panache ! assurément ! panache ! nous célèbrerons ton arrivée au moulin en t’organisant une soirée avec cotillons et champagne…

je trépigne, sourire aux lèvres,
amusement sous les cils

je te maquillerais - car, je maquille très bien, le sais-tu ? en cela, je suis un peu peintre rire, rire et rire, encore le rire enfantin tu auras de jolis dessous, de la plus délicate confection ! messieurs et dames sauront se bousculer pour obtenir le privilège d’avoir ta première nuit

patience cependant,
il serait regrettable que tu souffres au cours de la susnommée première nuit, n’es-tu pas d’accord ?

ah…

je déteste la brusquerie
je n’oublie pas, non, non, qu’il me faut d’abord te préparer
qu’il m faut d’abord te briser - crack crack crack la porcelaine de la poupée rousse
ma poupée, ma pauvre poupée

ma poupée à moi,
poupée de peau, poupée de maux

ce que je touche une fois,
je le touche à jamais

ce sera ta première vérité, ta première leçon

avant que je ne te bénisse d’un repos mérité et ne te détache… dis-moi, quel cadre préfères-tu ?

mes doigts sur ta mâchoire,
jolie jolie, jolie mâchoire

te force à regarder à droite, le coffre

là
oui

regarde

près du coffre, il y’a tout un tas de cadres vides - regarde, regarde !
plus ou moins grands, plus ou moins ouvragés
près du tas de cadres vides,
il y’a des papiers au grain fin, au grain dur, au grain large
au blanc pâle, au blanc gris, au blanc cassé

oui, oui
je suis artiste, je suis peintre - je vais finir par m’en convaincre

je ris !

ah ! rire est si jouissif…

choisis-en un s’il te plaît

mon sourire est doux, charmant,
ô le charme des petites gens, le charme des rois parmi les petites gens

une caresse du dos de la main sur ses joues rondes, ses joues fraîches
et je dis merci d’être si honnête, d’être si véritable

j’en ai assez de ceux qui s’entêtent à préserver leur égo davantage que leur bon sens
en cela, je suis sincère ma petite poupée rousse - tu es un vent frais
et je saurais à jamais apprécier notre rencontre et nos échanges

bien qu'il me faille la partager, incessamment sous peu,
avec les rats et les loups, et leurs appétits primaires et misérables

ah...
que la vie est juste dans ses injustices !

hihi

frêne ?
le cadre en frêne mh…
quelle sélection incroyable !

dans les traditions scandinaves, cet arbre symbolise l'immortalité et sert de lien entre les trois niveaux du cosmos… ton instinct m’épate, je n’aurais su choisir meilleur cadre que celui-ci pour te faire honneur !

cependant,
le choix du contenant de ce cadre ô si savamment désigné me revient à moi, à moi seul

sur l’établi, je scrute un à un mes scalpels avant de me saisir du plus petit d’entre eux
sa lame est un tantinet incurvée vers l’intérieur, lui donnant ainsi davantage de précision dans la découpe et davantage de finesse dans la pénétration

me retourner à sa vue, la détailler comme on détaille une peinture
cherche, cherche, cherche
la moue concentrée

bien sûr !

ce sera sur l’aine
au dessous de son vendre, à droite, à quelques centimètres au-dessus de l’os de sa hanche

la peau y est fine, tendre et d’une impeccable constitution

je m’agenouille, ligotes ses chevilles jusqu’à hauteur de ses genoux à l’aide d’un foulard de soie qui reposait impunément sur le divan derrière moi, encercle sa taille de danseuse de mes bras cajoles - un regard levé à la rencontre du sien

j’ai de l’amour dans les paumes
le sent-elle ?

combien je l'aime de pouvoir l'aimer

j’inspire
les parfums de son buste
l'alcôve saillant à son cou

ah

ma poupée rousse
poupée vent frais
poupée de lait

si tu gigotes de trop, tu aggraveras la douleur et risquerais de me faire dévier et de créer ainsi de bien disgracieux dommages à ton mignon corps d’oiseau - non pas que cela me déplaise, mais je ne saurais manquer de prévenance ! alors… te voilà prévenue

mon sourire s’étire,
ourle mes lèvres d’une énigmatique prière

je soulève le coton trempé de son t-shirt, le coince sous la baleine de son soutient-gorge
les marées montantes et basses de son ventre au respire haletant de ses poumons me donnent le vertige ; ah ! que j’aimerais y choir ma tête pour écouter les mystères de la peur
et de la fureur de vivre

la houle d'une vie

lentement je plonge la lame,
sur un centimètre trace en surface une ligne et fait naître un sillon carmin,
délimite un carré rouge

le sang perle
goutte à goutte

je voudrais l’embrasser
poupée rousse, poupée lait, poupée vent frais
je voudrais t’embrasser

j'incline la lame - qu'elle soit à d'un versant plat,
je glisse sous le derme, détache méticuleusement les tissus adipeux
soulève la corolle molle avec soin, sépare la chair qui pépie d'avoir à souffrir qu'on lui retire son cuir,
laisse à vif cette dernière, qu’elle rougisse diablement de ses nerfs tiraillés, de l’air qui la mord
de la rigole ferreuse et teinte coquelicot qui s’en déverse comme les larmes qui ont plu de ses yeux

un centimètre
un centimètre carré
si infime, si mignonne surface
délicate délicate

un centimètre de son identité
un centimètre de royaume de sens et d’insensé
un centimètre de son humanité

je porte à hauteur de prunelles, lunes sous éclipse
le parchemin vivant, vivant d'elle

tu es belle !

je murmure,
me redresse et m’en vais sortir le cadre de frêne
il me faut d’abord sécher sa peau, ce petit, petit, petit centimètre carré de peau
la mettre sous une lamelle de verre, à l’abris de la lumière

ensuite,
ensuite j’irais l’encadrer dans le cadre
et accrocher au mur de ma chambre ce bienheureux lien des trois cosmos - un honneur, une consécration

son existence d'un centimètre carré, ma possession pur l'éternité

tu as mérité ton repos

je disparais quelques minutes, cadre en main
son morceau de peau dans l’autre

reparais mains vides
détache les siennes de la corde
détache ses chevilles
la laisse s’effondrer au sol

il y’a une salle d’eau, porte du fond - je t’apporterais un bon dîner plus tard

voix mielleuse
je dépose un baiser sur son front

disparais à nouveau
le cliquetis de la clé qui verrouille
les chaînes autour de la clenche pour sécuriser le verrou

mon oiseau dans sa cage
ma poupée dans son écrin

quel bonheur ah ! quelle félicité, de l'avoir capturé !