each day is valentines day

joyeuse saint-valentin ! aujourd'hui encore
tout comme hier, et puis demain - trois cents soixante-cinq tours de terre et pas un seul où l'on oublie de t'offrir des fleurs, déclinées polymorphes (composés d'azalées ou bien des roses - des couronnes de baisers, des colliers d'ecchymoses) - narcisse, les gens t'aiment tant ! t'encensent au quotidien
et je ne voudrais pas dérober ton temps - (à tes autels, je déposerais volontiers des œillets bleus innocents mais la variété de synthèse, teintés d'artifices ce sont les plus coûteux) de toute façon, au temple des amours je suis tout nouveau dévot, rien qu'une ombre au tableau qui ne se fait jamais prier et qui rend service, se contente de balayer les corolles une fois celles-ci fanées, oh-
aujourd'hui encore, joyeuse saint-valentin
(j'attends ton retour pour souhaiter en personne).

à douze reprises, minuit résonne - au détour d'un couloir, j'assiste au départ de tes fidèles comme on admirerait la fin des messes - demi-tour et spectral, je m'éclipse de derrière le bar pour me faufiler aux étages, file direction les coulisses où les employé.es du moulin rouge peuvent aller s'alanguir ;
j'ai les bras chargés, disperse des pétales sur mon sillage comme on saignerait goutte à goutte (ce n'est pas de ma part, je ne fais que porter - messager d'un énième, je t'aime par procuration)
et devant la porte du petit salon, un instant j'appréhende ;
me décide finalement à toquer, un, deux, trois coups
avant d'ouvrir sans entrer - narcisse ?
joyeuse saint-valentin ! encore, toujours.
debout dans l'encadrement, je reste immobile -
te montre seulement les présents amenés :
quelqu'un a déposé ça sur le comptoir- pour toi.
un temps - et je me risque à faire un pas, que tu vois d'à peine plus près - mes regards en déclin, terminent au creux du bouquet tenu comme s'ils venaient y faire des révérences ;
je crois qu'aujourd'hui, ce sont des camélias...
les clients t'idolâtrent tellement, au point de lasser peut-être -
je ne sais pas si tu les (re)garderas.

each day is valentines day

et ce ne sont pas mes palettes mais c'est tout comme - comme si volheureux j'avais dévalisé les bosquets, taillé les tiges en biseau quitte à m'entailler le bout des doigts (piqués de rouge dessous le blanc des sparadraps - c'est n'est rien narcisse, rien que moi qui brise de la vaisselle à défaut d'aller cueillir du laurier-rose) - et comme si j'avais signé les couleurs, à t'entendre parler la langue des jardins je manque de mordre la mienne : c'est que sous mes yeux, les pétales sont vermeilles (et puis, de mes mains libres désormais, je ne sais quoi faire depuis que tu les as survolé des tiennes) timoré, je m'essaye aux sourires, oh- alors ce soir, vu le carmin des corolles, elles sont pour l'amour... et le choix des pigments me semble si débauché - c'est impudique, je trouve ! de piocher dans les tons qui signifient je t'aime alors que ces amant.es ne font qu'adorer leur reflet miroité : par toi qui renvoie les affects -
(au fond, les client.es s'offriraient des bouquets à leur nom que cela reviendrait au même)
tu sais, à leur place je t'aurais préféré des bleuets
mais puisque les camélias te plaisent - je me tais.

vacille à peine, voyant que tu m'invites - à m'éterniser un peu et tu es certaine ? de vouloir m'entendre éluder - mes lectures alambiquées, je te prie de les penser insipides (entre mes lignes épitaphes, pas d'épigramme ni d'acrostiche - je t'assure, narcisse : de mes memento mori je souhaite que l'on s'ennuie) ah hm, ça va merci... deux, trois secondes j'hésite - cède et dérive jusqu'aux assises indiquées, où je me pose volatile. c'était plutôt calme, j'ai pu lire derrière le comptoir... c'est rare de nuit. qu'importe ! quel intérêt - quelconque, ce que je raconte - de mes nouvelles l'on se moque, délaisse-les donc en chœur - désarmé, je reporte l'attention sur les présents d'hier : défraichis, sur le guéridon ce sont des iris. je- il faudra que je te débarrasse des fleurs de la veille... tu vois : j'ai toujours des petits travaux qui m'attendent, systématiques ils m'interdisent de t'embêter trop longtemps. et mutique un instant, au suivant j'ose : à la fois lever mes regards et rompre le silence, toi, tu... ça a été ? sans préciser ce que ça peut être - et je me dois d'être utile, est-ce que t'as mangé ? ou pas encore... si t'as pas mangé, je peux aller te préparer quelque chose. m'éclipser incolore - à ça je suis très doué.