Cela fait à peine deux semaines que t'es sorti de ce cachot. L'esprit à l'agonie et le coeur encore en deuil, les parties de cartes avec Lucy à la maison n'apaisent plus tes états d'âme. Tu te forces à sourire devant lui parce que tu sais que sinon, il te laissera pas sortir de sitôt. C'est facile de prétendre parce qu'il n'y a qu'avec Lucy que c'est plus simple de rire. Cette petite tête blonde te fait davantage peur que la Reine rouge et est plus menaçant que le Chasseur.

Il n'empêche que t'as besoin de retourner au royaume de coeur. Pas pour flâner dans les rues de Crims mais pour rendre visite à Ellen, dans l'espoir peut-être d'y croiser le doux visage d'Ariel. Depuis combien de temps n'avais-tu pas donné de nouvelles ?
Tu venais à douter qu'il se souvienne, même.

Tu escalades comme à ton habitude le muret, décèles la position d'Ariel et d'Ellen dans le domaine. Tu fanfaronnes et salues les employés alors que tu traverses les jardins en courant. C'est que t'as presque l'air heureux Meliodas, bout-en-train qui lève la main pour dire bonjour alors que derrière ton sourire se cache une profonde mélancolie.
Qui n'avait été apaisée jusqu'alors que par sa compagnie, à lui.

all the crazy shit we'll do tonight
those will be the best memories



Le visage qui exprimait la désuétude s'éclaire soudainement. Tu passes tes doigts dans tes cheveux pour les replacer vers l'arrière et à sa remarque observes une mèche recueillie dans le creux de ta main, plutôt longue.

— « J'ai pas pris le temps de les couper avant de passer te voir. »

Oh. Ouai. Du coup t'étais pas censé lui dire comme ça que tu venais le voir lui - hausses un sourcil avant de te tenir le front, visiblement gêné.
T'es plus direct que ça quand tu te veux séducteur, mais quand ça touche à des émotions plus profondes, tu t'inventes une pudeur qui n'a pas lieu d'être.

— « J'avais dis que je reviendrais, n'est-ce pas ? »

Tu t'approches de lui, poses une main sur son épaule.
Les pupilles dilatées ; vos yeux sont à l'image de deux éclipses en manque de soleil. T'es trop désinhibé pour le remarquer.

— « J'espère que tu m'en veux pas d'avoir pris le temps. J'ai eu quelques empêchements. »

Du type prison, barreaux et peine de mort.

Tu n'es pas dupe Meliodas, tu perçois un peu le ton railleur d'Ariel quand il questionne tes véritables intentions. Le voir lui, hein ? Aussi étrange que ça puisse paraitre, ça ne l'est pas tant que ça. Même épris de Cherry tu n'avais pas oublié votre échange. Tu avais même (trop) pensé à lui, durant ces semaines de cachot. La solitude avait été juge de tes sentiments, bourreau des coeurs. Et le tien souffre Meliodas, il asphyxie d'être ainsi censuré. On ne pense pas que tu puisses sombrer ou regretter ; on t'imagine toujours rayonnant, insensible à l'ego dominant.
Si tu souris, c'est que ça va.
Et quand ça va, qui pour te sourire ?

Ariel c'est le même genre. Tu te reconnais un peu, ou du moins tu veux t'accrocher à cette idée qu'il puisse ressentir la même chose que toi, la même dépendance aux choses qui vous font du bien. Tu penches la tête, mimes une légère courbette vers l'avant. Tu poserais un genou à terre sans broncher pour te faire pardonner - s'il savait.

C'est d'ailleurs ce que tu fais, quand tes doigts glissent sur son torse pour finalement se poser sur ta cuisse, alors que tu as déposé l'autre dans l'herbe.

— « Veuillez accepter mes plus plates excuses, Sir Redsea. Je suis confus de n'avoir point donné de nouvelles. La dureté de la vie m'a rattrapé. »

Raconte.
Tu grimaces et fermes les yeux. Tu ne rentreras pas dans les détails, tu n'es pas là pour ça. Vraiment pas.

— « J'ai écopé d'un mois de vacances dans les prisons de Crims. »

Te redresses avant qu'il ne montre un signe d'inquiétude ou de compatissance. Tu lèves le bras pour l'empêcher d'ajouter quoi que ce soit.

— « Je suis sorti, libre comme l'air. Inutile de secouer le passé. »

Etires un rictus séducteur.

— « Ne trouves-tu pas cela plaisant ? Un homme qui a survécu au pire, à la perspective de la mort. »