dire qu'il n'est pas en train de profiter de tous les avantages de sa transformation serait un grossier mensonge.
entendre sasha se plaindre qu'il ne nage pas aussi vite que lui, l'amuse.
mais il finit bien par ralentir, se calquer sur ses mouvements — c'est qu'on doit bien découvrir cette ville à deux et que ça prendra le temps qu'il faudra pour l'atteindre.
pas pressés et précautionneux, avec plus d'un filtre d'apnée sous la main.
au cas où.

— ça va ?

bulles qui s'échappent d'entre ses lèvres.
sa voix lui semble légèrement distordue, distante.
il n'est pas réellement inquiet, yeon.
sait qu'il lui aurait dit plus tôt, si ça n'allait pas.

— est-ce que les ragots que tu as entendus faisaient mention d'un détail précis, concernant atlantide ? pas que je doute de son existence, si, un peu, mais...

son regard dévie vers l'immensité qui s'étend autour d'eux.
la myriade de poissons aux couleurs chatoyantes qui suivent les courants, les évitent lorsqu'ils passent trop près d'eux.
se dit que s'il tend l'oreille, peut-être parviendrait-il à capter les hennissements des hippocampes qui ont l'habitude de jouer dans les eaux du lagon.

— c'est... un peu vaste ?

la barrière de corail ?
il ne l'avait pas franchie, pas encore.
n'avait pas osé, plutôt, trop peu familier avec cette nouvelle forme pour s'enfoncer trop loin dans les profondeurs par-delà le lagon.
aujourd'hui, ça ne l'inquiète plus spécialement — il n'a pas de limites de temps.
contrairement à sasha.

— je vois.

l'écoute silencieusement, quand il émet une hypothèse quant à son emplacement.
ça ferait du sens, que la ville se situe dans un endroit qui la protégerait des courants trop puissants.
était-elle même habitée ? ou ne trouveraient-ils que des ruines ?
les légendes ne sont jamais bien claires, et quand elles sont amplifiées par les commérages...
souffle — bulles qui s'élèvent.
il se fiche bien de la trouver, au fond, déjà bien heureux d'être en sa présence.
et ça lui convient très bien ainsi.

s'applique à éviter les coraux, peu enclin à perdre quelques écailles en les effleurant par accident — envie les plus petits poissons qui évoluent dans les récifs colorés sans avoir à craindre la surface tranchante de certains d'entre eux.
tellement concentré à la tâche, qu'il ne remarque pas que sasha n'est plus à ses côtés, jusqu'à ce qu'il le hèle.
se retourne, pour nager jusqu'à lui, jette un oeil à ce qu'il venait de trouver.
sourire amusé, face aux huîtres dansantes.
mais il n'a de yeux que pour lui, et son enthousiasme communicatif.

— je ne pensais pas qu'elles se produisaient aussi loin du lagon, elles offrent toujours de jolis spectacles.

visiblement, ses compliments plaisent — elles en viennent même à chanter.

— et de jolies sérénades.

il ne se départit pas de son sourire, yeon.
ni à la fin de la représentation des petites huîtres — applaudis celles-ci, ni quand il doit le suivre, quand il s’élance de nouveau vers le large.
agrémente de quelques commentaires le périple, notamment en ce qui concerne de près ou de loin la faune qui vit dans les eaux peu profondes.
ils découvriraient bien ce qui se cachait au-delà des coraux.
ça ne l’empêche toutefois pas de grimacer, plus théâtral que réellement horrifié, à la combinaison d’ingrédients qu’il propose.
de pauvres thonserves servis entre deux papillons-biscottes-beurrées…
et l’éclat qui brille dans le fond de ses prunelles ne l’aiguille pas plus qu’il ne le faut : était-il en train de se moquer de lui ou était-il diablement sérieux ?

— j’espère que tu ne t’attends pas à ce que j’y goûte ? mon palais de princesse, n’apprécierait pas la chose.

il l’avait laissé prendre les devants, conservant une allure paresseuse, à contempler les alentours — bien que son regard finisse par inexorablement se poser sur lui.
ridicule, comme les choses lui échappent.
reflet qui passe inaperçu, n’est remarqué que lorsque sasha le mentionne.
s’avance à son tour, yeon, pour constater que la légende s’avérait bien réelle.
sifflement impressionné qui lui tire quelques bulles — s’appuie contre lui, un bras jeté par-dessus son épaule, le menton posé sur l’autre.

— toutes mes félicitations, sasha. tu viens de prouver l’existence d’une ville oubliée.

c’est qu’il le sent quasiment vibrer d’enthousiasme, tape doucement son torse.

— évite de me claquer entre les doigts, veux-tu ?

murmures amusés soufflés à son oreille.
il le libère, yeon, tend la main.

— on y va ?

nez qui frôle le sien, distance ridiculement infime.
à croire qu'il fait exprès.
c'est le cas.
malice au fond des yeux, à observer son air surpris, ses joues qui se colorent.
elle s'intensifie sous la litanie de c'est moi qui ait fait ça qui résonne au rythme effréné des battements de son coeur.
se laisse entraîner, yeon, force d'habitude.
il n'en a cure, au fond, bienheureux de le voir sourire ainsi.
doit malgré tout réprimer l'envie de s'arrêter, l'arrêter lui aussi, se fustige surtout.
on a une ville mythique à arpenter, à découvrir.
pas le temps de voir jusqu'où ses envies le porterait, sans bénéficier de l'influence d'une euphorie factice et lorsqu'il n'a plus d'états d'âme pour l'affliger.

il perd son expression sereine, lorsqu'ils approchent de la bulle, se fait plus réservé.
curiosité certes piquée, mais la méfiance pointe le bout de son nez — détaille les alentours, les gens qui s'étaient avancés.
serre la main de sasha, rien qu'une seconde, mais doit bien se résoudre à le laisser filer, le laisser franchir la barrière.
fixe son dos, les habitants qui s'agglutinent autour de lui, s'efforce de rester immobile, yeon, sourcils froncés et lèvres pincées.
c'est qu'il ne faudrait pas causer une scène, et qu'ils ne sont peut-être pas aussi cinglés que leurs chers camarades de surface.
non, eux semblent avenants, même s'ils vivent sous les eaux.
par choix.
par choix ?
peut-être pas si sains d'esprit, au final.
note distraitement des silhouettes nageant en contrebas, dans la périphérie de sa vision — trop occupé à pratiquement ruminer en silence.

et quand enfin, enfin, ils lui offrent un peu d'espace, il s'empresse de le rejoindre.
se ficherait bien d'être nu comme un ver, ce ne serait pas sa pire première impression, mais une part de lui est forcée d'admettre que la serviette est la bienvenue.
transformation qui le laisse chancelant sur ses pieds, appuyé contre lui pour ne pas s'étaler au sol.
première inspiration désagréable qui tord un peu plus ses traits — ne s'adoucissent que lorsqu'il lève les yeux, croise les siens.
risette qui lui fend le visage, à sasha.
trouve écho dans celle qui finit par éclairer le sien.

— mmh.

il ne se hasarde pas à dire autre chose, ça allait, après tout.
incline la tête de côté, quand son regard se perd sur la petite foule qui se disperse lentement — les quelques braves curieux détournent bien rapidement le leur.

— ça irait mieux si j'étais habillé, je présume ?

autant la découvrir avec quelques vêtements sur le dos, cette cité de légende.

s'efforce de conserver son équilibre, lorsque sasha bouge, peu solide sur ses deux pieds.
tiens fermement la serviette d'une main, l'autre attrape le sac qui lui est tendu.
ça lui prend quelques secondes, avant de fléchir les genoux, poser celui-ci au sol pour fouiller son contenu, à la recherche de ses vêtements.
exclamation satisfaite qui lui échappe, lorsqu'il trouve ce dont il a besoin.
la satisfaction, toutefois, est vite remplacée par une grimace concentrée quand il, bien que maladroitement, enfile ceux-ci.
c'est que même s'il n'était pas des plus pudiques, il faut bien conserver un minimum de décence.
rends finalement la serviette à sasha, prêt pour l'aventure.

à peine libérés de l'attention des habitants, qu'ils se retrouvent sous celle, plus intéressée encore, d'un petit groupe.
sourire qui se taille une place sur ses lèvres, bien loin de la méfiance dont il avait précédemment fait preuve — les plus jeunes ont une place particulière dans son coeur.
leur question, toutefois, le prend par surprise.
on a plus l'habitude de se définir ainsi, tant c'est devenu une habitude.
présume, toutefois, qu'ils ne doivent pas voir d'étrangers très souvent.
il peut bien leur octroyer une réponse.

— j'en suis une, pour ma part.

se fige, face aux trois paires de yeux qui s'orientent désormais vers lui.
c'est ridicule, de se sentir aussi petit, à être examiné sous toutes ses coutures par un trio d'enfants particulièrement inquisiteurs.
note la surprise qui se lit sur le visage de celle qui semble la plus âgée — suis son regard, tombe sur les écailles qui ne se sont pas résorbées, sur le dos de sa main de sa main libre.
laisse retomber celle-ci le long de son corps, alors que ses doigts serrent légèrement ceux de sasha.

— la petite-

— sirène.

c'est dit avec tant de certitude que ça le laisse silencieux, sourcil arqué.

— oh ! comme maman ?

quoi-

— mon arrière-grand-père aussi...

partagé entre l'horreur et l'amertume.
ça lui rappelle qu'il n'est qu'une énième itération de ce conte.
ni le premier, ni le dernier.

— je suis-

désolé
de quoi ?
d'avoir remplacé un de leur proche ?
d'e x i s t e r ?
pas le temps de souffler la fin de sa phrase, ils sont de retour à la charge, avec leurs questions.

— vous venez d'en haut ? c'est comment ?

ouvre la bouche-

— comment vous faites s'il n'y a pas d'eau ?

la referme bien vite.

— vous avez quel âge ? parce que maman était vieille...

jette un oeil à sasha, l'exhorte silencieusement de lui venir en aide.

tension accumulée qui s’étiole, se soulève de ses épaules lorsque sasha prend le relais.
attention qui dévie vers lui, lorsque sa voix s’élève, répond à leurs questions mieux qu’il ne le ferait — tout simplement parce qu’il est toujours trop affecté par leurs mots.
une autre v e r s i o n
pas suffisamment unique pour être sa propre personne
lié à des étrangers par des expériences si similaires qu’ils ont tous eu le même rôle dans l’histoire que wonderland réécrit continuellement-
capte l’amusement qui brille dans les prunelles de sasha du coin de l’oeil
sourire qui se taille une place sur son visage bien malgré lui.
chasse l’orage.

il secoue doucement la tête, aux pupilles ridiculement larges qu’il adresse aux enfants — note leur fascination.
entends, surtout, leurs exclamations surprises, et l’assentiment bruyant à la requête de sasha.
bien entendu, qu’ils allaient leur montrer tout ce qu’il y avait à découvrir.
se fige une seconde, quand il s’appuie contre son épaule, avant de se détendre, souffle l’inspiration qu’il n’avait pas conscience de retenir.
ça va ?

— oui. oui, ça va.

murmure presque aussi silencieux.
pas le temps de dire autre chose, qu’une petite main attrape la sienne — devine que sasha doit subir le même sort, le tire vers l’avant.
sourcil arqué et risette trop large qui fend son visage en deux, alors qu’il lance un regard par-dessus son épaule en sa direction.
visiblement, cette journée allait s’annoncer mouvementée, avec les enfants qui sont pratiquement en train de sauter du place.
ça lui change de son quotidien, yeon.
et ce n’est peut-être pas une mauvaise chose.

— qu’avez-vous en tête ?


il regrette amèrement avoir ouvert la bouche.
assis en tailleur, appuyé contre le mur, les cheveux en bataille et plus de couleurs au visage que d’ordinaire, il fait un tableau fort pitoyable.
c’est fort mignon, les enfants, mais il les avait sous-estimés.
eux, et leur énergie à revendre — bien déterminés à leur faire découvrir chaque recoin de la ville, jusqu’à ce que leurs parents les prennent en pitié.
moult excuses et une proposition de gîte plus tard, les voilà seuls.
ferme les yeux, yeon, en grimaçant.

— pourquoi est-ce que j’ai accepté de jouer à chat, déjà ?

parce qu’une gamine trop adorable -pearl- l’avait pratiquement supplié de le faire, épaulée par nemo et chelsea qui s’étaient mis d’accord pour reproduire à la perfection le regard suppliant qui leur avait gracieusement été enseigné.

— j’ai mal partout.

moue boudeuse.

— et je ne veux plus bouger.

jamais

faire plaisir, hein ?
soupire, toujours si ridiculement mélodramatique.
il ne voulait plus se mouvoir, puis, ne faire qu’un avec la pierre, au fond de l’eau, ne lui semblait pas être une si mauvaise idée.
ouvre un oeil, en sentant ses doigts dans ses cheveux, le suit du regard, alors qu’il fléchit les genoux pour être à sa hauteur.
note le ton moqueur — ça lui fait lever le menton, pétulant, et plisser le nez.
mais quand sa main glisse jusqu’à sa joue, il s’y appuie sans une once d’hésitation.
savoure silencieusement la chaleur de sa peau, le contact, pendant quelques secondes.
mais trop vite, sasha ramène son bras vers lui.
il doit retenir le désappointement de poindre sur son visage.

— mmh, c’est effectiv-

hausse un sourcil, au gargouillement sonore qui lui échappe.
surprise bien vite remplacée par un sourire amusé.
il devait lui-même admettre qu’il avait faim, et que se mettre quelque chose sous la dent ne serait définitivement pas de refus.
surtout après avoir passé les dernières heures à courir un peu partout, renouer avec un côté plus léger et enfantin qu’il n’avait pas sollicité depuis bien longtemps.

— c’est effectivement une bonne idée.

le soucis, c’est qu’il doit maintenant se lever.
ce dont il a tout, sauf envie.
incline la tête de côté, yeon.
pèse le pour et le contre.
lève finalement les bras, courbe de ses lèvres qui se fait plus railleuse.

— porte-moi.

timbre de voix presque impérieux, s’il n’arborait par une expression aussi goguenarde.
après tout, l’offre avait été si gentiment proposée.
ce serait criminel de ne pas en profiter.

sourcil qui se hausse, défi bien lisible dans ses prunelles.
retrouve une expression satisfaite lorsqu’il s’exécute — ignore le rouge qui finirait inévitablement par lui grimper aux joues.
il glisse ses bras autour de sa nuque, yeon, cherche, malgré son air toujours aussi narquois, à lui faciliter la tâche du mieux qu’il le peut.
il n’est plus en train d’asphyxier comme un poisson hors de l’eau, cette fois-ci.
croise le regard de sasha, au moment où il lui demande s’il est satisfait.

— très.

c’est brutalement honnête, soufflé sans aucune hésitation.
sourire toujours en place même lorsqu’il ne le regarde plus, attention accaparée par le chemin à parcourir pour se rendre à destination.
et yeon, toujours contre lui, pose sa tête contre son épaule.
mais bien rapidement, un peu trop, à son humble avis, les voilà arrivés.
note l’air dubitatif du propriétaire, quand ses yeux se posent sur eux — sent définitivement son visage qui se colore.
il ne regrette toutefois pas son caprice enfantin.
s’efforce de ramener ses jambes contre lui, ce serait bête de cogner un habitué de l’établissement.
d’autant plus qu’ils sont déjà l’objet des regards aussi surpris que blasés.
et ça aussi, il n’en a cure.

— mmh, je devrais être apte à le faire, oui.

même s’il n’en a pas spécialement envie.
il doit toutefois lui accorder grâce et se dégager le plus doucement possible, poser les pieds au sol.
virevolte sur place, yeon, lui fait face.
flottement qui ne dure qu’une seconde, avant qu’il ne s’incline vers lui, contact fugace de ses lèvres contre sa pommette.

— merci.

et il s’installe à table sans plus préambule, menton posé dans le creux de ses mains, coudes appuyés contre le bois.
sourire plus léger, aucune trace de moquerie.

— et puis, comment trouves-tu ton escapade à atlantide ?