Ça fait des mois qu'il la prépare. Enfin, des mois ... le temps n'a plus grande importance ici bas. Il a trouvé la laine la plus douce possible et il tricoté pendant longtemps, très longtemps, quitte à défaire au moindre défaut. C'est important que ça soit bien fait, c'est pour Laurie. Il a pris une laine sombre pour ne pas trop casser avec sa tenue. Mais il a quand même fait un joli liseré jaune. Mais sa plus grande fierté, c'est qu'au bout de l'écharpe, il y a des poches pour mettre ses mains au chaud et l'intérieur des poches aussi est jaune.
Il a fait ça tout seul, comme un grand. Pour son maitre, son mentor, on ne sait pas trop. Mais grâce à lui, Milo a trouvé une place, un sens. Guider, éclairer. Mais derrière tout ça, il y a surtout l'envie d'aider Laurie. Milo est tellement en colère quand il le voit perdu comme ça, arraché à ce qu'il est.
Il prend soin de lui comme il peut, il lui offre ses mains pour le réchauffer, il lui raconte des tas de choses joyeuses et ses aventures partout dans Wonderland. Il a des mouchoirs pleins les poches et le métabolisme le plus solide du monde à force de fréquenter la chasse sauvage.
Il est beau, il est intimidant mais tellement doux. Milo sautille dans tout Halloween City, l'écharpe emballée contre lui. Il finit par arriver au point de rendez-vous habituel avec Laurie. Il se balance d'un pied sur l'autre, un peu nerveux. Et si Laurie n'aimait pas, et s'il n'en voulait pas ?
Il se mordille la lèvre en guettant la sombre silhouette qui ne tarde pas à approcher. Il sourit, maladroit.
c’est pour nous rappeler que nos pas sur le gravier se font. que sous la peau entre la pourriture des ronces qu’ils nous ont injectées nous avons encore une mobilité qui nous appartient
à nous (contre vous)
c’est pour nous rappeler que
je dis nous sommes laurie.
pour nous rappeler que je marche et au son des clochettes, nous guidons nos chairs à vif. nous avons froid. nos doigts contre la perche, nous serrons. ni le foulard qui étouffe sur notre bouche vos mots grouillants (qu’il nous a fallu avaler sous vos expérimentations) ni le manteau de notre vie passée
ne réchauffent ce que notre peau perforée de froid laisse entrer.
et nous marchons sur le gravier, les clochettes et la perche, point de rencontre où nous aurons dans cette ville un peu de répit sans misère et il faut avec toi ralentir le pas car nous ne voulons jamais cesser d’allumer les réverbères.
ils nous éloignent des pensées assassines. sa voix, nous l’entendons plus fortes que les clochettes. résonne un peu trop, nous avions baissé les remparts de peau et tes mots explosent, notre corps souffre
pour une fraction de seconde. puis nous nous rappelons que tu ne nous as jamais voulu de mal
je dis bonsoir milo. tu n’as quand même pas débuter l’allumage sans nous, ce n’est pas ce que tu as fait, nous espérons.
nous en serions triste. mais qu’as-tu contre le cœur, dis ?
Laurie s'appelle. S'appellent. Laurie pluriel.le s'est égaré.e, on les a perdus et dissociés. Milo n'est qu'un adolescent, à peine une entité, un enfant de Wonderland encore tremblant sur ses pattes.
Et pourtant, on sait ce qu'on veut, on sait où on veut aller. Les étoiles dans les yeux pour le fantôme sombre d'Halloween City. Retrouver les parties déchirées (décharnées) de Laurie perdues sous les griffes des Dark Shadows. On ne comprend pas tout, c'est pas facile de saisir parfois, mais on sait que ce cinq sur ta joue, jamais tu ne l'as désiré.
Laurie tinte en arrivant et Milo descend du muret. Il se campe devant lui, l'écharpe tout contre lui. Il a vu le tressaillement et s'en veut, il oublie parfois de réfréner son énergie et ses envies de crier et de sauter partout.
Il secoue la tête doucement.
- Jamais je ferai ça, je suis pas encore assez bon, et même quand l'élève aura dépasser le maitre, je continuerai de te suivre.
Parce que ce jour n'arrivera pas, on ne prendra pas cette place qui t'es chère, on se contentera de t'accompagner autant que possible en recollant les bribes de vous qui s'échappent. Milo baisse les yeux, lève les yeux, se mordille la lèvre et finit par tendre l'écharpe pliée à Laurie.
- J'ai fait ça pour toi, pour que tu ais moins froid.
Il te laisse la prendre, un peu stressé qu'elle ne te plaise pas, qu'elle te gène ou autre.
avec toi, nous nous rappelons les forêts calmes où la vie entourait la nôtre sans pourrir. mourir. abaissons alors foulard
pardon de cette barbe éparse il nous est sorti de l’esprit il fallait nous raser. mais tentons de sourire. parce que tu sembles bien aimer les sourires.
et nous croyons parfois de ces gestes nous ne perdons pas tout à fait notre peau humaine. nous arrivons à réfléchir. les pensées qu’alastor nous vole. mort fétide.
je dis il faut que tu prennes garde. nous allons parfois dans le noir où même les lanternes n’éclairent rien. et tu es doué. doué pour enflammer les lampadaires.
petit sourire. encore. cela nous fait bien rire. il y a, dans la rue où cette confiserie existe, un réverbère incendié il ne sert plus de l’allumer sans le socle qui contient la flamme.
approchons et les clochettes à notre ceinture nous rappellent que nous sommes vivants.
pour nous ?
sais-tu milo que
dans nos doigts la laine elle est si douce, si chaude et nos doigts si sales et notre foulard de tissu coton paraît soudainement mal. car la laine de l’écharpe un tracé jaune qui y brille à la manière de nos réverbères l’écharpe tellement humaine et aux bouts de quoi réchauffer nous nous souvenons ô combien c’est vrai nous avons si froid
si froid. jaune jaune comme les étoiles.
sais-tu milo que
jamais nous n’avons reçu quoi que ce soit depuis qu’il fait nuit ici. mais milo nous n’avons rien pour toi. et si c’est toi qui attrapes froid ?
avec l’écharpe dans les doigts, nous nous sentons soudainement inquiet. une inquiétude ; elle nous semble si étrangère, car elle s’apparente à une tendresse que nous avions oubliée.
des forêts des maisons de paix ; nous avions oublié.
Laurie sous son foulard a des airs de Robinson Crusoé. Perdu dans la sauvagerie du monde, étouffé par les horreurs des Dark Shadows. On aimerait remonter le temps, des années, des siècles (peu importe ce que ça veut dire) en arrière et voir Laurie dans toute sa splendeur volée.
La chasse sauvage, la vraie. Pas celle-là, toute chargée des relents de mort qu'on lui a enfoncé sous la peau.
Au fond, il y a une flamme qui brûle au dedans de Milo. Elle lui somme de retrouver les bouts éparpillés de Laurie. Il rend son sourire au chasseur, tout de noir vêtu alors que lui croule sous les couleurs.
Immense sourire même. Laurie a dit qu'on était doué, Laurie a dit qu'on était doué. Il agite les doigts et ça crépite, une flammèche virevolte un instant et s'éteint.
- Je suis jamais dans le noir moi, et toi non plus. Puisque je serai avec toi.
Et le sourire qu'on distingue sous la barbe hirsute nous réchauffe le cœur plus qu'aucune flamme ne nous a jamais touché. Et encore plus quand tes grandes mains se saisissent de l'écharpe, il voit les doigts qui caressent le tissu et ton émotion qui transpire. On sent la maladie, la pression autour de nous qui s'allège un peu.
On a appris à le sentir, on a appris à savoir si c'est une grippe ou un rhume qui nous attend à la sortie.
- Oui, pour vous.
Le vouvoiement c'est parce que c'est pour toi tout entier, pour toi et les morceaux que tu as perdu. On espère que l'écharpe les serrera, les empêchera de tomber.
Et Milo s'approche doucement et récupère le tissu de tes mains et lui enroule autour des épaules, autour du cou. Et abandonne les mains au creux des tiennes. La peau (on sait que tu aimes la peau chaude) en pleine confiance pour toi.
- J'ai pas froid moi tu sais, je pète le feu tout le temps !
Rire clochette, comme celles à ta ceinture, on est vraiment accordés.
- Si tu veux, je te ferai un bonnet ! Et tu pourras choisir la couleur du liseré !
On te rendra les couleurs volées, on éclairera ton chemin.
nous souhaitons que jamais ne s’éteigne ta flamme. ne la laisse pas. faire. pour nos yeux au moins ; elle ramène la lumière des clairières.
je dis avec nous.
nous sentons le cœur battre. nous avons donc un cœur. il est heureux. heureux pour nous.
alors nous replaçons l’écharpe que tu as enroulée par-dessus notre foulard. semble-t-il elle repousse le froid ne savons pour combien de temps ; prions pour toujours. elle est douce. elle est jaune. nous croyons que le soleil est fait pour rester. peut-être alors l’écharpe sa chaleur sera faite pour rester.
je dis merci.
de penser à nos maladies. nos mains serrent les tiennes. elles semblent avec toi tellement humaines. il faut les regarder, s’assurer que la couche de peau nous ne la rêvons pas. nous avons des doigts. des doigts qui touchent. qui sentent.
sommes-nous vivant. croyons que oui, car le rire.
je dis c’est vrai que tu es un petit feu follet. nous aimons te suivre même de loin. nous aimons bien notre chapeau. merci, milo.
puis il faut se souvenir, petit feu. saisir la perche. ouvrons la voie.
je dis mais pour l’instant, nous devons débuter la nuit. commençons ici, nous sommes devant la rue des habitations. est-ce que tu vis bien ici ?
nous voulons savoir que tu es en sécurité. plus que nous au moins.
Laurie litanie qui redit ce qu'on a déjà dit. Comme pour l'ancrer dans un réel dont iel est absent.e, arraché.e.
Litanie prisonnière.
Lumière au bout des doigts danseurs. Juste pour toi cette flamme pour que tu saches que tu n'es pas seul. Qu'il est là, qu'il marche avec toi l'apprenti.
Le sourire fait trois fois le tour de son visage. Laurie a dit merci. Et Milo sourit encore plus fort. Il serre lui aussi ses mains dans les siennes. Passe le pouce sur la peau rèche pour réveiller les sensations éteintes.
On est vivants tu sais.
Il jette un coup d'oeil circonspect audit chapeau puis hausse les épaules. Doit y avoir un standing de noir dark à tenir chez les Dark Shadows. Dommage. On te le donnera quand on s'enfuira tous les deux.
Il suit Laurie qui se met en marche les mains croisées derrière sa tête. Il sourit, il a hâte. Il aime bien, escalader les lampadaires et vérifier leur état, du bout des doigts les allumer. Ou juste regarder, observer Laurie et sa perche.
- Non pas du tout, j'aimerais ...
Air perdu, air absent. Jack O'Lantern au dedans réclame sa place.
- Mais j'habite à côté, dans Christmas Town mais d'autres gens. Fin surtout avec Jay, ça fait un moment qu'il est là.
Et on espère ne rester que deux. Que les autres repartent et profitent de leur seconde chance.
à t’entendre nous sourions. il fait bon de savoir autour de toi quelques peaux humaines de chaleur des vivants. il fait bon de te savoir entouré.
nous nous souvenons comme c’est ce qui nous rendait si fort. alastor. alastor nous a isolé. parfois sous des ramures de sang rouge des proies de sa mort, nous croyons entrevoir la chaleur familière de notre maison. notre horde.
nous en pleurons. nous croyons pleurer. nous voulons tant, milo, rester dans notre humanité. monstre soit-elle qu’elle existerait toujours. nous ne voulons plus de ce froid qui consume. cette faim par les trous que leurs ronces percent à travers nos chairs. vous ne les voyez pas, personne ne voit notre sang qui coule au-dedans. pourtant nous le savons
nous sommes une forêt profanée.
je dis un jour, permets-nous de venir te voir chez toi. si tu as des animaux, s’il-te-plaît cependant écarte-les de nous.
nous sourions. nous croyons. notre perche dans les mains. il est temps d’improviser une nuit comme les nôtres. essayer de rêve. rose a dit nous savons sauver. espérons que c’est vrai.
je dis marchons. et finissons le travail avant que ta tolérance ne défaille devant nos maladies hélas.
et nous aimons dans la nuit suivre un peu ta lanterne. elle nous rappelle un peu les lucioles qui nous accueillaient sur les berges ou entre les racines du monde.