Bouteille à la main, le voilà qui déambule dans Neverland, vacillant. Il est juste assez lucide pour savoir où il va, juste assez absent pour ne pas trop penser. C'est compliqué parfois, de vivre, d'exister. Alors même qu'on s'y accroche avec toute la rage (la haine) du monde, ce soir est un drôle de soir.

On ne voit que trop bien les étoiles et ça, même le whisky ne peut pas les effacer. Le ciel immense au dessus d'eux. On cherche l'astre de Yueqiu. Trop bourré pour le trouver. Grognement sourd.

Errance des pieds qui mènent Asmodée chez son maitre (l'un de ses maitres). À trop vouloir arracher ses chaines, il s'est perdu dans celles que les autres lui ont posé, il s'amourache de leur douleur et de leur folie. Il plonge avec eux pour peu qu'il oublie tout à la fin.

Tambourine contre la porte de Samuel. Ce dernier ouvre la porte et se pare d'un sourire que le visiteur sait faux. Il l'a dérangé, il le sait. Tant pis, il est égoïste ton protégé, il est perdu ton protégé. Ramène le contre toi, gentil berger. Sourire taquin.

- Comme si tu dormais.

Fermer les yeux et poser sa joue, doucement contre la main qui le cajole. Rire vacillant. Asmodée laisse son regard maudit remonté sur ton bras ensanglanté. Tu as mal, Samuel ? Oui non, tu aimes ça. Pas vrai ?

Entre ses mains tatouées, Asmodée ramène à ses lèvres tes plaies dégoulinantes. Lécher l'entaille du bout de la langue riant doucement alors qu'on t'épargne cette fois le regard de feu.

- Tu fais une bien piètre île déserte pourtant. Tu ne m'attends même plus pour jouer les agneaux sacrificiels ...

Moue déçue et le bras retombe.
(une goutte de sang au coin des lèvres)

C'est jouissif.

Samuel le sait. Il rit. Et Asmodée rit aussi. Un rire fou aux accents d'alcool et de désespoir.

Ils sont fous, oh que oui et ils adorent ça. Asmodée attrape le doigt qui se promène sur ses lèvres, il y plante les dents. Oui, avant, il n'avait pas cette fougue, il n'avait pas ce chaos ancré au corps. Il était là, dormant. Mais toi Samuel (et les autres) l'avez cultivé comme une fleur sombre et dégoulinante. Asmodée, pantin de vos désirs malsains se persuade d'être lui-même.

- Ça serait chiant ... si j'étais pas une surprise. Tu ne savoures que plus ma présence.

Nouveau rire, relents alcoolisés. Il porte la bouteille à ses lèvres et en descend une longue gorgée, une de plus. Il se laisse entraîner dans la main, la main autour de sa gorge comme un collier qu'il laisse l'enlacer. Serre un peu plus Samuel, serre encore plus.

Il s'adosse au mur, s'y laisse glisser, les jambes vacillantes tendues en travers du couloir. Il hausse les épaules et ses cheveux noirs tombent devant son visage damné.

- Qui sait, y'a peut-être d'autres timbrés que ça fait bander de se découper comme du jambon ...

Il ne sait pas trop pourquoi tu l'aimes tant Samuel. Il ne comprend pas vraiment, Asmodée, l'intérêt que tu lui portes. Juste qu'entre tes bras, sous tes doigts, sous ton don, il se sent moins lourd.

Moins coupable.

Il ferme les yeux Asmodée, s'offre au regard du maître, la tête en arrière et la gorge comme attendant les pires sévices (tranche).

- Ça dépend ... les brebis bourrées ça marche ? Tu crois que la gueule de bois est pire que ton pouvoir ?

Rire qui s'éteint. Rire qui s'étouffe. Baisse la tête.

- Promis, je vomirai dans la poubelle.

Trop bourré, vacille vers les abysses, déprime, sombre, mort. Non, réveille le Samuel (tranche).
Secoue donc cette brebis qui s'égare.

La main de Samuel dans ses cheveux, comme une caresse paternelle. Non. Comme la caresse fascinée d'un fou devant son jouet préféré. Devant sa chose. Et Asmodée se coule sous ses caresses, est son jouet, ton jouet.

Donne lui de l'importance, choie le, aime le, brise le.

Rire alcoolisé. Il tend les bras, s'accroche au prédicateur, se pend à son corps de serpent et sa voix sombre. Glisse une main amusée dans ses cheveux, caresse sur sa joue.

- Monsieur est méticuleux, scientifique même.

Il s'appuie sur lui, la tête qui dodeline. Il tend une main faiblarde vers sa bouteille abandonnée sur le sol de l'entrée. Main trop lourde, bouteille trop loin. Les paupières lourdes lourdes lourdes, bâillement lourd lourd lourd.

Sourire mal assuré. Le monde tourne Samuel tourne autour de toi, ne nous abandonne pas. Je serai comme tu préfères, comme tu aimes. C'est dur d'être éveillé mais on essaye promis.

S'allonge le corps alangui sur le divan. Les yeux clos et le bras qui pend. On croirait une princesse endormie. Et pourtant il a ce rictus. Qui s'étend quand il sent ton emprise autour de son crâne. Sourire crispé. Le corps se tord, se cambre alors qu'un gémissement lui échappe.

- Je préfère l'esprit aussi. Sur la peau, j'ai des dessins à ne pas trop abîmer.

Et mon corps n'est coupable de rien. C'est mon esprit malade qui refuse d'oublier. Accroché à un passé vain au lieu de devenir une partie intégrante de ce monde.

Criminel qui sait sans savoir doit purger sa peine.
S'offre à ton chaos comme un pantin.

Et la douleur enfle, enfle dans le corps du pantin. Il se tord et se cambre. Ses mains se serrent sur le velours du divan. Il halète le corps tordu par ce rayon de douleur qui creuse dans sa tête.

Dans sa tête étrange, dans on esprit qui refuse de s'oublier alors qu'il n'est là que pour ça, oublier ce qui l'a poussé à la mort, et vivre vivre vivre par tous les moyens. Même si pour cela il doit se soumettre à tes maux.

Gémissement qui passe la barrière de ses lèvres, qui se change en cri, rauque, profond. Une bête souffrante exaltée. Accueille la douleur comme une amie de longue date, y offre son corps, son âme et tout ce qui va avec.

Hurle Asmodée et oublie les voix qui murmurent dans ta nuit.

La main sur son front est une bénédiction. Samuel à la fois bourreau et sauveur. Asmodée inspire, expire, le corps courbaturé et luisant de sueur. Accroche la main, que jamais elle ne reparte.

- J'ai mal au dedans Samuel. Mais ça fait tellement du bien. Je ne veux plus les entendre murmurer. Elles m'appellent et je ne veux pas les voir. Je suis mort à cause d'elles. C'est sûr, c'est sûr.

La voix qui s'emballe, pleurniche presque.

- Pourquoi m'appellent-elles ? Je suis libre ici, je suis vivant ici. Je veux qu'elles me laissent. Parle-moi toi, toi je veux t'entendre.

Toi, je t'aime, toi tu m'aides.
(toi tu me possèdes)