tu es parée de ton plus beau costume, armée de ta plus belle épée, panachée de ta plus belle cape et c’est engoncée de ta superbe et de ta fierté que tu marches sur l’ombre d’alastor que le soleil vous offre avec grâce

je vois ton regard aller tantôt sur les lignes affutées de son profil, tantôt sur le mouillé des pavés que vous foulez d’une hâte calculée - sans doute a t-il plu, une heure plus tôt ?

tu ris,
un rire muet

vous êtes le calme après la tempête
quelle ironie !

cela fait des lustres que tu n’as pas jouis du plein air en sa compagnie, des lustres que vous n’avez pas fait équipe et dieu sait que tu apprécies sa compagnie lorsqu’il s’agit de passer à l’action - ou de la contempler être faite !

en silence,
tu termines votre cheminement jusqu’à la demeure du rat
imites alastor dans sa discrétion quant à votre profanation du petit jardinet et du portillon qui le garde

tu ne peux t’empêcher un sourire mauvais à l’entente de sa plaisanterie,
savoure le vacarme de la porte fracassée de son pied

comment faire plus belle impression ? tu dis, la moue parée d’un amusement à peine dissimulé

et lorsqu’il s’éclipse en direction de la chambres, tu choisis de tourner à droite, histoire d’explorer la pièce faisant office de salon

mieux vaut s’assurer que le traître que vous êtes venu châtier est bel et bien seul

du bout d’un doigt, tu caresses un piano recouvert de poussière, détailles avec un intérêt mitigé le bazar - il y a des livres écorchés, le canapé semble avoir vu trop de soulards, il est ensevelis sous des paquets de chips, sous des coussins tâchés, sous des miettes et des babioles indéfinissables

un cendrier dégueule une bonne centaine de mégots sur la table basse, des canettes de bière jonchent celle-ci et le sol

tu grimaces
quel taudis

la cuisine est dans un état similaire
le couloir semble un peu moins misérable

il semblerait que personne ne soit en ces lieux, si ce n’est le propriétaire

tu reviens sur tes pas, rejoins alastor
la première chambre est vaste, la seconde plus petite
c’est là qu’il se trouve

un oeil sur les placards le vilain petit rat est-il sous son lit ou dans cette armoire ? je parie sur le lit tu ricanes, avant de dégainer ton épée pour la planter brutalement dans le matelas à trois reprises

les plumes des oreillers virevoltent,
un cri fend l’espace, une jambe dépasse soudain de sous le lit,
s’en réchappe péniblement un bonhomme ventripotent et presque chauve, les dents jaunis par l’abus d’alcool, le visage émacié par l’abus de poudre

« pitié pitié pitié ! j’vous jure j’ai été manipulé ! c’est belgrade ! il m’a manipulé ! j’ai été victime ! je le jure ! »

il se colle contre le radiateur, sous la fenêtre
sa cuisse gauche saigne

ah ! tu l’as touché

je te sens bouillir de contentement et d’excitation !

tsss… un rat qui chiale, sérieusement ? et qui en plus cite le roi des rats ! la moue moqueuse et acerbe, tu te tournes vers alastor m’en voudrais-tu si je te disais vouloir me satisfaire de te voir prendre du plaisir à le punir et donc d’être spectateur ? parce que j’avoue, j’ai l’envie nerveuse de lui trancher la gorge, or…ce serait trop banal et rapide, non ?

tu plantes la pointe de ton épée dans le parquet,
reposes tes poignets sur le culot du manche, la tête un tantinet inclinée sur le côté
oui, oui

il faut bien admettre arthy, que lorsque alastor se met à l’oeuvre
tu es satisfaite, satisfaite de l’admirer, satisfaite de vibrer, de trembler
satisfaite à l’égal d’un enfant un matin de noël… c’est dire !

soudain
un craquement
derrière les portes du placard

alors

il y aurait quelqu’un d’autre ?

tu observes avec une délectation impudique la scène qui se déroule sous tes yeux et en viens même à songer qu’il serait bon de soumettre à alastor tes envies de l’avoir plus souvent comme compagnon sur le terrain - et tu le feras, arthy

parce que tu sais oser, parce que tu oses
parce que tu oses à quelques occasions lui réclamer son rôle de croquemitaine comme on attend d’un feu qu’il brûle le bois ou d’une pluie qu’elle gorge un fleuve… et jusqu’à présent, tu ne peux pas te plaindre, n’est-ce pas ? ses promesses de chaos, de domination et de grandeur sont tenues à chaque jour que vous passez

marcel est dans de sales draps
et tu ris en silence, les yeux écarquillés par la malice et le plaisir aux dires de son bourreau qui l’accable à mesure que les secondes défilent

personne ne trahit ni ne manque de respect à alastor haunting sans en souffrir de funestes conséquences

et quand le grincement de l’armoire attire votre attention et qu’il t’intime d’accueillir votre invité surprise, tu t’exécutes avec rapidité et engouement

tu ouvres violemment les portes et n’a pas le temps de reculer d’un pas qu’un homme se jette à ton cou dans un râle aussi effréné que désespéré putain ! tu siffles, peu ravie d’avoir été si bêtement prise de court

il t’a fait perdre ton équilibre et tu te retrouves projetée dos au matelas, ton épée tombe dans un tintement sonore sur le parquet - il te piège de son poids, ses mains en étau sur ta trachée te coupent l’air… tu déglutis, replies ton genou et le colles sèchement dans son ventre, le poussant à te lâcher

il geint, se plie en deux puis prend séance contre la fenêtre avant de vociférer avec hargne « laissez mon frère ! c’est un lâche et un faible mais c’est mon frère ! si vous devez vous en prendre à quelqu’un, alors j’suis votre homme ! »

marcel semble atterré, la bouche circonspecte et les joues blêmes, il bredouille un « j’t’avais dis de res- rester caché ! tristan, r- rest- reste pas là, co-cours »

tristan ?

tu tiques
ce prénom sonne curieux
curieusement connu et désagréablement familier

tu te redresses arthur, la colère imprimée dans les yeux, avant de regarder qui exactement vous avez en face, qui est ce tristan au delà d'être le frère de l’autre rat…

un adolescent
c’est un putain d’adolescent

il doit avoir quoi, dix-sept ou dix-huit ans ? tu lui reconnais d’avoir plus de cran et de couilles que le tas de sueur et de peur qui gesticule à côté tu as raison alastor, les figures de politesse ne sont pas leur fort ! voilà que celui-ci estime qu’il peut s’improviser héros ? tu le choppes par le col avant de le plaquer brutalement contre la vitre

son crâne cogne celle-ci dans un bruit sourd, il étouffe une plainte, se débat tu crois qu’un avorton dans ton genre peut nous tenir tête impunément ? « lâchez-le ! j’vous en su- supplie ! c’est mon p’tit frère ! il a rien à voir avec tout ça ! »

tu n’écoutes pas arthur,
tout semble disparaître autour de toi
tu n’as que tristan sous les mirettes, tristan, tristan, tristan

t'as aussi des promesses à tenir ma belle
il s'agirait de ne pas décevoir ton empereur

tu t'adresses à ce dernier, le sourire denté puis-je avoir carte blanche avec lui ?

merveilleux oui... cynique petit roi contrarié

tu relâches tristan à regret,
écouter alastor prévaut sur tes désirs

poings serrés, moue impassible, tu le contemples menacer le môme ; et à l’entente du timbre mauvais et rieur de sa voix, tu retrouves doucement ta bonhomie et le plaisir d'être spectatrice

tu sais que personne ne sera épargné ; c’est un jeu où la mise de l’autre est perdue d’avance - s’en doutent-ils, que le croquemitaine est vainqueur quoiqu’il arrive ?

seulement tristan ne semble pas désireux de se soumettre ; la terreur dans ses yeux, le dégoût qui transpire de son corps, il les compense avec plus d’audace et de témérité encore ; il recule de quelques pas, regarde tour à tour son frère apeuré, alastor et toi

« vous méritez de crever ! vous n’avez aucun honneur ! la torture ? torturer mon frère ferait de moi un homme ? vous êtes des monstres ! ça vous plaît d’vous en prendre à des pauv’ types hein ? ça vous fait vous sentir plus fort ?! vous êtes des brutes ! des lâches ! »

tu éclates de rire
c’est la meilleure ! des lâches
monstres ? sans honneur ?

t’as la haine qui te pique le nez et les mains qui te démangent ; tu choppes tristan par les cheveux et le pousses à se mettre à genoux, le forces à lever son visage à la rencontre des vôtres je vais t’apprendre ce qu’est l’honneur mon garçon tu inspires demande-nous pardon, obéis à l’ordre qui t’a été donné, ou il n’y a pas que les ongles et les dents de ton frère que tu devras arracher tu souris as-tu déjà brisé les os d’une jambe ?

il se débat et tu raffermis ta prise
et plutôt que de céder aux menaces,

il. crache. à. vos. pieds.

putain…

tu sers les dents
marcel braille des « tristan ! tais-toi ! tristan ! tristan ! » ce putain de prénom de merde
cette putain de sensation désagréable de familier, ce putain de morveux qui s’prend pour hercule

tout ce brouhaha et cette situation te rendent ivre d’une rage animal
ton égo prends cher arthy, mh ? tu vois rouge, tu vois rouge et du coup - tu baisses un chouia ta garde

tristan en profite et te mord violemment une cheville,
tu sursautes, il se relève, prends ton épée qui gisait au sol et parvient à la planter dans ton avant-bras gauche ; tu hurles, davantage de colère que de douleur

comment ce petit connard peut-il te déstabiliser autant ? comment peut-il être aussi brave ? à croire que t’étais trop habituée aux rats du genre de marcel… à croire que tous les tristan ont des coeurs de lion

tristan
une énième fois, son prénom te fait l’effet d’une piqure de guêpe « même la plus fragile des femmes vaudrait cents fois la raclure que vous êtes ! » qu’il jase, qu’il ose

et c’est l’insulte de trop, tu déglutis arthy
la perte de tes moyens est totale - le grotesque des cris de marcel, la jeunesse impétueuse de son petit frère, ce sentiment de déjà vu, cette réminiscence, ce prénom d’un passé humain dont tu ne te rappelles pas, sa fougue, le mot femme

habitée par une folie brouillon, tu perds le contrôle
et -

ton don se désactive

tu ne t’en rends pas compte, c’est sans doute là une ironie des plus noires

tu te jettes sur tristan, qui te dévisages alors avec une stupeur d’effroi et d’hébétude
tu reprends ton épée et via des gestes frénétiques, assènes de pas moins de seize coups le malheureux - dans la gorge, dans le buste, dans le ventre, dans les cuisses

il n’est que babillages ineptes, que giclées de sang
ton visage s’en recouvre, tes cheveux blonds s’en trempent

ton souffle est haletant, cela fait des siècles que tu n’as pas perdu ainsi ton sang froid
des siècles ! des siècles que… personne ne t’avait surpris telle que tu es

lorsque tu reprends tes esprits, tu te tournes vers alastor
la moue interdite,

ton coeur bat à t’en rompre les côtes, tu réalises que ton don est inactif et que tu es dans un état tel que tu es incapable de le réactiver je ne suis pas, je - c’est tristan, c’est ce môme, c'est- comme t’es incapable d’aligner tes pensées et tes paroles

qui est-ce qui va envier le sort de marcel qui là tout de suite pleure à s’en époumoner ? mh, arthy ? qui ?

tu te pétrifies sur place, incapable de faire ne serait-ce qu’un pas ou qu’un mouvement du bras pour justifier l’injustifiable ; tu te contentes de l’observer tuer marcel avec empressement et maladresse, et c’est ce qui te fait réaliser combien la situation t’échappe.

la peur, insidieuse et venimeuse, naît au noir de tes tripes. entre tes pensées les plus folles qui t’intiment de te confondre en excuses pathétiques et tes pensées les plus hargneuses qui t’intiment de défendre ton honneur, tu es perdue, arthy.

lorsqu’il se rapproche, instinctivement tu recules d’un pas, ce qui ne l’empêche pas de te faire lâcher ton épée. tu déglutis, les lèvres pincées, les tempes martelées par tes appréhensions, la nuque frappée du givre de l’adrénaline

j’ai le don d’altérer la perception qu’ont les autres de moi tu dis, laconique
avant que tes poings ne se serrent et que ce soient tes pensées les plus hargneuses qui l’emportent sur ton mutisme et ta crainte je t’ai peut-être menti, mais jamais je ne t’ai trahi, jamais je n’ai refusé d’exécuter tes ordres ! vas-tu vraiment t’engager sur la voie des explications ? oh arthy, si seulement tu n’avais pas tant de fierté…

être une femme ne vaut rien à mes yeux ! je suis un homme, j’ai toujours été un homme, tout le monde m’a toujours considéré et écouté en tant qu’homme ! ta voix se pare de piquant, de la colère de l’animal blessé et acculé que tu nies être en cet instant

cela ne change rien ! rien !

le vacarme du lit renversé et sa rage sonore t’arrachent un hoquet de stupeur, ce qui n’amoindrit pas pour autant la tempête qui bat sous tes cils. je ne suis pas lâche ! tu essuies le sang qui tâche ta bouche et tes joues d’une main. désireuse de soutenir son regard, de braver ce vertige et la frayeur qu’il t’inspire et qui ne cessent de croître, tu t’avances afin que moins d’un mètre ne vous sépare.

si j’avais été lâche, je ne pourrais même pas me tenir face à toi comme je le fais les mots sont ardent sur ta langue, tu prends conscience que ce qui alimente ta peur, c’est l’idée de souffrir de ses mains, de ravaler les miettes de ton égo - certes, mais davantage et surtout l’idée qu’il te rejette et te renvoie à la marge, à l’ombre sans ombres, à l’errance, à la désespérance

tout

tout sauf ça

tu lui as offert ta vie,
alors tu préfères un million de fois subir le châtiment qu’il te choisira que d’avoir à reprendre ta liberté - car ce serait là une liberté factice et creuse

je suis moi, alastor être une femme ne compte pas ! mon sexe ne compte pas ! tu ne m’aurais jamais considéré comme tu l’as fais si j’avais été… si je m’étais montrée ainsi. n’est-ce pas ? tu déglutis le fiel et la déception de déjà connaître la réponse ose me dire le contraire ose ? l'animal blessé veut mordre, mh ?

un coup d’oeil à vos pieds, où git non loin le corps en charpies de tristan

ce merdier
c’est de sa faute
je crois que tu te cherches lâchement des prétextes arthy