dans ses yeux qui la maudissent d'être fausse envers elle-même, rose croyait presque pouvoir aimer son reflet. si élégante dans son désarroi, pourtant pathétique dans ses désillusions... la lame de pressant doucement contre son cou la contraignait cependant à ne plus penser pour agir. le poignet se baisse, l'arme avec, mais son regard reste hautain. en tête à tête avec ce monstre qui se jouait d'elle, et il s'y plaisait. maître incontesté des fourberies les plus sombres, sans doute père lui-même de trop de bassesses en ce monde.

mais rien, que ce soit le caractère ingrat de ses actes ou l'audace détestable de sa prestance, ne l'énervait plus que d'entendre son prénom si joli sortir d'une bouche si immonde. c'est comme si son timbre de voix faisait tomber ses épines, alors que, mature dans sa floraison, elle se croyait assez piquante pour qu'on n'ose pas effleurer ses pétales.

mais ses mains voyageaient sans limite. son impudence aussi.

« je le graverai sur vous, « mademoiselle jacquet ». »

sans baisser son regard rose range la dague dans sa poche droite, puis elle retire, et laisse tomber au sol ses gants noirs. haineuse. car il l'a surplombe, à juste titre. car elle est si faible dans cette ville où règnent les monstres. son sang parlant le long de ses poignets, elle prit le temps de le répandre sur ses deux mains. une caresse sur ses joues, et elle en laissa même la trace dans ses cheveux tandis qu'elle les attachait par la suite à l'aide d'un élastique ensanglanté. pour parfaire sa macabre peinture, rose malgré elle, venu même saisir les mains de sir faustian, y laissant trainer son sang.

dans son dos respirait difficilement un homme échoué, le nez coulant, probablement une côte cassée... mais rose voulu retenir le visage de celui qui l'avait corrompu en cette désastreuse soirée. et le duper.

levant sa main blessée vers sa joue, elle hésita. la peur d'échouer, les reproches possibles, sa colère toute entière sur la fragile menteuse qu'elle était... de son regard soutenu où s'était encré le sien, rose lui somma d'oublier. sa paume posée contre lui, tâchant le col de son vêtement, rose lui vola cet instant où il avait martelé avec aisance, le corps d'un ivrogne.

elle voulu qu'il la croit capable de violence envers n'importe qui, alors qu'elle n'espérait que le tuer lui.

de quoi pourrait-il l'accuser, après tout ? derrière elle traine un dépravé marqué de coups et se sang. devant ses yeux à lui, se tenait une femme sali de rouge, l'air désemparée. s'il ne l'a croyait pas quand elle se dira coupable, comment prouver qu'elle ne l'est pas ?

« monsieur faustian... de tous c'est vous que je veux violenter le plus. » elle essuya d'une main ensanglantée les larmes que la peur d'être prise à son jeu lui provoquait. « si je le frappe d'avantage c'est moi-même que je finirai par tuer. » glisse ses mains entre ses épaules et sa nuque, l'envie impossible à réfréner de finir leur chemin le long de son cou - et elle voulu serrer mais ne le pouvait pas tant qu'elle n'était pas sûre de sa supercherie. « c'est assez, pour vous? et maintenant, me laisseriez vous vous dominer à mon tour? »

la voix tremblante, la peur au ventre.

décampe, rose. décampe. disparaît. oublie tout.
lui hurlent ses peurs.
mais elle n’entend pas, ce bruit assourdissant étouffé par ce regard impérieux qui la fige.

dans la pénombre immuable, sous les fenêtres ombreuses. abandonnée avec ses regrets qu’elle remarque sans pouvoir les dénombrer. il conteste. avec raison. et elle ne sait plus quoi faire.

la respiration lourde, audible.
sa poitrine se lève,
entraine ses épaules,
et quand elle souffle, toute petite elle se fait.

« qu’est…. » sa main nue qu’il tenait, rose pleine de dégoût. grelote, son poignet, alors que ses doigts semblent se disloquer pour s’éloigner le plus possible. et contre ses lèvres elle n’eut pas plus d’aversion, mais tellement de peur. sans pouvoir s’enfuir rose pense encore pouvoir oublier mais son sang sur lui,
quelque part
lui plaisait.

cependant elle n’eut pas le temps d’apprécier ce sentiment honteux qui crispait son cœur – et contre sa bouche soudainement il venu voler un peu plus de son honneur.

les poignets, contre ses lippes tachetées qu’elle maculait un peu plus par la paume, et le revers de ses mains. rose se reculait, se barbouillant salement, à l’image d’une prédatrice affamée ; pourtant elle tremble face à plus avide qu’elle. rien n'effacerait ce qu'il avait fait.

trop.

c’était trop à oublier. la nuit même éternelle ne suffirait pas à ce qu’elle s’émancipe du moindre détail de ce que ce monde venait de lui ordonner. et dans ses larmes ce soir elle ne trouvait aucun réconfort, tout était déjà trop grave pour faire taire ses maux.

où était l’audace ? qu’était-elle devenue, la brave femme qui s’invita à la table de celui qu’elle craint plus que tout aujourd’hui ?

ses yeux fuient. ses pas la reculent. ses talons la tournent. derrière elle le diable, tandis qu’elle surplombe un ignare bientôt mort.

l’étrangler.
rose sait qu’elle ne doit pas.
(ses mains l’adjurent
cependant,
une petite voix les censure)

alors, elle saisit la dague qu’elle voulait délaisser dans sa poche,
mais rose n’a jamais tué. (ah ?)

inspire,
un regard perdu sur l’homme qui jurait de mieux l’éduquer,
renifle, l’air croupi,
se ploie face au corps assit,

rose, sans hausser la voix
ne contenait ses geignements.

meurtrière en devenir, elle plaqua une main sur le front de sa victime,
et sans plus d’hésitation,
elle enfonça la lame
dans la carotide de sa proie.

(d’avenir il n’y en avait plus. pour lui,
pour elle.)

giclée de sang.

prise d’effroi, comme un retour à la réalité,
lily-rose se recule, se trainant loin de la marre rouge,
abysse de sa décadence.

elle couvre ses yeux, peint son visage d’elle ne sait plus quel
sang,
sanglote
sans oser crier,

elle se murmure « je n’ai rien fait… je n’ai rien fait… » mais quand elle entrevoit l’agonie en face d’elle, rose se souvient. et n’oubliera jamais.

immonde.
immonde.
immonde.
immonde.
immonde.

et ses pieds qui la retrouvent
elle dont les yeux ne parviennent à fuir ce corps ensanglanté.
immonde.

l’esprit martelé, la scène se répète.

enfermées dans ses genoux chancelants
les poignets sales sur ses lèvres rouges,
immondes.

le noir
son ombre
ses bras contre elle pour la dorloter dans son malheur
ses paroles infectes (immondes), berceuse assourdissante,
finalement elle s’y attacha,
de ses deux mains contre son costume
ses doigts acérés
s’enfoncent, quatre d’entre eux
dans sa propre plaie,
immonde.

puis,
son visage se relève,
doucement
vers le diable
immonde,
le dévisageant, le désespoir au creux des lèvres,

rose, brisée, dont les pétales sèches menacent de tomber
le contemple
l’immonde, l’infecte,

cet homme qui s’entassait dans son être
balayant l’amour, le bonheur même factice
il s’y glissa tout entier pour y faire germer l’anéantissement le plus parfait.

en le découvrant plus immonde que jamais,
il était vraisemblablement devenu
celui qui paiera pour sa déchéance.
et en l’écoutant elle se promet
lui donnant raison :

un jour elle l’achèvera.

privée de parole il n’y a que la peur qui gronde dans sa gorge.
sanglote, clouée au sol,
la marre rouge coulant vers leurs corps vivants.
immondes.

les minutes sont longues.
à force de larmes, rose en perd sa poigne,
doucement, cède,
ses bras tombants, son souffle quelque peu ? apaisé ?
en trente minutes, peut-être plus
aurait-elle oublié ?
rose avait fait taire sa terreur.

sans plus d’énergie,
elle appuie,
ses paumes contre lui,
voudrait le pousser mais elle se recule

sous l’éclairage usagé
rose maculée, les joues lavées par ses larmes
immondes.

de honte, par sa faute, elle n’en avait aucune
de rancœur malgré cela, il l’avait ternie.

se relève la pâle fleur endeuillée,
repoussant la moindre tentative d’aide de celui sur qui elle devrait pourtant compter
un revers de main sous le nez, elle tenait debout
son regard affaissé sur leurs pieds
immondes.

un silence la gouverne. abattue sans doute s’était-elle déjà oubliée de quelques détails,
l’effroi parfois la protège, pourtant jamais assez.
elle pense.

se trouve infecte. grimace. comment apprécier cette décadence immonde.
rien ne pourrait sublimer les ruines sur lesquelles son âme peinait à trouver un appui.

« par pitié. » le timbre faible, dans un soupire. elle renifle. « par pitié monsieur faustian. » la voix cassée. « c’est mademoiselle jacquet. » vidée de son existence rose partageait encore avec son passé ce sentiment commun,
de haine
immonde.

ses sourcils froncés elle leva ses yeux en veillant à ne se concentrer que sur sa silhouette
vivante, même si pourrie.
« partons. »

elle ne savait plus comment rentrer.