ici le jour la nuit tout est noir. tout tire vers le sombre le dérangé et l'aliéné ; on prend tout ce qu'il y a de mauvais pour l'empirer. selene avant s'y plaisait. maintenant selene y survit ; parmi les morts elle se sent respirer et les derniers souffles des enterrés viennent alléger ses pas inquiets. dans le sombre bleu elle aperçoit un bout de lumière incandescent et le vilain petit canard s'y jette

elle essaie tant bien que mal de dissimuler son sourire à la vue d'anaël « je vis ici parce que celui que j'aime est ici » alastor
« quelque fois les meurtres sont sanglants mais depuis qu'on a le contrôle de la ville on a plus besoin de démonstration de force » et selene était l'une des plus virulentes, ses meurtres étaient les plus enragés et elle avait tourné le meurtre en une expression de l'Art qu'on pourrait vénérer. aujourd'hui selene prend la poussière et dépérit
elle attrape le bras d'anaël et monte à son tour sur l'arbre. quand le garçon remonte elle lui vole la cigarette d'entre les lèvres et l'apporte aux siennes « tu as raison : halloween city m'ennuie » selene fait glisser ses doigts sur la joue du garçon et suppliante elle expire la fumée « mais dis moi, toi qui sors tout le temps, qu'est-ce qu'on raconte en dehors d'ici? qui as tu vu? qu'as tu vécu? » et puis elle lui ajoute doucement « dis, quand tu repartiras, tu m'emmèneras avec toi ? »

en entendant anaël parler selene affirma ses craintes. elle ne vivait plus à halloween city ; tout ce qu'elle faisait n'était que s'infliger un long suicide, une agonie qui lui semblait ne jamais prendre fin (elle en pleurerait) et selene finit par se laisser tomber le long de l'arbre ses jambes comme seules attaches
ses mains se perdent dans le plus loin tandis que sa chevelure s'écoule en cascade ; c'était un spectacle gracieux mais déprimant mais selene se plaisait à plaire dans sa tristesse

elle redouble de force sur sa voix pour se faire entendre d'anaël « quand je n'aurais plus rien à faire ici avant un moment » elle colle son poing contre sa poitrine et, toujours tête en bas, selene regarde au loin
« alors là je partirai avec toi » elle sourit mais ses lèvres sont teintées d'une rage muette « et ça ne sera que toi et moi, sans lui et sans personne » selene voudrait revivre pour elle et par elle-même ; elle qui s'est tue et tuée pour lui pendant tant de temps. quand le sang lui remonte trop à la tête selene se redresse et tout aussi joliment elle retrouve place aux côtés d'anaël, lui dérobant la cigarette, aspirant une dernière fois dessus. il n'en restait plus rien et elle jeta le mégot quelque part dans le noir
« ça sera un sacré spectacle » lui qui raffolait tant de l'action et elle qui crevait d'envie d'attention « où est-ce que tu m'emmèneras pour commencer ? »

son cœur bat mais c'est la seule chose qui garde selene en vie. une seconde elle trépasse et celle d'après elle renaît ; selene est fatiguée de ce cycle infernal et elle aimerait juste se couvrir d'un manteau de plumes et enfin devenir cygne danser sur un lac gelé : tuer le vilain petit canard
elle sourit à anaël ; tâche de rester en vie pour lui (et lui pour sa promesse envers elle) « ça sonne bien » elle se jette de l'arbre et se rattrape sans difficulté en s'approchant du garçon « je veux voir les décors oniriques comme on les voit dans les tableaux ; les palais les plus beaux et les cascades les plus violentes »

selene en tuera la beauté de chacun de ses paysages, dans sa rage et sa passion elle ensanglantera chacun de ces lieux et sabotera chacun de ces recoins « laisse moi un moment » elle fait mine de penser mais selene depuis trop longtemps ne sait plus connecter ses neurones (elle disjoncte) « je- je ne sais pas » elle pose un regard éteint sur anaël et on y lit toute sa détresse

mais selene pourquoi s'étonne-t-elle d'être détraquée après tant d'années à se bousiller ? « je ne sais pas où je t'emmènerai parce que je ne sais même pas où je m'emmène » selene a des désirs mais aucun désir de les réaliser « peut-être près d'un lac et on ira nager ou bien au lagon des sirènes pour les égorger » elle se calme « je veux juste vivre ou mourir anaël ; je ne supporte plus d'être entre les temps tout le temps tu comprends ? »

selene a égoïstement envie qu'on l'aime ; s'il faut qu'elle en crève elle en crèvera et s'il faut qu'elle en vive elle en vivra mais elle souffre de cet entre-deux. elle aimerait qu'on décide pour elle parce qu'elle ne veut plus faire de choix mais refusera toute proposition qui n'est pas sienne « je veux ... vivre je crois »
elle veut se perdre dans l'univers et prendre place parmi les étoiles, elle veut ressentir les frissons de l'action et goûter encore le goût métallique de l'hémoglobine sur sa langue, elle veut qu'on l'aime qu'on l'adule et qu'on l'adore et il faut vivre pour tout ça ; anaël le sait car anaël le vit. elle s'empile un petit tas de poudre blanche puis humidifie son majeur avant de le plonger dans la pyramide. elle apporte son doigt recouvert entre le creux de ses lèvres et sent son palpitant accélérer et ses pensées fuser « oui je veux vivre » elle s'emballe et trépigne puis se met à crier de plus en plus fort, ses mots sont entrecoupés par des rires nerveux, comme presque forcés « je veux vivre ! je veux ressentir quelque chose n'importe quoi ! je veux me sentir e-xi-ster ! »

puis elle reprend ses esprits selene s'adosse à l'arbre et jette un regard à anaël « anaël qu'est-ce qu'il y a à aimer chez moi ? »