Les mois se suivaient et se ressemblaient, sans que rien ne changeât.
Tout s’était enchainé à une telle vitesse ; la brune ne savait même plus où donner de la tête. Le côté positif : être occupé l’empêchait de gamberger. Chez beaucoup, l’accalmie était salvatrice, chez Crowe elle était dévastatrice. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, elle ne s’épanouissait que dans le feu de l’action. Il n’y avait rien de mieux pour échapper à ses tourments, que son ouvrage en tant que mercenaire de la brigade fantôme.

Le plus difficile, ce n’était pas ses traques, ses assassinats, toutes les tâches qu’on lui confiait ; non, le plus difficile, c’était l’instant où l’agitation prenait fin, la quiétude. Et à cet instant, le vacarme assourdissant de ses pensées envahissait son esprit, le gangrenant petit à petit, si bien que seul le fait de rester active pouvait calmer le bruit. Même si ce n’était l’affaire que de quelques heures. Tout était bon à prendre. Elle enchaina les exercices, musculation, cardio, rien à faire, impossible de faire taire cette cacophonie.

L’odeur de sa propre sueur lui arracha une grimace de dégoût, étrange, elle y était pourtant habituée, c’était son propre corps après tout, normalement, rien de disgracieux. Elle se glissa dans un bain, mais rien à faire, rien, non, absolument rien ne pouvait la détendre.

Après tout… comment pouvait-il en être autrement ?
Ce n’était pas un « quoi » qui occupait son esprit.
Plutôt un « qui » … et ça, c’était bien plus compliqué à éluder.
Si bien que la brune se rendit rapidement à l’évidence : il fallait prendre le taureau par les cornes.

Et c’est ce qu’elle fit.
De l’une de ses plus belles parures, elle se vêtit. Une tenue nippone, bien évidemment, les habitudes ont la vie dure. Mais cette pièce était particulièrement chère à son cœur. Noire de jais, bordée de motifs floraux indigo, deux couleurs que même sa chevelure arborait. Celle-ci, coiffée dans le chignon le plus raffiné qu’elle savait faire, laissa toutefois quelques mèches rebelles se balader sur son visage, parce que malheureusement, tout ne pouvait pas être parfait.

Contemplant son reflet dans le miroir, Crowe eut alors une réflexion… ma foi, bien à elle.
Je me comporte comme une petite pucelle qui espère se faire déflorer par son prince charmant au bal du village. Il m’arrive quoi exactement ? C’est qu’une visite de courtoisie pour parler du bon temps, reprend tes esprits merde !

Le bon temps oui.
Un passé commun qu’elles partageaient, elle et Lilith.
Et trop de temps avait passé sans que Crowe n’ait pris un moment pour lui en parler.
Et aujourd’hui, elle s’en allait rectifier le tir.

Le chemin vers son foyer fut long, douloureux… presque lancinant. La brune trainait des pieds, grommelait, fronçait les sourcils de colère. Sa propre attitude la rendait presque hystérique. Quel dommage, elle qui était si pimpante, elle gâchait tout avec sa tête d’enterrement. Impensable d’afficher pareil facies devant la numéro deux de la brigade. Inconcevable.

Elle secoua la tête, comme si ce simple mouvement allait chasser le bourdonnement dans sa tête, comme il chasserait celui des insectes tournant autour de son minois. Mais non, bien évidemment cela n’arrangea rien. Et vint le moment, où elle se retrouva devant… cette porte ; sa porte.

─ Ok petite pucelle, tu n’es plus une petite fille hein. S’agirait de se comporter comme tel. Qu’est-ce qui peut bien arriver de grave après tout, ce n’est pas comme-ci… la porte s’ouvrit, le visage du numéro deux rentra dans le champ de vision du numéro trois. Et là… comme-ci tu t’attendais à une petite visite de ma part hein ? Rire nerveux, la brune avait envie de se mettre une gifle, mais elle se retint, puis reprit sa contenance du mieux qu’elle put, avant de reprendre : surprise ! Toi et moi, on a des choses à se dire.

Ah ouais, cash.
Ça démarre fort.

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Sans broncher, Crowe pénétra dans la demeure de sa camarade de la brigade fantôme, décidant par la même occasion de garder le silence, préférant se focaliser sur ce qu’elle voyait à l’intérieur. Elle peinait à se rappeler si elle avait déjà mis les pieds ici.

Elle conclut que finalement, cela n’avait aucune importance. La seule chose qui l’était en revanche, c’était d’être seule à seule avec elle. Et la traqueuse se maudissait presque de ne pas avoir pris l’initiative avant ; surtout dans la mesure où cela faisait plusieurs mois qu’elle avait rejoint cette nouvelle « bande ». Et tout ça grâce à qui ?

Grâce à celle qui s’étonnait de recevoir la visite de la bretteuse pardi ! Et lorsque Lilith abandonna brièvement son invitée pour aller chercher de quoi boire et manger, celle-ci, toujours aussi insolente, et cette fois sans tonalité particulière dans la voix, rétorqua :

─ C’est le principe d’une surprise que de ne pas annoncer sa venue, tu sais ? Dit-elle avec un air sarcastique collé à son visage, sachant pourtant pertinemment que son acolyte ne pouvait le voir. Puis elle reprit : tu peux m’expliquer pourquoi ton sol a une odeur de thé ?

Rien ne lui échappait.
La moindre anomalie que ses sens captaient, Crowe se devait de la relever. C’en était presque maladif, sa curiosité ne connaissait aucune limite. Mais ça, Lilith devait être habituée depuis le temps. Après tout, elle fut la première à découvrir tout ce dont la traqueuse était capable.

Elle fut même la première qui l’aida à appréhender son don. À vrai dire, il y a beaucoup de choses que l’enfant qu’elle était à l’époque avait découvertes grâce à la princesse de glace. C’était ainsi que l’épéiste appelait Lilith… quand celle-ci n’était pas dans les parages, évidemment.

Cependant ; si la seconde de la brigade avait été celle qui avait découvert les prémices des possibilités qui s’offraient à Crowe grâce à son don ; elle ne fut pas celle qui l’aida à pousser sa maitrise à des hauteurs que même la bretteuse ne pensait pas atteindre.

Lilith avait connu la petite larve, la petite chenille ; ce qu’elle avait maintenant en face d’elle était une créature qui avait depuis longtemps, dépassé le stade de la chrysalide. Elle avait en face d’elle, un vrai papillon. Moth… ; mais quand bien même, pour cette beauté glacée, la petite fille qu’elle connut auparavant, répondait toujours au nom de…

« Cela faisait longtemps, Lotus. »
Crowe soupira longuement, un sourire amusé s’étira alors sur ses lèvres, puis elle répondit :
─ Lotus… la bretteuse fronça soudainement les sourcils avant de reprendre : Lotus, Crowe, Moth… tu as l’embarras du choix et le tien se porte sur le sobriquet de la petite fille que j’étais quand tu m’as recueilli. Qu’est-ce que je dois en conclure ? Que tu me vois encore comme une gamine ? Le poing de la brune se serra alors, sans qu’elle ne puisse réellement expliquer ce qui la frustrait. Essayant de calmer ses ardeurs du mieux qu’elle le put, elle reprit : Je… excuse-moi. Tu m’accueilles avec hospitalité et moi je fais l’ingrate. Tu as raison…

Dans un élan soudain de tendresse, la brune enlaça Lilith, réfugiant son visage dans sa nuque, comme elle aimait le faire lorsqu’elle était enfant ; réminiscence d’une période qui était à la fois si lointaine et paradoxalement encore si fraiche dans l’esprit de la traqueuse.

─ Oui, ça faisait longtemps… j’aurais dû venir te voir plus tôt. Tu me pardonnes ?

Crowe avait bien grandi, cela ne faisait aucun doute.
Mais jamais elle n’avait oublié.
Pas un instant elle avait oublié le nom et le visage de celle qui lui avait sauvé la vie.
Et enfin, enfin, elle était seule à seule avec elle.  

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L’instant était… enivrant.
Sans qu’elle puisse expliquer pourquoi un flux d’émotion à la fois agréable et contradictoire envahit la brune. Heureuse et triste en même temps. Bien entendu, retrouver Lilith après tant de temps lui faisait beaucoup de bien… mais dans un sens, elle était aussi frustrée. Sans doute qu’elle n’avait pas apprécié d’entendre que sa princesse de glace voyait toujours en elle l’enfant qu’elle avait recueillie. Pourtant, les mots n’avaient rien de sarcastique, au contraire. Au mieux, ce fut simplement la nostalgie qui parlait.

Mais Lilith, elle, ne savait pas ce que « Lotus » avait enduré. Elle avait connu la petite fille, voyait la femme… mais d’aucune façon elle ne pouvait imaginer le chemin que la traqueuse avait parcouru pour en arriver là. Et c’était injuste, injuste pour la princesse de glace que Crowe lui en veuille pour cela. Mais la tueuse à la chevelure ébène et indigo n’était pas toujours rationnelle ; de la perfection, elle en était à des années-lumière.

Mais elle savoura cette étreinte, elle sourit même lorsqu’elle entendit qu’elle lui avait manqué. Elle aurait aimé lui dire à quel point c’était réciproque ; mais en avait-elle vraiment besoin ? Ses actes avaient bien plus d’impact que ses mots. Elle imaginait Lilith capable de le comprendre ; elle la tenait toujours en haute estime.

Et la princesse de glace avait raison.
Le chemin parcouru avait été riche en émotions. C’était même un doux euphémisme.
Si bien qu’elle ne le réalisait peut-être pas encore.

Mais elle allait probablement le comprendre bien assez tôt. Tout en passant une main dans sa chevelure, Crowe quitta sa nuque pour regarder son visage, l’observant sous toutes les coutures. Elle se fit d’ailleurs une réflexion : toujours belle. Une beauté à la fois froide et chaleureuse. C’est étrange… pour moi elle est restée la même que dans mes souvenirs, mais, même à l’époque, je ne savais pas tout d’elle. Il semble que maintenant c’est réciproque. Elle déposa un baiser sur son front, puis alla s’installer dans son fauteuil, s’abreuvant de sa tasse de thé, ne voulant pas laisser le breuvage refroidir.

─ Tu m’as manqué aussi… Lilith.
Prénom qui s’échappa des lèvres, dans un murmure, comme si elle voulait l’appeler autrement. Comment cela dit ? Une question à laquelle même la traqueuse n’avait pas encore de réponse. Il y a une interrogation en revanche à laquelle elle pouvait répondre :

─ Riche en émotion, en histoire. Tu ne crois pas si bien dire. Elle se leva alors d’un bond, défit le katana toujours attaché à sa ceinture et le posa près du feu. Elle revint ensuite s’assoir, montra l’arme du doigt et reprit : s’il pouvait parler, il en aurait des choses à te dire. Sur ce que j’ai enduré. Sur le chemin parcouru. J’en garde des traces jusque dans ma chair. Tu disais quoi déjà ? Ah oui… je reste la même enfant… sa tête se tourna alors vers Lilith, elle la toisa du regard quelques instants avant de conclure : tu es sûre de ça ? Je pourrais te montrer le contraire, ici et maintenant. Elle se ravisa ensuite : mais non, nous avons tout le temps pour ça.

Toujours frustrée.
Lilith n’y était fondamentalement pour rien, elle disait probablement ce qu’elle pensait, ce qu’elle observait. Mais à bien des égards il était possible pour elle de se fourvoyer. Et bien que la brune n’osât pas lui dire, c’était finalement le fond de sa pensée. De la petite « Lotus » ; il n’en restait réellement qu’un souvenir. En tout cas, c’est ainsi que Crowe le voyait.

─ Enfin seules toi et moi… après tout ce temps. Un soupir s’échappa de ses lèvres, avant de reprendre : je sais, je sais, tu dois avoir une ribambelle de questions, moi aussi. Alors qui commence ?

Parce qu’un peu de courtoisie ne faisait pas de mal non plus, la traqueuse lui laissa le choix.
Et bien qu’à l’intérieur, brûlait en elle un feu dont elle ne connaissait ni l’origine ni pourquoi il lui faisait aussi mal, elle était toujours aussi calme et nonchalante.
Affalée sur le fauteuil, le regard dans le vide.
Elle attendait que Lilith brise le silence.  

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Elle avait raison. Crowe, malgré ce qu’elle ressentait pour Lilith avait pourtant coupé les ponts avec elle. Elle avait été chérie, dorlotée, logée, nourrie. La dame aux cheveux blancs avait sauvé sa vie. Pour elle, la traqueuse n’était pas un déchet à jeter à la poubelle, mais une vie précieuse qu’il fallait préserver. Et pourtant, la brune aux reflets indigo avait été ingrate. Elle disparut sans laisser de trace.
Elle l’abandonna, prise sous l’aile de son mentor, Kiyoshi.

Et Lilith était blessée, profondément.
L’épéiste le savait ; la princesse avait beau être de glace, elle ne pouvait pas maitriser toutes les réactions de son corps. Elle ne pouvait échapper à l’emprise qu’avaient les sens de son homologue sur les autres, ne pouvait empêcher les irrégularités de son rythme cardiaque, l’infime tremblement dans sa voix. Crowe captait toutes ces informations, rien ne lui échappait désormais… plus comme avant. Le reste… n’était qu’une question d’interprétation, de déduction.
Une question d’expérience.

Et elle partagea cela avec la seconde de la brigade. Sans ambages, sans embellir. Elle lui servit une vérité nue, vierge du moindre artifice ; parce qu’elle avait confiance en elle.

─ Lorsque Kiyoshi m’a pris sous son aile… j’étais loin de m’imaginer ce qui m’attendait. J’ai été rouée de coups, humiliée, poussée à bout.  Il voulait voir si j’allais me briser en mille morceaux ou bien résister. Il voulait voir si mon envie de vivre était plus forte que tout le reste. Aucune émotion dans la voix, pas un tremblement, pas un vacillement. Mais son cœur tambourinait contre sa poitrine, comme s’il voulait en sortir. Les souvenirs étaient douloureux. Gravés par la souffrance, dans son esprit, son cœur, son corps. La traqueuse continua son récit : il m’a presque tout appris. Ce que tu n’as pas eu le temps de m’inculquer, il l’a fait. Me battre, traquer, bien m’habiller, bien me comporter. Il m’a transmis un héritage, que j’étais censée transmettre à mon tour.

Le poing se serra alors. C’était à ce moment précis que tout avait vacillé. L’équilibre déjà précaire s’était rompu lorsque sous le poids des responsabilités, Crowe préféra lâcher du lest. Elle reprit alors, toujours dans son unique façon de s’exprimer :

─ Mais moi… j’avais d’autres projets. Et pire encore, pendant que je grandissais, que je murissais ; quelque chose naquit en moi. Quelque chose de sombre, de dangereux. Mon monstre. Dans un long soupir, la bretteuse s’enfonça un peu plus dans son fauteuil pendant qu’elle continuait son discours : la première fois qu’il est sorti de sa cage… je m’en rappellerais toute ma vie. Nous étions dans le royaume de la reine écarlate et nous avons été pris dans une embuscade. Je n’ai pas réfléchi, j’ai dégainé mon katana et… je les ai tous massacrés. Ce fut chaotique, sordide, mais surtout… et dans un soupir de félicité, la traqueuse montra alors son vrai visage : ce fut tellement bon. Je n’ai jamais ressenti quelque chose comme ça ; mais c’était aussi bon, même meilleur qu’un orgasme.

La petite avait bien grandi en effet.
Crowe n’était plus la protégée de Lilith. Elle n’avait plus besoin d’être sauvée… c’était elle qui faisait naître le désespoir dans le cœur des autres. Elle qui faisait naitre la peur. Elle qui s’en délectait de la voir tordre le visage de ses ennemis. Elle qui s’amusait à ôter la vie pour combler ses pulsions meurtrières.

─ Après cela, Kiyoshi ne me voyait que comme un monstre assoiffé de sang. Il avait oublié l’élève que j’avais été. Ne voyais plus l’adolescente. Alors, je me suis émancipée de ses apprentissages et de sa compagnie. Tout le reste n’a été que le désir furieux de nourrir le monstre, essayant de maintenir un équilibre… que j’essaye de prolonger du mieux que je peux. Mais je n’ai pas honte d’être ce que je suis. Je ne sépare plus le monstre de ce que je suis. Je suis à la fois Moth & Crowe. Le monstre… et la femme. Satisfaite ?

Laissant planer le silence, laissant Lilith digérer toutes ces informations, la brune, bascula sa tête en arrière, la laissant se reposer. Elle ferma les yeux et attendit. Sagement.
Elle patienta de voir comment sa princesse de glace, réagirait quant à son histoire.
Elle la voulait, la voici.  

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Sur de nombreux points, Lilith frappait juste.
Crowe malgré ses pulsions meurtrières, malgré les nombreuses cicatrices jonchant son épiderme blanchâtre, malgré ce monstre enfermé en elle ; elle était devenue une belle femme. Suffisamment forte pour affronter les dangers de ce monde, suffisamment charmante pour plaire à certaines personnes. Oui elle avait bien grandi.

Et Kiyoshi n’a jamais su l’aimer pour ce qu’elle est.
Il en avait honte. Quant à celle qui lui tenait compagnie, il n’en était rien, bien au contraire. L’amour d’une mère était donc plus fort que tout ce qu’elle avait envisagé ? Comment pouvait-elle le dire avec une telle certitude ? Elle qui avait été abandonnée par ses parents biologiques. Et pourtant, sa mère adoptive lui ressemblait plus qu’elle n’osait même l’admettre.

Et lorsqu’elle-même lui compta son récit, éludant du mieux qu’elle le put les détails, Crowe ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle aurait aimé être là avec elle pendant cette période. Elle aurait aimé rejoindre la secte en même temps qu’elle, devenir membre de la brigade à force de progresser pour suivre ses pas. Mais malgré les chemins différents qu’elles avaient empruntés, ceux-ci se rejoignaient enfin. Et la traqueuse en était heureuse.

Heureuse, mais pas dupe pour autant. Ce dont sa mère adoptive parlait ; Crowe ne pouvait dire qu’elle ressentait la même chose. Elle l’entendait parler d’une cause, d’une famille qu’elle avait rejointe. La bretteuse était loin de ressentir les mêmes choses ; et pourtant elle était bien là elle aussi. Mais ses raisons de rester n’étaient pas les mêmes.  

Et comme à son habitude, elle fut honnête et directe à ce sujet :
─ Une famille. Une cause à servir. Un petit rire lui échappa : j’aimerais pouvoir dire que je ressens la même chose que toi. Mais je n’ai jamais aimé mentir. La vérité c’est que je suis là pour servir mes intérêts et ceux des ombres les rejoignent. Ni plus ni moins. Avec vous je peux être ce que je suis et ne pas réprimer mes envies. Tout en regardant sa princesse de glace droit dans les yeux, elle poursuivit : mais je suis heureuse d’être là. Heureuse d’avoir de nombreuses raisons de rester : toi, une certaine dame aux araignées que j’apprécie tout particulièrement, Judas. Je ne sais pas si un jour je vous considèrerais tous comme une famille… mais ça doit probablement être ce qui s’en rapproche le plus.

Et Crowe n’osait dire alors quelque chose qui lui tenait pourtant à cœur. N’osait dire qu’elle ne voyait plus Lilith comme une mère, mais une femme comme une autre. N’osait dire que dans d’autres circonstances… leur relation aurait pu être bien différente. Si la princesse des glaces voyait en la bretteuse une enfant ; il n’en était rien pour l’intéressée.

Mais ça, elle le garda pour elle.
Ne voulant pas gâcher ce moment.
Crowe avait définitivement bien muri.

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