Le temps passé. Et Balthazar enfin sait où se cache le dragon. Ou plutôt, où est caché le dragon.

Grince des dents le Bandersnatch entre rage et profonde satisfaction. Même les plus proches alliés de Juliette finissent à genoux la gorge enserrée d'un collier. Encore une fois, Jabberwocky lui a dérobé ce qui lui appartenait (vengeance sanglante) et on l'a puni pour ça.

C'est jouissif et étrangement dérangeant. Il voulait être celui qui le mettrai à genoux. Il voulait être celui qui le ruine et qui l'entend hurler. Faire taire le chaos de son âme depuis leur dernière rencontre, faire taire tout ce que tu provoques Jabberwocky.

Te faire taire.
T'entendre hurler.

Le pas lourd, Balthazar descend dans les cachots. Les mains dans les poches serrent la clé de Susan. Il se campe devant les barreaux, contemple le dragon et le sourire qui s'étend sur son visage est narquois, mauvais.

- Ça te va bien le collier tu sais. Fallait dire que t'en voulais un, je t'aurai filé le mien.

Ricane et écarquille les yeux, contemple ton corps meurtri par la torture. Ses iris bleus se voilent, jaune bestial. Sens le retour de la bête, sens la satisfaction crasse qui émane de lui.

(et pourtant, ça hurle au fond de ne pas être celui qui t'a infligé ça)
(hurle au fond de te voir si minable)

C'est jouissif putain. C'est incroyable.
Te voir dans cet état, le collier autour du cou pour désobéissance.

C'est bandant ça oui.
Il comprendrait presque Balthazar, la provocation que tu avais glissée à son oreille lors de votre dernière rencontre.

Les rôles seraient presque inversés. Mais on sait, on sait que toi, tu n'abandonneras pas. Non, ça serait trop facile, beaucoup trop facile. Toi, tu n'es là que depuis quelques jours, ça ne fait pas des siècles et des siècles, des millénaires empilés qu'on te détruit.

Toi, tu es solide. On ne peut te briser. Et Balthazar se donne envie de gerber. Cet accès de faiblesse face au dragon, ça l'enrage. Ça le rend fou (de plus en plus fou).

Balthazar te déteste.
Balthazar se déteste parce que jamais, jamais il ne fera le poids face à toi.

Ce constat amer qui s'infiltre jusque dans sa peau, dans ses os. Alors, mesquin, il se repait de ta moindre inflexion, et ta chute royale, ton humiliation ici-bas le rend tellement heureux.

(et tellement triste)

- Te voir ramper.

Les yeux luisants, brillants et le sourire du diable.

- Te voir enchainé, te voir ici à ma place, la place des animaux désobéissants, c'est d'un ridicule ... le fidèle Jabberwocky a fauté ... pauvre pauvre dragon.

Contemple cette étincelle maladivement satisfaite qui danse dans ses yeux.
Contemple la folie que tu as créée.

heureux. fou.

Putain alors c'est ça que t'as ressenti Jabb, face aux bras baissés de Balthazar. T'as pas le droit. T'as pas le droit d'avoir l'air si vide maintenant Jabberwocky. C'est toi le prédateur, c'est toi l'empereur, le roi. Alors pourquoi tu rampes ?

Ça l'a toujours fait vriller Balth, tu sais, de te voir lui obéir, à elle. La maudite grosse tête. Passé créé ou vécu, ça le tue. Qu'on ait posé cette loyauté avant même que tu n'ais posé le pied sur cette terre.

Les baisers de Susan résonnent encore sur ses lèvres. Sur les tiennes aussi. (on pense aux tiennes sur les miennes) Susan cet ange, ce démon, il a dans ses mains la clé des émotions. Balthazar a le droit maintenant de ressentir.

Et sa haine à ton encontre est si (trop) nuancée.
Colère qui gronde au dedans alors que Balthazar ricane. Méprise. Veut te détruire mais que tu résistes. Ne veut pas te voir détruit.

Putain Jabb.
(arrête tes paradoxes dans ma tête)

Il s'accroupit pour être à ta hauteur. Ses yeux dans les tiens, jaunes, jaunes, jaunes. Des bêtes. Brisées. Reconstruites. Chaque seconde nouvelles alors qu'on existe depuis la nuit du Temps.

Et même la satisfaction, la victoire mesquine qui l'avait fait venir jusqu'ici devient amère. Finit d'être totalement amère.

Pour passer le gout, il sort de sa poche un paquet de cigarettes. Il en allume une et souffle la fumée au travers la grille. Où est ton feu Jabb ? Dis-moi. C'est chiant les braises, c'est chiant les cendres.

- Et ça te plait ? De voir ça ?

Ce que tu as fait de moi. Dis-moi au moins que ça te plait.
Non, non tu vas t'en foutre. Comme de tout.
Pas de joie en toi.

Balthazar a trouvé la clé.
Où est la tienne ?

(putain jabb putain de tempête)
(c'était peut-être plus simple quand tout était encore enfermé)

Oui. Non.

Balthazar grogne, bestial. Putain Jabb, les paradoxes ça suffit, on te pensait plus sûr de toi, plus droit que ça. Redresse-toi. Bats-toi. S'il t'agace tant, relève toi, insulte le, énerve toi.

Vis Jabberwocky.
Il est de ces immortels que le temps a lissé jusqu'à les rendre inatteignables.
Trop dragon pour être humain, trop humain pour être dragon.

Mais Balth n'a plus le droit à ton humanité depuis longtemps, plus depuis que tes mains ont refermé sur son cou ce collier qui lui colle à la peau. Il le sent peser chaque jour sur sa gorge, la menace et la souffrance permanente, épée de Damoclès au dessus de sa nuque.

Il est esclave. Tu es roi.
S'il est si agaçant, bute le.
(s'il est si agaçant, pourquoi le garder si prêt de toi ?)

Il gronde et la fumée qui s'échappe de sa bouche sonne comme une menace. Ses griffes crissent sur les barreaux, leur poison perle doucement, produisant une odeur acre.

- Agaçant ?

Pourquoi ? Il n'a rien que tu n'ai pas déjà. Tout ce qu'il avait tu lui as volé. Alors qu'est-ce qui peut bien agacer le dragon chez le chien ?

Il sourit le Bandersnatch. Oui, tu as l'instinct des bêtes toi aussi, tu as senti le retour du monstre. Ses yeux jaunes, jaunes, jaunes, félins luisent doucement avant de refluer, laissant les iris tempêtes apparaitre, respirant d'arrogance.

Ses doigts se referment sur la grille, serrent le métal à en faire blanchir les jointure. Colère profonde et rage millénaire.

- Ne me confonds pas avec toi Jabberwocky. Je n'ai pas de maitre. Et ce collier à mon cou, que tu sembles avoir pris tant de plaisir à refermer finira bien par se briser.

Et ce jour-là ... sourire.
Ce jour-là, tu seras aussi dans cet état, par ma faute. C'est moi qui te ruinerait.
(et au fond, ça me déchirera)

c'est toi qui a commencé après tout.

- Tu le sais.

Range ton sourire. Parle Jabberwocky.

Dis-moi, dis-nous ce qui te rend si arrogant, si sûr de toi alors que tu rampes, alors qu'on t'a brisé et détruit. On a essayé du moins. Tu n'es plus vide soudain. C'est ma présence qui t'anime ? Alors que la tienne me brise.

Putain Jabb parle.
Explique, dis.

Pourquoi tu souris ?

Oui, il croit. Oui, il sait.
Parce que ça fait des siècles qu'il s'y accroche. Qu'il en a fait son mantra, son obsession, son fil rouge. Oui, il ne devra sa liberté à personne et il prendra sa vengeance seul. Personne ne se mettra en travers de son chemin. Et certainement pas toi.

Gronde Balthazar, montre les crocs Balthazar.
Rugissement. Les yeux s'écarquillent de te voir te lever (tenter), tirer sur tes chaines. La clope qu'il tient entre ses doigts se casse et tombe lentement. Les poings serrés et la respiration lourde. Inconsciemment obéit, s'approche des grilles. On dirait qu'il n'y a plus qu'un souffle, l'ombre de millénaires de haine entre vous.

Un éternité d'incompréhension passionnée dans un regard.

À genoux Jabberwocky. Le visage tordu par la douleur Jabberwocky.
Mais des années, des siècles qu'on ne t'a pas vu aussi vivant, aussi vrai, aussi royale. Et ça le tue Balthazar, ça le tue Bandersnatch. Entre joie euphorique et haine profonde.

Les dents deviennent crocs et les yeux jaunes, jaunes, jaunes, les pupilles fendues luisent. Les joues se couvrent des poils de la bête que tu connais Jabberwocky, à moins que toi aussi, tu ne l'ai oubliée.

La transformation affleure, Balthazar mi-homme mi-bête te toise d'un air arrogant. Lui debout, toi à genoux et pourtant, on ne sait qui est le plus à terre des deux.

Et reflue, laisse l'humain seul face à toi.

(et les paradoxes qui continuent de hanter nos yeux)

Hurler, rugir, déchirer.

Il veut se battre, il veut te battre. Dans la terre et la boue, des bêtes sauvages et mortelles qui s'acharnent l'une contre l'autre. Que nos coups fassent trembler Wonderland, que nos hurlements terrifient les gamins alentours et que meurent nos paradoxes.

Ce regard. Range ce putain de regard Jabberwocky. Ce regard de roi, ce regard d'empereur. Ce regard brûlant. Ça réveille des siècles oubliés, des batailles oubliés sacrifiées sur l'autel de ton obéissance crasse (croit-il, ton égoïsme gerbant).

Électrifié, par tes yeux.
Frisson de ton soupir qui descend jusqu'au bout des griffes.
Suit du regard ta langue sur tes lèvres.
(on a encore leur ombre sanglante sur les nôtres)

Et mon nom dans ta bouche et tes mots. Leur violence pure. Parce qu'on est des monstres, on ne doit donc parler qu'en tueries ? Alors oui. Alors oui moi aussi je veux te déchirer, t'entendre hurler (gémir), arracher tes membres et étouffer ta voix.

Ricanement grave, hochement de tête avide.
De ton corps, de ton sang.

Je te hais.

Moi aussi.
(je te hai(me)s)
Tellement plus, parce que m'as tout pris.
(alors que je t'aurai tout donné)

Le souffle court Balthazar, mord l'intérieur de ses joues, le sang envahit sa bouche et on se rappelle du tien. Il n'a pas lâché ton regard. Folie partagée, folie monstrueuse. On ne sait ce qui serait arrivé sans ces barreaux, sans ces chaines.

Sourire fou, sourire vengeance.
(sourire chaos)

- Tu ne me toucheras plus. Et je porterai ta tête à Juliette.

C'est une promesse vaine, si vaine.
Parce qu'on est encore enfermé et que face à toi, on aura beau crâner et se battre, on ne vaudra jamais, jamais rien.

Collier ou pas, tu es l'empereur.
(et lui rampe)

Hypnotisé. Fasciné.

Le souffle coincé dans la gorge et le sourire béat. Tordu. Vous êtes fous. Vous êtes fous (de l'autre). Tellement ravagés qu'incapable d'envisager vous comprendre sans vous entretuer. Mais c'est ainsi que communiquent les bêtes.

Non.
Là maintenant, vous n'êtes plus humains.

Balthazar s'accroupit à ta hauteur, son sourire tordu entre désir (corps) et désir (tuer tuer tuer). Il tend son bras au travers de la grille, les griffes perlant du poison le plus mortel de Wonderland.

C'est ton sang qu'il veut essuyer dessus, c'est ta gorge qu'il veut transpercer.

- Viens, allez bâtard. Viens, t'en meurs d'envie.

Approche toi encore quelques centimètres.
Approche toi j'te déchirerai, approche toi et je te détruirai.

Il a menti.
Tu le sais, il le sait.
Il a menti.

Mais plutôt crever que de l'avouer.
Plutôt crever que de réaliser qu'il se consume d'un désir bestial.

Te voir là, réveillé, te voir là empli de cette rage.
Chaos dans l'esprit chaos dans le corps.
Rappel d'un passé qui n'existe plus.

Plante toi sur ses griffes et meurs.
(trop loin, trop tôt)

Plus des humains, juste des monstres.

Ses hurlements comme une victoire, sa folie (notre folie) comme une défaite cuisante. Sourire malsain, sourire tordu. La bête écailleuse s'agit et ses cris résonnent contre les murs de pierre de la prison.

Au loin, Balthazar entend des bruits de course, des gardes qui s'agitent. Prêts à le dégager, le sortir à la force du collier. Collier qui crépite en sentant ses intentions meurtrières.

Éclate de rire le Bandersnatch. Ramène son bras et laisse la transformation le ronger, l'envahir. Les vêtements se déchirent et le rire se change en grondement. Les yeux jaunes, les crocs acérés et la fourrure luisante. Balthazar marche devant les grilles, sa queue bat l'air avec agacement.

Quand les bruits de course se rapproche, il rugit à l'encontre du dragon enfermé. Provocation ultime. Contemple moi, contemple moi, jamais tu ne m'auras. Jamais tu ne me tueras, plus maintenant.

Et s'enfuit dans l'escalier, laisse le Jabberwocky seul avec sa folie.
(seul avec nos folies)