Tu libères les poigets de brunette, glissant lentement la cravate le long de ses doigts, contre ses courbes que tu contemple une dernière fois depuis ta position dominante. Et si ta respiration reprend lentement son rythme habituel, tes joues sont toujours rougies par l'échauffement de ta peau au contact de la sienne.

Disons-le, t'étais déjà pas d'humeur en arrivant au bordel, toujours pas complètement fait à l'idée d'avoir abandonné ta liberté pour rejoindre cette drôle de secte, et savoir ton habituelle occupée ailleurs n'avait pas amélioré ton état d'esprit. Mais Narcisse avait été une distraction plus que convenable  pour dénouer tes muscles tendus, un bon défouloir avec lequel tu n'avais pas été des plus tendre. On t'avait dit qu'elle était là depuis longtemps, cela dit, alors t'avais pas cherché à deux fois. Elle avait dû connaitre pire, et de toute façon, t'étais pas du genre à avoir des remors. Après tout, tu la payerais gracieusement pour ses services.

Long soupire fatigué quand tu te laisses tomber sur matelas, au côté de la jeune femme. Ta tournée pour Absolem était prévue pour un peu plus tard dans la soirée, et rien que de penser aux pics arrogantes de la chenilles te faisait déjà relativiser toute la fierté de l'influence gagnée grâce au Dark Shadow. Heureusement que ça rapporte.

La main venant carresser les pourtours du matelas, à la recherche, pelle melle, de ta besasse et des vêtements dont tu t'étais séparé, tu remontes sous-vêtement et pentalon en premier que tu te hâte d'enfiler silencieusement. T'étais généralement pas un grand bavard, si la situation ne se présentais pas. T'avais toujours assumé que les prostituées avaient mieux à faire qu'écouter ta vie, et ça faisait cher de l'heure pour une conversation qui ne t'apportait pas le plaisir de ce pourquoi t'étais venu. C'est pas une histoire de sous, maitenant que tu gagnes bien, mais le principe qui t'aggace. T'aimes pas raquer pour rien.

C'est donc encore torse-nu que tu sors de tes affaire une généreuse liasse de billet que tu poses sur les draps, et un sachet de poudre déposé sur le dessus. L'indexe sur la marchandise, tu translate le salaire de la brune dans sa direction, avec un sourire commercial.

Si mes clients disent  vrai, ça devrait suffir à te rendre la pareille pour ce moment de détente. Et si ça te plait, je suis certain qu'on pourra faire affaire sans que tu n'ai à sortir ton porte monaie.

Demi tours le temps de retrouver ta chemise, passer la cravate dans son col. Plus moyen de retrouver ce qui attachait tes cheveux, cela dit, alors tu gardes les mèches récemment teintée de vert se perdre sur ta nuque.

Tu sais coment ça se prend?

Elle enfile à son tour sa fine nuisette, et fait glisser entre tes doigts l'élastique que tu pensais égaré, en l'échange de sa gratification. Et le temps qu'elle observe quelques instant la marchandise, tu en profite pour nouer tes cheveux comme à leur habitude avant de saisir ton manteau sur le dossier de la chaise près de la porte. Prêt à partir, à peine ta petite affaire réglée.

Mais il faut croire que la réputation que tu pensais déjà bien installée de ton produit n'a pas encore atteint toutes les sphères du Moulin. Ton pardessus toujours posé sur ton avant-bras, tu fais un pas de recul pour rencontrer l'œillade charmeuse de Narcisse quand tu agites tat tête de droite à gauche. Epaules remontées, bouche en cœur, et ses lèvres que tu as tant baisé cachées sous une canine provocante. C'est pourtant ses yeux illuminés de malice qui te font reconsidérer ta hâte.

Les filles comme toi ont toujours ce qu'elles désirent, hein?

Les mots te viennent naturellement, parce que tu sais que tu ne peux pas résister à une joli femme à la silhouette élancée, et au visage encadré par une longue chevelure, mais tu réalise un fois qu'ils sont sorti de ta bouche, l'ironie de ta répartie. De celle qui donne, encore et encore, exactement ce que les autres veulent d'elle, sans jamais obtenir le fruit de leur désir en retour.

Dénué de sens moral, mais pas totalement d'empathie, tu te mordilles le bout de la langue, faute de l'avoir tourné dans ta bouche avant de prendre la parole. La réalisation transparaît probablement sur ton visage, pendant que tu regagnes le matelas, lâchant le vêtement que tu tenais à côté de la jeune femme. Debout face à elle, toujours assise sur le lit, tu lui retire le parquet des main, sans détacher tes yeux de la fascinante hétérochromie de ses iris.

Cette fois, en tout cas... Et peut-être la prochaine fois que je viendrais, va savoir. Je me demande ce qu'une pute avec plus d'un siècle d'expérience peut bien vouloir encore essayer.

L'autre index vient glisser sous son menton, remontant son joli minois dans ta direction. C'était pas tous les jours que t'avais l'occasion de regarder les gens de haut comme ça, et tu profites quelques instant de la vue, avant d'ouvrir le pochon au dessus de son visage, et de laisser les paillettes faire leur effet sur sa psyché.

Sa réponse te satisfait, mais au fond, tu te demandes si là encore, elle ne te donnes pas tout simplement les mots que tu veux entendre. Si ce qu'elle désire vraiment, c'est vraiment une excentricité de plus, qu'elle n'a pas encore eu à subir. Et ce qui l'attirerai réellement, si elle n'avait pas à se plier aux volontés de tous ceux avec qui elle partageait sa couche.

Ce qui ne te satisfait pas, en revanche, c'est sa réaction quand la poudre commence à faire effet. T'as vu plus d'un client réagir à la substance, tu les as vu inspirer avec réconfort, s'enivrer d'un moment de  repos, gémir certaines fois, mais la rétraction des pupilles, et le frisson qui se transforme en chaire de poule, la disparition de son sourire provoquant. Tu n'as pas besoin d'entendre le son de sa voix pour savoir que quelque chose cloche.

Et tu ne trouves rien de mieux à faire que de soupirer, Oz, au malheur évident de la jeune femme. Parce qu'évidement, tu te sens coupable. Evidement, tu ne t'attendais pas à ce qu'elle réagisse mal. Au contraire, c'était un petit moment de répits que tu voulais lui offrir avec ce sachet de merde. Et certes, possiblement te faire une nouvelle cliente. Mais tu sais pas quoi faire pour atténuer les effets. Et ça te fait chier, chaque fois que tu te retrouves impuissant. Chaque fois que ton pouvoir ne suffit pas à arranger tes inconvenances. Ca va me mettre en retard.

Fait chier.

Parce qu'étrangement, tu ne te résous pas à la laisser vivre seule le contre-coup. Tu ne sais que trop bien ce que ça peut faire, n'est-ce pas? Alors tu la rejoins sur le lit, prenant la place du manteau que tu avais laissé tombé un peu plus tôt, venant à présent se poser sur les épaules frêles de la prostituée.

Tes ongles viennent pousser les mèches ébène de Narcisse derrière son oreille, contre son épaule. Sous tes doigts, sa peau te semble glacée. Ton habit ne pourrait pas lui faire de mal, mais tu doutais qu'il soit suffisant sur sa peau découverte.

Dis-moi ce que tu ressens et ce que tu vois au fur et à mesure, okay? Sans vouloir te faire paniquer, il y a moyen que te tape des hallus, donc bon... si tu vois genre, un dragon, à priori, c'est pas vraiment Volpaline qui attaque. Chill... Sans mauvais jeu de mots.

Tes yeux se baladent dans la pièce, à la recherche d'une tenue un peu plus chaude, quelque chose de confortable au moins, au cas où elle subisse les même hauts le coeur que les tiens quand tu avais essayé la première fois le produit de ta confection.

C'est sur la porte entre ouverte laissant deviner une salle d'eau que fini par se porter ton attention. Après un bref, "j'arrive de suite", tu te lèves, traverse la pièce et fait couler de l'eau chaude dans le bassin, au cas où sa température ne baisses trop. Dans la même pièce, tu récupère un sceau que tu laisses au pied de la demoiselle.

Au cas où t'ai besoin de gerber.

Explication factuellement correcte, mais qui manquait cruellement d'une forme un poil plus rassurante, pour celle qui de devais pas comprendre ce qui lui arrivait.

Tu vois, à sa seule expression, à la détresse dans ses yeux quand ils rencontre le sceau que sa situation s'empire. Qu'elle tombe, lentement, lentement dans une folie que tu prend toujours bien soin d'oublier, loin des clients et de leurs expériences, dans le confort de ton labo, de ton nouvel appartement, des carrés VIP que ton nouveau titre te donne.

Brisée, dit-elle. Ca, tu le sais déjà. Parce que si elle ne l'était pas avant, elle ne serait pas là. Pas  depuis si longtemps, à s'effacer derrière les désirs de chacun de ses clients. A devenir ce miroir dans lequel chacun projetais ses volonté, et qu'elle renvoyait avec passion.

Mais la façon dont elle en parlait, cette fois, était différente. Tu imaginais bien qu'elle ne t'aurais, de toute manière, pas admis ses faiblesses bien réelles. L'illustion, tu ne l'appréhende pourtant pas encore tout à fait. Tu ne comprends pas encore la réalité de son expérience. A ta décharge, tu n'es jamais tombé si bas.

Okay, okay, on va les ramasser, d'accord? En attendant, on va te mettre dans la baignoire, pour ne pas en perdre d'autres, hm?

Tu dis, ça, Oz, Narcisse te dépasse bien de quelques centimètres. La porter, sans la blesser du moins, n'est pas aussi facile que ce que tu l'imaginais. Tu tentes de passer tes bras sous ses jambes tremblantes, sous son ses bras pour l'amener en douceur jusqu'à la salle de bain, mais tu ne trouves pas de prise pour t'assurer qu'elle ne tombe pas en route.

Tu fini par te résoudre, Osvald, au fait que tu n'y arriveras pas comme ça.  Pincement de lèvres agacé, tu n'aimes pas reconnaître ta défaite, mais as d'autres carte dans ta manche. Alors tu lui montre ton dos, agenouillé devant le matelas, tapant du bout des doigts sur ton épaule pour l'inviter à s'y reposer. Elle ne pèse pas grand-chose, fine et fragile comme elle est. Tu as, de toute façon, déjà retourné de plus gros gaillards que ça.

Tout en douceur, tu la déposes dans le bassin à peine à moitié rempli. L'eau chaude s'imbibe rapidement dans la laine de ton manteau qui ne la pas quitté, et ça te préoccupe peut-être plus que ça ne le devrait. Tu ne trouves néanmoins pas le coeur de lui enlever.

C'est mieux, ici? Tu veux que je ferme la porte? Les hallu seront probablement moins fortes avec moins de lumières.

Sans attendre de réponse, tu pousses la large planche de bois d'un coup de pieds qui ne laisse entrer qu'un fin rayon dans la pièce. Drôle d'ambiance, hein? C'était définitivement pas le genre d'activité qui t'avais fait te déplacer jusqu'au Royaume de Coeur, mais la certaine quiétude qui régnait dans cette obscurité improvisait était aussi reposante, à sa façon.

Désolé, hein?

Son visage ne se décolle pas du tiens, et la pénombre te permet de ne pas constament te remémorer ce détail. La culpabilité, sûrement, aurait été trop grande. Dans l'obscurité, tu ne distingue que les forme, que le mouvement régulier des réflexion dans l'eau qui illumine le plafond. Et le bruit du robinet qui coule, indéfiniment, pour continuer de remplir le bassin, d'apporter un peu plus de chaleur au corps tremblant de la brunette.

Tu ne saurais dire si ce sont tes excuses, qui la fou rire, ou si c'est encore un effet de la poudre. L'intensité de son éclat te fait pencher pour la seconde option. Mélangé au hoquet répété, tu t'inquiète un peu de son oxygénation. Assez pour t'approcher. Assez pour que tu croises les  bras sur le bord de la baignoire, et y repose ton visage. Suivant attentivement les mouvements de Narcisse, de tes iris qui se font lentement à la faible luminosité.

Et encore, ils disent que rien n'égale la première dose.

Soupire amusé, son hilarité, bien que concernant, semble se partager d'une façon bien intrigante. Peut-être as-tu besoin, toi aussi, de faire redescendre la pression. Désagréable sensation que celle de se sentir si responsable, la boule au ventre t'était montée sans que tu ne t'en sois aperçu. C'est bien la dernière fois que je m'occupe du sort d'un de ces putain de junkies.

La plus part on l'air de bien aimé, pourtant. Je pensais te faire une fleur, mais j'imagine que la prochaine fois, j'amènerai un bouquet, comme tout le monde.

L'air toujours aussi attentif, aussi fasciné par ses mèches qui flottent dans l'eau, qui s'agitent à chaque fois qu'elle bat des cils, qu'elle se recroqueville un petit peu pour se réchauffer, tu retrousses les manches de ta chemise, avant de tremper le bout de tes doigts dans le liquide à ton tours, frôlant à l'occasion, la peau de son avant-bras.

Moi non plus, je l'ai pas trop bien prit pour être honnête. J'ai gerbé ma race sur mes chaussures, et tremblé de chaud pendant une bonne heure. Ca te fera au moins une bonne raison de rigoler.

Ses doigts attrapent les tiens, poigne fragile qui te fait frisson un instant. Remarque-t-elle, pour autant, les poils clairs qui se soulève sur tes avant-bras à son contact? Le froid qui se répand depuis sa caresse délicate? Il fait probablement trop sombre pour ça.

Mais elle refuse tes bouquets, et tu lèves les yeux au ciel. C'était plus une figure de style qu'autre chose, mais maintenant, tu te sentirais bête d'arriver les mains vides. Et comme un con de ne pas respecter la première envie que tu l'entends vocaliser. Tu pensais, pourtant, que c'était quelque chose qu'elle appréciait, au vu des fleurs qui décorait son espace de travail. Tu trouverais bien quelque chose. Quelque chose qu'elle n'avait pas l'habitude de recevoir... Mais ses rires et interrogations interrompent tes pensées.

J'ai l'air d'un idiot à tes yeux? J'ai pas eu plus d'envie d'en reprendre que tu dois en avoir maintenant. Mais vas pas raconter cette histoire, c'est mauvais pour le business.

Tu te reprend à en dire plus que ce que tu ne l'avais prévu. A te dévoiler un peu trop à ton goût, attiré par une candeur, une pureté qui te répulsais pourtant bien souvent. Trop éloigné de tes instincts. Trop loin de ta vision pessimiste. Pourtant, teintée d'une note de drame et de tristesse silencieuse, tu devais reconnaître apprécier la saveur chez Narcisse.

Et qui dit mauvais business dit plus mauvais cadeau. Et si ce n'est pas des fleurs que tu désires, qu'est-ce que c'est hm? Des bougies? Des livres?

Continues, Osvald, a stimuler son imagination loin des illusions que tu lui as accidentellement infligé. Continues de capter son regard, pour qu'il ne se perde pas sur les débris éparpillés qu'elle perçoit. Tu n'as pas d'autres moyen d'atténuer le pire moment du bad trip.

Tu fini, finalement, par lui rendre sa poigne, glissant tes doigts entre les siens, ta paume contre la sienne dans ce bouillon bien trop chaud pour ton corps déjà à température. Sent-elle la chaleur se propager, comme tu sens le froid se répandre le long de ton épiderme?  

Tu lis quoi, d'habitude?

Tu ne sais pas à quoi tu t'attendais, Oz, mais Science Fiction n'était pas la réponse à laquelle tu étais préparée. Peut-être imaginais-tu qu'elle lisait des bouquins à l'eau de rose, parce qu'il y a toujours cette idée un peu macho au fond de toi que c'est ce qu'aime les nana. Mais tu aurais du deviner que depuis le temps où elle vendait son corps, l'amour comme décrit dans ces ouvrages avait perdu de sa saveur.

Elle te retourne la question, et tu ne sais pas vraiment comment y répondre. T'as cette fâcheuse manie de lire un peu n'importe quoi, n'importe quand, sans vraiment prêter attention au sujet. L'information c'est le pouvoir, n'est-ce pas? Et tu t'en as jamais assez.

Ce qu'il me passe sous la main. Rarement des fictions, cela dit, mais celui que j'ai dans mon sac te plaira peut-être.

La tête se soulève, le temps de libérer un instant le bras sur lequel elle reposait. La baignoire est presque plein, et le bruit de l'eau qui s'abat dans l'eau commence à t'agacer. Ca fait beaucoup de bruit de fond, avec les rires quasi ininterrompus de la jeune femme. Il te faut te hisser un peu plus sur tes genoux pour atteindre le robinet, surplombant le visage fatigué de Narcisse, qui visiblement se lasse des effets qu'elle ressent.

Aussi longtemps que durera cette conversation. Où est-ce dans l'autre sens?

Tu souris, Osvald, mais de plus en plus, tu t'inquiètes, toi aussi, du temps que ça va prendre. Tu ne veux pas faire patienter Absinthe trop longtemps. T'as trop besoin de ses commandes. Le produit est nouveau, et tant qu'il ne se sera pas mieux rependus dans Wonderland, la Chenille restait de loin celle qui permettait de faire tourner le labo.

Mais ça n'a pas d'importance, si Time ne nous a pas dans ses bons papiers.

Elle non plus, n'a probablement pas de temps à perdre. Benvolio attends sûrement de ses employées qu'elles tournent plus vite que ça, et cette longue pose n'était, tu pensais, certainement pas prévu dans son agenda. Allait-il lui demander de se dépêcher de se remettre au travail, quand elle sortirait d'ici, alors que les effets ne seraient pas encore tout à fait expiés de son corps?

Tu continues de jauger la brune, étrangement positionné au dessus d'elle, appui réparti entre la tuyauterie et le rebord du bassin. Qu'est ce qui a changé, entre le moment où tu appréciais tant de marquer sa peau, d'y enfoncer dents et griffes, et te délectais des notes tourmentées dans ses geignement, et cet instant où tu sentais ton estomac se resserrer en témoignant simplement de son mal-être?

En tout cas j'espère que tu ne me facture pas. Pire rentabilité.

Tu plaisantes, Oz, alors que t'assois sur la bordure de la baignoire, mais tu sais déjà que la première choses que tu ferais en sortant de là serait de laisser une liasse sur le bureau du taulier pour qu'il te la garde jusqu'au petit matin. Mais quand tu la regarde de haut, les jambes croisées et doigts tapotant sur la paroi en céramique, le regard imitant la dépravation de quand tu étais arrivé, tu doutes qu'elle ne puisse le savoir.

Tu balaies sa question d'un clin d'oeil amusé. "Surprise", murmures-tu. Lui donner quelque chose pour à convoiter, même si les étoiles sans les extra-terrestres ne l'intéressaient pas. L'ignorance permettait, au moins, de maintenir la curiosité.

Tu te laisses pencher légèrement en arrière quand elle confirmer qu'elle ne te feras pas payer, immitant un soulagement exagéré, la tête basculant avec la courbe de ton dos. Les reflets de l'eau sur le plafond, réguliers et aléatoires ont ce côté reposant, apaisants, dans cette étrange situation. Jamais tu n'aurais dû t'y laisser prendre, et jamais plus tu ne te reprendrais à te soucier du sors de tes clients. T'as ce besoin de rester détaché des autres. Tu sais plus vraiment pourquoi, pour être honnête. Tu soupçonnes ça de venir de ta vie d'avant, mais la raison, en somme, t'importe peu. L'habitude de rester superficiel dans tes relations, dans tes amitiés, elle est trop bien ancrée pour qu'elle ne soit pas devenu une partie de toi dont tu as du mal à te détacher. Pour que tu te souvienne de la façon dont on fait, pour réagir de façon appropriée à cette inquiétude bienveillante.

Mais sa dernière remarque, après un énième éclat de rire, t'interpelle. Tes désirs font désordre, Osvald. Ton expression se mue d'une façade désabusée en une risette tant surprise qu'approbatrice. Le léger sursaut amusé qui l'accompagne sert de première réponse, avant les quelques secondes de silence que tu imposes. Trop de questions suivent à cette évidente constatation.

Lesquels, darling?

Ces folies de grandeur? Oui, certainement, quand tu n'as que si peu  d'expérience dans un monde peuplé d'immortels, d'être qui ont pu voir la naissance du temps et sa disparition. Qui ont oublié la mort, et des souvenirs qui dureraient plus longtemps que toute l'existence que tu as déjà vécu. Qui ont dix fois ton expérience dans ce monde sans queue ni tête.

Mais aussi ton envie, inhabituelle peut-être, d'un échange plus profond que tu n'en as eu jusqu'à présent, quand tes mots cherchent déjà à monter ces habituels remparts avec l'extérieur. Désordre, tu l'as dit, en plein milieu de cette période où l'image que tu forges de toi auras tant d'impact sur la façon dont tu seras perçu par ceux qui sont censés d'accompagner pour les siècles à venir. Ces même personnes dont la dangerosité n'est plus à prouver. Et si tu dois reconnaître ton penchant pour la violence, Oz, elle ne reste pas ton arme de choix. Tu aimerais être plus patient, et pouvoir prendre le temps de réagir de façon plus froide et pausée, mais ton sang-chaud a tendance à te mener sur cette voix, que tu vas inlassablement suivre pour t'imposer dans ce monde que tu as choisi.

Il y a aussi, évidemment, ce désir de désordre. De voir le monde brûler sous tes yeux, ne serait-ce que pour voir ce que ça donne. Pour pouvoir essayer autre chose. Pour expérimenter, qu'importe quoi, à grandeur nature, sur une page blanche.

Ou sent elle ta curiosité, Oz? Celle que tu nourris chaque seconde un peu plus à son égard. De ce qui se cache derrière le reflet bien poli de Narcisse, même quand elle semble perdre l'esprit. Toi qui est si avide, Osvald, tu ne peux te résigner à penser qu'elle n'a aucun souhait, aucune préférence, aucune volonté. Et tu veux savoir, au fond, ce qui l'anime, ou pourrait l'animer.

Montres-toi spécifique, car j'ai bien plus d'un désir dérangeant.

Pourtant, malgré toutes ces ambitions, tu t'amuses à en forger un de toute pièce à lui montrer. Un qui ne te fasse pas honte, Oz, ni qui ne t'attirerais d'ennui s'il venait à être discuté. Un pour lui rappeler que malgré tes attentions, tu restes celui qui l'a mit dans cet état. Ta main se libères de la sienne d'un revers de paume, glissant sur son épaule, l'indexe sous sa bretelle, poussant le col du manteau qui la couvre plus loin sur sa clavicule. Et tu te demandes si elle sentira ce contact, sur un corps qu'elle pense effondré depuis si longtemps. S'il la réveillera de cette illusion. Et s'il elle verra clair dans ton jeu.