C’est à l’aube des années quatre-vingt-dix aux États-Unis qu’Ace a vu le jour dans une famille brisée (à vrai dire il n’aurait jamais dû le voir, ce jour)
Père et mère se disputant sans cesse, père et mère s’échangeant les coups comme on s’échange des lettres
Mais maman pourtant si affectueuse avec lui qu’on lui pardonne presque tout
(envahissante, possessive)
Et papa presque en retrait qui ne peut que bouillonner de rage
(rage de ne pas pouvoir avoir son fils pour lui)
le bain toxique dans lequel il baigne corrompt le cœur et détraque l’esprit
(Ace au centre des disputes n’a jamais pu se construire correctement)

Papa qui nous fait entrer dans la boutique familiale : sous nos yeux émerveillés s’étalent monts et merveilles de la flore ; et maman, à côté, qui sourit, vient aux côtés de papa et ensemble lui apprennent les secrets des plantes, à la fois remède et poison, un livre sur les genoux
lui destiné à reprendre les affaires familiales
et leur sourire sur leurs visages si apaisés le marquent à jamais : ce sont les seules fois où ils ressemblent à une véritable famille
(les seules fois où papa et maman semblent heureux
les seules fois où ils semblent vraiment s’aimer)

Un chauffeur qui perd le contrôle de son véhicule et ah ! voilà la tragédie aux talons carmin qui arrive aux côtés de la mort en longue robe noire
Encore un qui fera la une des faits divers des journaux
Encore un qui sera oublié aussi vite que son existence
Encore un qui a été tué par le remord et la confusion

Il a le vague souvenir d’être mort mais peut-être pas, finalement
(il ne sait pas)
puis bien vite la surprise laisse place à l’émerveillement
se surprend à aimer et
Ah ! jamais plus je ne reviendrais d’où je viens
Puis peu à peu la brume vient flouer les contours et
Ma vie d’avant, n'est-ce pas un rêve, finalement ?

Il contemple le terrifiant oubli qui grignote son être jusqu’à être rassasié et le voilà pris d’une terreur soudaine – se cache derrière le masque de la désinvolture pour oublier la chose qui le ronge encore et encore jusqu’à ce qu’il trépasse enfin pour de bon
(une deuxième fois)
Il aime dire qu’il s’en fiche, que ce n’est pas si grave d’oublier jusqu’à son nom complet, tant qu’il peut rester
(mais au fond n’en sais rien et ne saurait dire si c’est l’oubli qui le tue ou ne pas savoir ce qu’il deviendra s’il oublie qui l’effraie le plus)
((peut-être est-ce un peu tout))

C'est vague c'est flou mais on sait pourtant qu'on veut simplement
s'amuser
on s'émerveille sur tout et on répand le chaos un peu malgré nous
((mais qu'importe car n'est-ce pas dans le désordre que se cache le plus amusant des jeux ?))

Sa mère l’a manipulé pour qu’il empoisonne son père sans qu’il n’en ai réellement conscience – n’a compris que trop tard ce qu’il avait fait et c’est avec le poid du regret qu’il est sorti de chez lui pour s’aérer l’esprit
(hélas à ce moment la mort viens nous arracher l’âme
et on n’a jamais su que papa s’en était sorti)