Ta poigne sur sa main son poignet se resserre et il ne comprends pas vraiment, Perceval, la source de ta colère
pourquoi sa main ainsi t'énervait ─ n'était-elle pourtant l'une de tes plus belles œuvres, si ce n'est ton chef d’œuvre ?
peine à comprendre, Perceval, ce qui te dérangeais avec ses mains, quand finalement la réponse lui semble évidente : un artiste, aussi macabre soit-il, n'aime pas voir son œuvre modifiée à son insu, n'est-ce pas ?

C... C'est Balth, il... commence-t-il avant de se taire, se rendant compte de ce qu'il était en train de dire

Regrette, Perceval, d'avoir dans la panique vendu l'un de ses amis à ta colère
s'en veut, Perceval, car par sa faute et sa seule faute il fait descendre avec lui en enfer peu à peu tous ceux à qui il tient
son cœur se serre à tes questions et tourne la tête pour ne pas voir ton visage qui s'approche encore et encore toujours plus près
il sait, Perceval, qu'il ne peut (se) fuir indéfiniment
qu'il n'a nul part où aller
qu'il n'est en sécurité nul part non plus car toujours tu viendras t'imposer à lui d'une manière ou d'une autre autre
qu'il est condamné à rester dans cette prison faussement dorée où sans cesse tu finis par le retrouver
que les rares choses qu'il peut encore chérir tu les lui arrachera jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une carcasse sans âme

Il ne comprend pas vraiment ta dernière phrase, Perceval ; ne comprends pas vraiment ce qui se cache derrière, lui qui n'a été écrit par personne, si ce n'est lui-même
a déjà accepté qui il était depuis bien longtemps, chérit défauts comme qualité ─ peut-être surtout ses défauts ; en joue (jouait) même, Perceval
Mais la peur l'empêche de bien saisir le sens de ta question, de ce que tu insinues ─ ne comprends pas même son but ; peut-être t'étais-tu trompé dans la formulation, peut-être voulais-tu simplement dire
parce que tu ne m'échapperas pas

Je...

Et sa réponse en suspens, hésitant sur sa réponse ─ il ne sait quoi te dire, ce qui te ferait partir un peu plus vite
(n'as-tu pas suffisamment joué pour aujourd'hui ?)

comment... ça ? arrive-t-il à souffler finalement

il veut être sûr, Perceval, d'avoir correctement compris
de te donner une réponse satisfaisante
pour qu'enfin tu cesses de le tourmenter dans le réel
(et tu reviendras plus fort encore en songe)

Le ton sévère et la promesse macabre que tu prononces, Perceval sait que tu t'y tiendras ─ et il s'en veut d'autant plus, Perceval, car il ne veut que ses proches y soient mêlés
(et à cause d'une simple bêtise voilà que l'un de ses plus proche ami se retrouve impliqué dans de funèbres affaires)

L... Laissez-le... en dehors de ça... demande-t-il
(mais c'est en vain, n'est-ce pas ?)

Ta rage augmente encore à sa question, crispant Perceval ─ pauvre petit animal entre les griffes de son prédateur, qui ne peut qu'attendre avec angoisse où enfin on l'achèvera, où enfin il se lassera
(mais pour toi ça n'avait pas l'air d'être le cas, n'est-ce pas ?)
le plaisir que tu éprouvais avant, cet amusement sadique semblait s'être envolé au profit d'une colère grandissante envers... envers quoi ? ne saurait dire exactement, Perceval, tant un rien pouvait t'emporter
son cœur loupe un battement à tes mots
sais-tu à quel point ils étaient violents, Knave ? le mesurais-tu ? probablement pas
peut-être, avant, s'en serait-il amusé, Perceval, sûrement t'aurait répondu ; mais ce n'est qu'un silence terrifié qui accueille tes paroles et soudain
Je te trouverais toujours, même dans tes cauchemars, mais c’est déjà le cas hein ?

Tourne à nouveau son visage, Perceval, vers toi, surprise et horreur dansant dans le regard
comment savais-tu, Knave ? que tu hantais ses cauchemars, ses souvenirs qui le harcèlent sans cesse ?
ton pied s'écrase sur sa main et cette fois est la fois de trop pour lui ; laisse échapper un cri alors qu'encore cette scène prend place ─ sentirait presque ses os s'écarteler encore au contact de ton pied, à nouveau Perceval tiré du présent pour revenir au douloureux passé
mais était-il vraiment passé alors qu'à nouveau les émotions explosent sans qu'il ne puisse rien contrôler, que la terreur prends entièrement le contrôle de son être ; n'était-il finalement pas semblable au présent, bien qu'il soit sadique chimère ne pouvant s'empêcher de lui faire revivre le cauchemar dès qu'elle en avait l'occasion
(condamné Perceval à se faire étouffer et noyer par ses propres tourments)

Le pied encore s'écrase contre sa main et encore les pensées s'emmêlent en masse affreuse dont il ne peut se défaire
n'arrive plus, Perceval, à distinguer le cauchemar de la réalité
ne saurait dire si sa main était toujours là, intacte, ou si elle était à nouveau brisée
(dis-lui, Knave, où était le rêve, où était la réalité ?)
aussi impuissant que ce jour-là, à la merci de tes désirs les plus macabres
mais cette fois c'était la terreur qui se substituait aux entraves physiques et les chimères d'antan à la douleur

Tes mots peine à parvenir à tes oreilles alors que de ses lèvres ne s'échappent plus que gémissements
(plaintes pleines de détresse auxquelles tu seras sûrement sourd)
ne parvient pas à se calmer, Perceval, alors que son corps entier tremble et que sa vision se brouille sans qu'il ne comprenne vraiment pourquoi ; mais malgré tout discerne parmi le vacarme provoqué par la peur tes mots
tes mots mystérieux que Perceval peine à comprendre et décrypter
se plier comme tu l'as fait...?
Il a l'esprit trop embrumé pour tenter de comprendre le sens de tes mots ─ avait-il au moins encore assez de raison pour réfléchir à quoique ce soit ; probablement s'était-elle noyée au milieu de ces émotions qu'il ne parvenait à gérer

Comme... vous...? souffle-t-il, à peine audible

Il ne sent même pas ton pied enfin se retirer de sa main
trop de choses tournent et retournent dans son esprit et il n'arrive pas à faire le tri ; peine Perceval à retrouver son air, à sortir la tête de cet océan d'émotions et de cauchemars
ne sent pas non plus, Perceval, ces quelques gouttes écarlates qui tombent soudain sur son visage, et encore moins leur provenance
et pourtant l'étrangeté de tes mots pourtant réussissent (un peu) à le faire émerger, à le faire se souvenir d'une chose qu'il s'était promise il y a bien longtemps ; celle de ne jamais se plier quoiqu'il arrive
(mais peut-il encore s'y tenir ?)
ne sait, Perceval, si c'est cette vieille promesse, ou si c'était la curiosité, qui le ramènent (un peu) à la réalité
dis-lui donc, Knave, qu'est-ce que tu voulais dire ?
(mais tu ne diras rien, n'est-ce pas ; tu préféreras t'acharner sur lui jusqu'à ce qu'il n'en reste enfin plus rien, pas vrai ?)

Son cœur bat à tout rompre, l'angoisse lui serre la gorge et les réminiscences d'antan embrument encore l'esprit ─ et pourtant parmi le rêve distordu se dessine la réalité, malgré la présence forte encore du danger
(malgré ta présence qui lui rappelle ce jour-là)
sursaute lorsque ta voix soudain s'élève et que ta colère éclate
trop surpris (terrifié) pour répondre quoi que ce soit alors il continue de te fixer, toi et tes traits tordus par la colère
mais ce n'était pas cette rage habituelle, gratuite et provoquée par la moindre broutille, non, ça, Perceval malgré ses émotions le sent ─ après tout, ne t'a-t-il pas connu dans tes pires accès de colère
celle-là était différente, même s'il ne saurait dire en quoi ─ son esprit luttait suffisamment avec ses propres émotions pour qu'il soit capable d'analyser correctement celles des autres et déceler le moindre détail

Il ne comprend pas, Perceval, la source de ta colère si étrange
pas plus qu'il ne comprends le moindre de tes mots
ni la détresse latente, ne la perçoit même pas
(exactement comme tu ne percevais pas la sienne)
ne comprends pas vraiment où tu veux en venir non plus

... quelle liberté ? toujours aussi faiblement, prudemment

celle que tu m'as volé ?
celle dont je rêve mais que tu tiens en otage ?
celle que tu ne me rendras jamais ?
dis-moi, Knave, de quelle liberté tu parles ?
de quoi parles-tu ?

Pourquoi vous ne nous tuez pas, alors ?
pourquoi tu ne m'as pas tué ?

Incompréhension dansant dans le regard ─ qu'est-ce qui t'empêche de passer à l'action ?
n'était-ce pas ce que tu faisais toujours, arracher des vies ?
(quand tu ne les détruisait pas)
pourquoi te mettais-tu soudain à annoncer que tu veux sans exécuter ?
ne parvient à comprendre, Perceval ─ ne comprends plus grand-chose, de toute façon, et n'en a pas la force
cherche dans ton regard les réponses à ses questions ─ à ce soudain accès de colère teinté d'une chose qu'il ne parvient à saisir

Il n'y a plus de liberté pour toi
et ce depuis longtemps, aurais-tu pu ajouter
cruel es-tu de lui dire la cruelle vérité qu'il fuit depuis bien longtemps et qu'il ne peut (veut) voir en face
pourtant aujourd'hui les mots sont plus forts plus violents et son cœur se serre douloureusement ; car de toutes les insultes de toutes les infamies tu venais de lui cracher la plus blessante et la plus odieuse
autrefois, sûrement ne se serait-il pas laissé démonter, peut-être t'aurait-il répondu ou, à défaut, lancé ce regard que tu haïssais tant ─ mais cette fois, c'était différent
vois-tu Knave au fond des yeux le désespoir qui le submerge et qui vient s'ajouter au reste ?

C... c'est faux... parvient-il à articuler

Comme pour fuir la réalité
mais s'il ne peut voir ni le passé ni le réel, et moins encore l'avenir, alors que lui reste-t-il ?
(peut-être rien, finalement, si ce n'est la terreur laissée par le vide ainsi créé
prisonnier de chimères contre lesquelles il ne peut lutter)
Se crispe Perceval lorsque tu attrapes son poignet ; se débat pour te faire lâcher prise, mais tu le serres si fermement qu'il finit par abandonner alors que l'appréhension monte
prévoyais-tu, comme cette fois-là, de lui briser la main jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien ?
ne sait pas, Perceval, ne sait plus ; mais tu n'en fais rien pourtant, si ce n'est serrer encore, si ce n'est avouer à demi-mot qu'il était ta cible préférée
(que tu le détruirais encore et encore jusqu'à l'infini et même dans la mort)

Serre les dents lorsque tes doigts lui coupent la peau, Perceval
se demande brièvement si un jour tu le laissera en paix ─ et cette pensée se fane aussi vite qu'elle éclot
c'est effrayant, Knave ; comment peut-on à se point se délecter de la souffrance d'autrui et jouer avec ses peurs ?
que te faut-il pour qu'enfin tu le laisses en paix ?

Pourquoi...? pourquoi ne cesses-tu de briser tout ce que tu touches ? pourquoi moi et pas un autre ? Qu'est-ce qu'il y a... de si satisfaisant... à...?

Il ne finit pas sa phrase, mais il se doute, Perceval, qu'il n'avait pas besoin de la formuler en entier pour que tu comprennes ce qu'il veut dire
dis-moi, Knave, qu'est-ce qu'il y a de si amusant, de si satisfaisant à me me faire souffrir ? qu'est-ce qu'il y a de si amusant à continuer de me briser ? n'était-ce pas ton objectif ?
qu'est-ce qu'il te faut de plus...?

Son poignet enfin libéré s'échoue sur le sol
ne réagit pas, Perceval, face à ton geste ─ ah, c'en était donc à ce point, ton absence de respect pour lui
ne réagit pas non plus, Perceval, lorsqu'encore tu te plaît à lui rappeler qu'il ne vit que dans de tristes illusions qu'il s'était construites ─ et qui maintenant sont brisées car tu venais de leur porter le coup fatal
il sait, Perceval, que tu as raison ; que depuis que la terreur l'habitait et guidait son être il était complètement enchaîné, plus libre de ses moindres mouvements de ses moindres pensées
et maintenant doute, Perceval, ne sait plus où il en est ─ mais était-ce finalement si important ?
(peut-être ferait-il mieux d'abandonner au lieu de lutter)

Tu te relèves finalement, mais Perceval a toujours l'impression d'étouffer malgré ce poids qui s'enlève
grogne, Perceval, quand ton pied vient frapper ses côtes
reste un instant au sol malgré ton ordre, le temps de remettre ses idées en place ─ ou du moins, le temps de chasser les plus agitées
Difficilement se redresse avant d'enfin se relever pour te faire face ─ et se rend compte, Perceval, à quel point tu es petit comparé à lui ; et c'est effrayant de voir qu'un être aussi petit et chétif que toi puisse avoir autant de pouvoir sur quelqu'un, qu'un être comme toi peut à se point se complaire dans le sang d'autrui

Ne peut s'empêcher de se demander, Perceval : s'il s'était plié dès le début, s'il avait renoncé à tout dès le départ, est-ce qu'ils en seraient là ?
est-ce que tu aurais choisi quelqu'un d'autre pour te défouler ?
et lui, où est-ce qu'il serait, actuellement ?
est-ce que ça n'aurait rien changé ?
peut-être...
peut-être qu'il était encore temps...?
et cette pensée l'effraie et lui serre le cœur
parce que tu n'avais jamais été aussi proche de faire de lui ce que tu voulais

A peine relevé, Perceval, que ton pied vient le cueillir en plein dans le ventre d'une facilité effrayante
et s'effondre à nouveau Perceval sous ton coup, le souffle coupé
peinant à le retrouver alors que ton venin coule encore
il a envie de te faire remarquer, Perceval, que c'est toi qui avais ainsi précipité sa chute ; sûrement l'aurait-il fait, auparavant, mais pas cette fois ─ car quelque chose qu'il ne parvenait à identifier l'en empêchait

Son cœur loupe un battement (encore) à la mention de ses jambes
c'était donc ça, que tu voulais ? ses mains n'avaient pas suffit ?
ou peut-être voulais-tu t'assurer qu'il était bel et bien brisé ? que jamais plus il ne se relèvera et qu'il succombera à ses blessures ?
qu'il se pliera comme tu l'avais toujours voulu ?
ou finalement, peut-être rien de tout ça
peut-être aimais-tu juste blesser comme on peut aimer n'importe quel autre loisir
peut-être était-il après tout ton jouet préféré, depuis le début
(mais même cassé, restera-t-il ton divertissement favori ?)

Recule, Perceval, alors que tu proposes de regarder ses jambes d'un peu plus près avec ce ton mielleux qu'il ne te connaît que trop bien
que la crainte monte encore (quand s'arrêtera-t-elle de monter ?)
qu'est-ce que tu comptais faire, avec ses jambes ?
c'était impossible que tu proposes de les regarder sans raison, alors
que prévois-tu, Knave ?

... Non, ça ira

Que comptais-tu faire, Knave ?
Vérifier leur état avant de les briser ?
ou pire, de les amputer pour avoir un prétexte pour le tuer ?
les lui arracher pour les poser en trophée ?
Ou sûrement étais-tu en train de les imaginer baignant dans son sang et les os disloqués avec un certain délice
frémit, Perceval, à cette pensée, et parvenant à se redresser il recule encore
(son instinct lui hurle de fuir, et vite ; alors qu'attend-t-il pour le faire ?)

Elles... vont très bien de toute façon tu me les brisera si je te laisse les approcher

Et soudain réalise, Perceval
que ta cruauté est sans raison, simplement motivée par de pervers instincts
que tu aimais juste le faire souffrir pour ton bon plaisir
que tu le briseras autant de fois que tu en a envie, même le jour où il sera complètement irrécupérable

Tu auras beau insister, Knave, pour les voir, Perceval refusera toujours
mais tu n'a jamais eu besoin d'autorisation de sa part pour quoique ce soit, n'est-ce pas ?
puisque tu lui arrachais tout de force

Et finalement tu les saisis et Perceval s'immobilise
se débattre ne servait plus à rien ; il ne pouvait qu'attendre que tu fasses ton œuvre et qu'enfin tu t'en ailles
il n'ose regarder, Perceval, ce que tu faisais à ses jambes ─ car il sait que ce n'est qu'une question de temps avant que tu ne t'acharnes dessus comme tu l'avais fait sur ses mains
le cœur s'emballe lorsqu'à nouveau tu prends la parole et Perceval sent les coups imminents ; sûrement qu'avant il aurait répondu, fait remarqué que tu étais seul responsable de sa chute et que son corps allait bien
(mais plus aujourd'hui, parce que si des jambes étaient faites pour avancer, alors pourquoi ne cessait-il de tomber au moindre pas depuis ce jour-là ?)

Et il attend, Perceval, que tu lui arraches ses jambes
ou peut-être les lui briseras-tu avant de les lui enlever
ou peut-être feras-tu preuve de compassion et les coupera vite, pour qu'il souffre moins longtemps
il s'attend à, oh, bien des horreurs, Knave, que la décence ne pourrait supporter entendre
alors l'attente est longue, très longue ; sûrement réfléchis-tu à la meilleure manière de t'y prendre, aux moyens que tu pourrais utiliser et

et tu lâches sa jambe, sans rien en faire
trop surpris d'abord Perceval, pour bouger ; n'ose pas non plus jeter un œil à sa jambe, qu'il ne regarde pas depuis le début
(s'il bougeait, peut-être allait-elle se détacher ?)
après de longue seconde, il ose enfin la bouger, un peu, et constate avec grand soulagement qu'elle est toujours là
se redresse à nouveau, Perceval, avant d'encore reculer, se mettant à une distance raisonnable de toi, comme prêt à s'en aller dès que tu baisseras ta garde
te fixe, Perceval, sur ses gardes ; observant le moindre de tes mouvements, toi qui lui semblait bien plus imprévisible qu'auparavant
ne comprends pas, Perceval, pourquoi tu avais autant hésité pour ne finalement rien faire ─ ne comprends pas vraiment tes actions, depuis un petit moment : jamais, en temps normal, tu n'aurais hésité, alors pourquoi...?
qu'est-ce que tu préparais de pire que l'enfer ?