ghosts ★
et puis plus rien.
limpide.
suspendu.


Les yeux s’émerveillent.
T’as beau avoir entendu tout un tas de trucs pas fun sur le Royaume de Cœur, Crims n’en reste pas moins une ville très belle.
Surtout au niveau du quartier marchant.
Il y fait bon vivre.
Le regard relevé, observant le sommet des bâtiments, tu ne te rend compte que bien tardivement que tu as perdu Anaël.
Ou alors c’est lui qui t’as égaré, Sasha.

C’est ça d’être tête en l’air.
Et de marcher sur la lune.
Tu pinces les lèvres.
Commence à regarder à droite, à gauche.
Tu le cherches dans les ruelles.
Presse le pas.
Sauf que d’un coup, tu t’arrêtes.

Silhouette qui capte ton attention.
Ne sachant pas si tu dois écarquiller les yeux ou froncer les sourcils.
Une petite voix qui souffle que c’est : « impossible. »
Et à la fois, t’as eu l’occasion de constater qu’ici les limites du possible sont un peu… flou.
Pour rester poli.
Doucement, tu t’avance, Sasha.
Le souffle qui devient de plus en plus court.
Le cœur qui bat de plus en plus fort.
De plus en plus vite.

A nouveau, tu t’arrête.
La fixant.
Tu ne veux pas réaliser.
Tu ne veux pas te dire « c’est elle ».
Pourtant, si, c’est bien elle.
T’es pas sûr de ce que tu ressens, Sasha.
Tu ne sais pas ce que tu dois ressentir.
Alors tu restes là, prostré.

Jusqu’à ce qu’elle s’approche.
Oui, parce que tu dois être suspect à la fixer ainsi, droit comme un piquet.
Tu veux fuir.
Sauf qu’en te retournant, tu percutes quelqu’un.
Et tu fond en excuses
Fermant les yeux quand la personne s’en vas.
Parce que tu sais qu’elle est là.
T’ose plus te retourner, Sasha.

c'est dans la chaleur pesante de l'après-midi que cherry a émergé entre les draps moites de son lit. elle a trottiné, à moitié réveillée jusqu'à la douche, fixé les carreaux de sa salle de bain, frotté son visage en essayant de récupérer un petit sens de sa journée. pourtant, ce n'est qu'une fois propre, les cheveux pas vraiment secs et une robe légère enfilée à la va vite, qu'elle dû se rendre à l'évidence. si elle avait l'intention de manger aujourd'hui, il lui faudrait chercher un peu plus loin que les étagères vides de sa petite cuisine. quel enfer.

au fil des marches descendues deux par deux, elle songea à ce qu'elle pourrait bien aller acheter. trouver du pain ? un sandwich ? peut-être quelque chose comme ça. rien de chaud, évidemment... elle frotta mollement sa nuque pour répandre l'humidité encore présente de ses cheveux et essayer de se rafraîchir. quelle tannée vraiment. elle adorait se plaindre de cette routine qu'elle avait pourtant choisi. elle aurait pu vivre dans la neige, elle aurait pu vivre sous les néons. mais non, elle avait choisi crims, crims et son bouillon.

toute la ville lui donnait l'impression d'être vivante.

sauf cette figure qui soudain s'immobilisa en la regardant.

wow, pensa-t-elle. c'est quoi ce lourd ?

elle douta quelques secondes mais lorsqu'il se mit à avancer dans sa direction, elle fut certaine que c'était bien elle, qu'il regardait. alors elle aussi elle s'avança et lorsqu'elle le vit vouloir prendre ses jambes à son cou puis se cogner, elle ne pu s'empêcher d'éclater de rire dans la ruelle. est-ce qu'elle le connaissait de quelque part ? il avait un petit air familier, sans qu'elle ne sache vraiment le replacer. juste un petit instinct. et puis, si il traînait dans les quartiers résidentiels de crims, à moins de s'être perdu, elle avait déjà bien dû le croiser non ?

l'individu percuté gronda et grommella avant de reprendre son chemin.

cherry s'approcha pour tapoter de deux doigts l'épaule du jeune homme aux regards fixes.

tu devrais faire attention. t'as pas l'air au courant mais à crims, on risque de te couper la tête pour moins que ça.

sans pouvoir retenir un petit ricanement, elle le contourna pour se placer face à lui et glissa mécaniquement sa main sur son front pour tenter de prendre sa température. on ne pouvait jamais trop se méfier des insolations. c'est pas parce qu'on était mort une fois qu'il fallait se jeter bras ouverts vers la faucheuse.

chaud.

cherry attrapa sa casquette pour la plaquer sur la tête de l'individu.

t'as attrapé une insolation ou t'as vu un fantôme ? je sais qu'on est tous morts mais quand même, pas cool... en vrai, on se connaît ? ta tête me dit vaguement un truc mais je suis désolée, je me rappelle pas.

pitié, pitié, pria-t-elle silencieusement, pas un ivrogne qu'elle aurait accueillit chez elle et oublié. tout mais pas ça.

tout

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et puis plus rien.
limpide.
suspendu.


Elle a rit.
Il y a quelques années, t’aurais tout donné pour l’entendre rire et à la fois, t’en as pas eu le cran.
Aujourd’hui t’as peur, Sasha.
Frisson quand elle tapote ton épaule.
Le souffle qui se coupe.
Et vient le son de sa voix.
Tu ne sais pas pourquoi, mais tu te l’imaginais exactement comme ça.

Elle t’expliques la civilité à Crims.
Si si, Ariel t’as fait un topo dessus.
Anaël… enfin, tu crois.
Un peu excessif les gens ici, non ?
Surtout pour toi qui est bien trop tête en l’air.
T’ose toujours pas te retourner, Sasha.
Elle prend les devant.
Te contournant et se positionnant face à toi.

Tu ne peux t’empêcher de la détailler.
De constater certaines ressemblances.
Couleurs des yeux.
Discrètes tâches de rousseurs sur le nez.
Front large, l’arc de cupidon bien marqué.
Le reste, il te vient de ton géniteur.

Sa main sur ton front.
Tu sursaute, Sasha.
Et elle te colle sa casquette sur le crâne.
Joues qui vire rouge de gêne.
Tirant sur la visière pour te cacher.
Mais c’est foutu un peu, Sasha.

Une insolation ou un fantôme ?
Sûrement un peu des deux.
Et comme un rappel de la réalité, elle te remet dans la face qu’elle est morte et toi aussi.
Ça te fou une claque, Sasha.
Mais ce n’est pas pire que la suite.

On se connaît ?
Tu le sais, Sahsa.
Tu t’es décomposé.
T’es devenu livide.
T’as pas besoin de croiser ton reflet pour le savoir.
Un pas en arrière.
Les lèvres qui se pincent.
Putain…

▬ Euh… j-je… en fait vous- tu, me rappelle quelqu’un de… ouais tu sais hmmmm… quand j’étais encore vivant quoi. Grimace sur le visage, t’es mauvais en mensonges, Sasha. J’voulais pas paraître étrange ou j’sais pas quoi, désolé… et ouais ça fait pas longtemps que j’suis là, j’ai égaré mon pote et j’crois que j’me suis perdu.

Mine un peu désolé.
De toi-même bien évidement.
Tu fini quand même par laisser un sourire percer ton visage.
Regardant par-dessus son épaule.
Sait-on jamais qu’Anaël apparaisse soudainement et te sauve de cette galère.
En soit, tu pourrais abréger.
Sauf que non, Sasha.
Comme toujours… tu choisis de t’enfoncer.

▬ Au fait, merci et… tu t’appelles comment ?

Juste histoire de vérifier.
Vérifier que c’est bien elle.

ouf.

est le premier mot qui lui vient à l'esprit lorsqu'il s'explique.

cherry y croit à moitié mais voir qu'il n'essaie pas de trop se rapprocher d'elle la met en confiance. juste un gamin paumé, alors ? elle ne peut pas s'empêcher de se sentir désolée. n'importe qui se sentirait déboussolé dans ce genre de situation. elle-même, elle avait eu pas mal de problèmes à s'adapter à la vie à wonderland. elle avait fini par se faire une raison au fil du temps mais elle peinait à vraiment se souvenir de la sensation qu'elle avait ressentie lorsqu'elle s'était rendue compte qu'elle avait passé l'arme à gauche. elle n'est pas seule à avoir l'air désolée et lorsqu'elle s'en rend compte elle étire la main pour te tapoter le dos.

oh. j'espère que tu vas pouvoir repartir alors... j'aurais aimé vivre plus longtemps. même si honnêtement... avoir 21 ans pour toujours c'est pas si mal au final. j'ai trop oublié pour avoir des regrets.

elle tente un sourire pour te rassurer, ignore les sujets compliqués en dédramatisant comme elle a fini par en prendre l'habitude. les émotions c'est pas facile alors quand on sait pas poser les mots dessus pour s'en occuper correctement, on les fout dans un coin, dans une jolie petite boîte qui brille et on colle du ruban rouge dessus. un parfait petit cadeau qui attend d'exploser. cherry elle, a fini par devenir complètement insensible à la mort. elle a fini par prendre ce qu'il lui est arrivé comme un voeu du destin et elle a toujours été encline à l'écouter, ce destin qui s'amuser à la mener par le bout du nez.

après tout, elle ne peut rien y faire.

moi c'est cherry, d'ailleurs. tu peux me faire confiance, ça fait une vingtaine d'années que je traîne ici alors... je connais le coin comme ma poche.

la moindre pierre, la moindre poussière.

en disant cela cherry recule de quelques pas sans oser se retourner, elle marche à reculons en gardant posés ses yeux sur le brun à l'air si familier qui se tient devant elle. peut-être qu'un peu plus tard elle pourrait toucher l'un des objets qu'il a sur lui pour essayer de savoir où elle l'aurait déjà vu ? ça devait être récent s'il n'était pas là depuis longtemps et pourtant elle ne s'en rappelait pas. elle dû se retenir de froncer les sourcils à cette idée : elle avait subi assez de pertes de mémoire comme ça, elle pensait que ce serait fini. son regard se fixe dans le flou pendant qu'elle réfléchit quelques secondes et lorsqu'elle s'en rend compte, elle relève la tête en souriant.

j'peux te montrer un peu si tu veux ? tu devrais venir avec moi si t'en as envie. j'allais acheter à manger, p'têtre qu'on croisera ton pote en chemin ?

elle indique le chemin de l'index, la direction des ruelles plus animées que celle dans laquelle ils se trouvent actuellement. c'est qu'elle en serait presque maternelle, cherry, face à ce garçon paumé devant elle.

peut-être que l'instinct fait fi des souvenirs.

ghosts ★
et puis plus rien.
limpide.
suspendu.


Elle tapote ton dos.
Et ça te fait étrange, Sasha.
Elle espère que tu vas pouvoir rentrer et… soudainement, tu ne sais plus si tu le veux vraiment.
Là, tu veux disparaître de sa vue, mais après ?
Le doute s’installe, pour la première fois.

Tu te retiens de t’étouffe, ou même de chialer quand elle te dit que vingt-et-un an pour l’éternité c’est pas si mal.
T’en doutes pas, vingt-trois aussi en soit… mais t’aurais voulu qu’elle reste.
Et ça, tu ne peux pas lui dire.
Tu ne sais pas comment lui dire, Sasha.

Ni rien même.
Lui parler c’est compliquer sans devenir nerveux et commencer à bégayer de la merde.
Pourtant, tu fini par lui dire merci.
Et lui demander comment elle s’appelle.
Dans l’attente, Sasha.
Ça tombe, la vérité sous les yeux.

Moi c’est Cherry.
T’as envie de pleurer.
D’avoir ce sourire trop large.
Un peu tout à la fois.
Et tu ne doute pas, Sasha, qu’elle connaisse le coin comme sa poche.

Tu ne dis toujours rien.
L’observant et elle aussi.
Pendant un vague instant, tu crois qu’elle te reconnaît.
Mais c’est bien impossible.
Et t’as une risette triste qui s’étire, Sasha.
Alors qu’elle t’invite.

▬ Euh… ouais, OK. J’te suis !

Tu viens te mettre près d’elle, la suivant.
Regard tantôt sur le sol, tantôt vers le ciel.
Par moment sur elle.
C’est étrange et… agréable.
Un peu irréel aussi.

▬ Je… Tu fais quoi ici ? J’veux dire, à Crims ?

Mains dans les poches, tu essayes de t’intéresser, Sasha. D’apprendre à la connaître autrement qu’au travers des journaux de chroniques criminelles.

elle ne peut pas s’empêcher de remarquer qu’il ne lui a pas donné son nom, lui, alors elle lui donne un petit coup de coude pour le taquiner, alors qu’ils continuent de marcher. il est bien calme et silencieux alors cherry fait le meilleur de sa nature amicale pour essayer de le mettre à l’aise. elle ne se rappelle plus exactement de ce que ça fait, mais elle ne doute pas qu’il doit être en état de choc. après tout, les mortels ne s’amusent pas exactement à mourir tous les quatre matins. comment bien prendre une information pareille ? elle ne peut pas lui en vouloir.

même si elle ignore l’étendue particulière de son malaise, là, tout de suite.

je te dirai ce que je fais si tu me dis ton nom, t’as bien le mien maintenant. on sait jamais si t’essaies de vendre mes informations à quelqu’un.

puis doucement elle secoue la tête pour lui faire comprendre qu’elle plaisantait. de toute façon, elle n’était pas sûre de ce que l’on pourrait faire avec juste son nom. au pire, les gens finiraient par apprendre qui elle est et ça lui ferait des clients potentiels, non ?

je travaille comme détective privée. j’aide les gens à… trouver des objets, savoir si leurs partenaires sont fidèles, trouver les coupables de crimes dont ils ont été victimes ou autres. honnêtement, on voit tellement de trucs sidérants que je m’y ferai jamais. mais c’est intéressant, au moins.

elle sourit et ils arrivent bientôt devant la boulangerie, dont cherry pousse la porte. elle se retourne un instant vers le jeune homme pour s’assurer qu’il la suit alors que le carillon de la porte retentit doucement. l’odeur du pain emplit leurs narines et la rouquine sentirait presque son estomac gronder à l’idée du repas. un sandwich du coup ? avec un dessert, peut-être ? un croissant ou quelque chose comme ça ? un des clients devant eux part avec sa commande et alors qu’ils se rapprochent de plus en plus de la vitrine la détective se retourne vers son compagnon du jour.

j’imagine que t’as pas encore de travail si tu viens d’arriver… tu veux que je te paies un truc ? ça me fait plaisir. on a tous besoin d’un petit coup de pouce dans la vie.

hochement de tête rapide alors que leur tour arrive. cherry commande un sandwich et une pâtisserie avant de se retourner à nouveau vers le brun sur ses talons pour savoir ce qu’il veut.

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et puis plus rien.
limpide.
suspendu.


Petit coup de coude.
Tu sursautes presque, Sasha.
Te demandant pourquoi.
Paniquant à l’intérieur qu’elle ait compris.
Non… c’est impossible.
Et d’un seul coup, elle éclaire ta lanterne.
Tu ouvres grand les yeux.
Bafouillant une excuse en passant une main dans tes cheveux.
Te questionnant en vitesse si tu dois donner ton vrai prénom ou totalement improviser.

▬ Sasha, moi c’est Sasha… et jamais j’irais vendre tes infos à quelqu’un ! Je saurais même pas à qui les vendre…

Optant pour la sincérité.
Quelque chose t’as soufflé qu’elle aurait su que tu mentais et t’aurais été encore plus suspect.
Le but c’était d’être discret.
Chose que t’es pas vraiment, Sasha.
Et c’est là qu’elle t’as expliqué son métier.
Détective privée, ça lui allait bien.
En même temps, tu trouvais ça risible.
Un sourire un peu triste, un peu gêné et angoissé à la fois, s’étire sur tes lèvres.
Pourtant, après une inspiration, tu tente une parole :

▬ Je n’en doute pas… Won-Wonderland est déjà assez sidérant alors…

Alors… rien.
Tu n’as rien de plus à dire.
Le fil de tes pensées s’étire et se brise.
Ça arrive souvent, beaucoup trop.
C’est parce que tu n’as plus les médicaments.
Ceux qui permettaient à ton esprit de rester centré.
Maintenant, Sasha, tu ne peux que t’éparpiller.
T’oublier toujours un peu plus.

Cherry sourit et vous voilà devant la boulangerie.
Naturellement, tu la suis.
L’odeur fait vrombir ton estomac, Sasha.
Et tu meurs un peu de honte quand elle se tourne vers toi, non pas pour le faire remarquer, mais pour te proposer de l’aide.
Ça te gêne beaucoup.
Malgré tout, tu acceptes… jugeant que ça serait peut-être étrange de refuser.

▬ Je euh… merci et je prendrais… la même chose que toi.

Même si t’aurais juste pu te contenter du sandwich, la pâtisserie ne devrait pas te tuer, Sasha.
Cherry règle et tu la remercie.
Récupérant ce qui était ton repas.
Vous quittez la boulangerie.
Ton regard se pose sur elle.

▬ Tu vas sur une enquête ?

Est-ce que t’aurais pas un peu envie de l’accompagner ?
Si, bien sûr que si.

pendant l'espace d'un instant, la sonorité du nom sur sa langue lui rappelle quelque chose. les syllabes s'écoulent pour s'imprimer dans son cerveau comme un filet d'encre qui s'immisce entre les neurones pour essayer de réveiller quelque chose d'oublié. cherry est frappée d'une sensation de déjà vu, le genre à provoquer des vertiges. sasha. sasha. sasha ? pourquoi est-ce que le nom avait l'air aussi familier ? précieux ? chérit ?

cherry avait sorti son portefeuille pour payer les sandwichs et les pâtisseries et alors que le nom résonne dans son crâne, elle s'arrête sur la photo qui s'y trouve. un fragment du passé auquel elle s'était rattachée de façon désespérée, motivée par des sentiments dont elle ne se rappelle plus. un polaroid, avec une inscription en bas.

"1e anniversaire de sasha"

et très vite elle fixe l'image sans se rappeler ce qu'elle y cherchait. elle sait que son pouvoir ne lui dira rien : cette photo est une copie, l'originale est rangée à l'abri... quelque part chez elle. peut-être perdue.

secouant la tête, cherry paie pour la commande et sort de la boulangerie en se frottant la tête. peut-être qu'au final c'était elle qui avait chopé une insolation. ça lui apprendrait à passer sa casquette à des inconnus sans avoir de quoi se couvrir le crâne. les pensées sont encore un peu floues lorsqu'elle lui tend son sandwich et sa pâtisserie, avant de prendre une bouchée de sa propre nourriture.


mâche, avale, lentement, pour digérer le sandwich et le trouble.

pas aujourd'hui, jour de repos. pourquoi, t'aimerais participer ?

elle se met à marcher, quelques pas à reculons, gardant les yeux sur lui alors que lentement les doutes font place à un sourire. ça ne sert à rien de se poser trop de questions, ça ne sert à rien de rester perdue dans l'espoir d'une illusion qui n'aurait pas lieu d'être. cherry n'est plus celle qu'elle était. à quoi bon s'attacher à son propre fantôme ?

j'me suis toujours dit que ça serait pas mal de me dégoter un associé. si jamais ça t'intéresse de jouer la comédie pour prétendre faire autre chose en pistant des époux infidèles et leurs amants... j'te donnerai une partie des récompenses, bien sûr.

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et puis plus rien.
limpide.
suspendu.


Ton prénom semble lui faire de l’effet.
Et là, tu t’en veux de ne pas avoir menti.
Enfin… si t’as bien compris, il ne va rien se passer.
Ce n’est pas comme si elle pouvait repartir.
Tu allais sur tes deux ans quand elle est morte.
Ça fait trop longtemps maintenant.
T’es un peu triste de ce constat, Sasha.
Mais bon, tu n’y peux rien.

Vous êtes sortie et elle t’as tendu ta commande.
Tu l’as remercié avec un grand sourire.
Croquant dans ton sandwich.
AAAAH c’est trop bon !
Et après avoir avalé, tu lui a demandé si elle allait sur une enquête, puisque détective privé.
Cherry te dis que non.
Aujourd’hui c’est jour de repos.
Malgré toi, Sasha, tu fais la moue.

En tout cas, t’étais partant pour participer.
C’était peut-être pas une bonne idée…
Enfin, ça pouvait pas être pire que tout non plus ?
Tu l’espérais, mais t’as pas le temps de répondre que Cherry enchaîne déjà.
T’expliquant les tenants et les aboutissants de devenir son associé.
Toi aussi tu souris, Sasha.
Oubliant lentement ta gêne.

▬ Ça peut être fun ouais ! J’veux dire que j’suis OK, peut-être pas présent sur toutes et t’as peut-être pas toujours besoin d’aide, mais si jamais, ça me botte de fou.

En vrai, quand tu la regarde.
Dans ses mimiques, dans sa façon d’être…
Elle te rappelle ta grande sœur.
Et ça te fait un peu bizarre, Sasha.
Penser à Mag d’un coup c’est… triste.
Tu secoue la tête, croque dans le sandwich.
Réfléchis un vague instant et déglutis.

▬ Dis… t’as dis vingt-et-un ans pour toujours, donc… t’es une entité par vrai ? Et là, ça te percute. Sherlock Holmes ?

Ta risette se veut plus amusée.
Plus décontractée.
Il te suffit simplement de ne pas y penser et tout ira bien, Sasha.
Tu verras.

tu hoches rapidement de la tête lorsqu'il accepte ta proposition et encore un peu plus lorsqu'il te demande si tu es sherlock holmes. tu dois même prendre un petit instant pour repousser en arrière les mèches rousses qui tombent devant tes yeux.

c'est ça ! être détective, du coup, c'est une vraie vocation. et je mets mon gros cerveau au service des pauvres âmes de wonderland.

tu esquisses un sourire avant de t'étirer un peu, levant les bras en l'air avec le sandwich dans une main et le ramenant rapidement à tes lèvres pour en prendre une nouvelle bouchée. sous le soleil qui chauffe ta peau, cherry, tu as l'impression d'être à ta place. tu frottes mécaniquement l'arête de ton nez en imaginant la recrudescence de tâches de rousseurs qui s'y installeront bientôt pour rejoindre leurs camarades et une idée apparaît dans ta tête. tu te décides d'agir avant de l'oublier et attrape ton portefeuilles. s'il se décide à devenir ton associé, c'est peut-être mieux que tu te présentes officiellement. tu l'ouvres et fouilles un peu pour trouver une des cartes de visite que tu trimballes avec toi.

le carton est beige, avec ton nom, ta profession, tes horaires et ton adresse notée dessus. les clients peuvent se présenter directement ou envoyer des lettres. en toute honnêteté, tu as pensé plusieurs fois à t'installer dans un bureau en ville à la place mais pour le moment, t'as pas envie de dépenser de l'argent là-dedans. plus tard, peut-être ? peut-être. tu lui tends la carte de visite et les yeux se reposent sur la photo qui est là, cachée derrière quelques pièces. t'hésites un instant mais tu finis par l'attraper pour lui tendre avec un petit sourire, afin qu'il puisse l'observer.

si tu restes trop longtemps, tu vas devenir une entité toi aussi. au cas-où, j'te conseille de garder des trucs auxquels tu tiens. je me souviens plus de pourquoi cette photo était si importante mais tu vois, c'est un des trucs que j'ai gardé. ça doit p'têtre être le seul d'ailleurs...

tu l'observes un moment, lui, dévisageant un peu les traits de son visage avant de prendre une nouvelle bouchée de ton sandwich. au fond elle te manque un peu, cette époque où tu venais juste d'arriver ici. elle te manque, l'époque où tu te souvenais de pourquoi les choses étaient précieuses. t'avais passé plus de temps ici que là d'où tu venais et pourtant, t'avais l'impression de t'être jamais autant ancrée à ce monde que tu avais pu l'être sur terre. certaines des personnes dont tu étais la plus proche sont retournées là-bas et toi t'étais restée ici, condamnée à rester la même pour toujours ou presque.

le temps était un véritable bordel mais tu parvenais tout de même sans peine à t'y sentir figée.

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Elle approuve d’un mouvement de tête.
Sourire qui se fait large, Sasha.
Tu trouve ça un peu weird ouais, mais cool aussi, de pouvoir passer du temps avec elle, juste simplement.
C’est juste après que tu lui as demandé, si elle était bien l’entité de Sherlock Holmes
Et une fois de plus, Cherry approuve.
La tournure de sa phrase t’arrache un rire.

C’est plus léger, c’est mieux.
Tu commences à ne plus t’en faire.
A te dire que ça peut très bien se passer comme ça, Sasha.
La suite tu verras plus tard.
Dégustant ton sandwich.
Sauf qu’elle te tend sa carte.
Observant le carton, la couleur, la police et les informations dessus.

▬ Merc-

Coupé par la photo qu’elle te tend.
Tu la prends entres tes doigts, Sasha.
Ils tremblent un peu.
Et alors que tu l’écoute tu tombe face à ton visage de nourrisson.
Au sien qui n’est pas si différent.
Puis ça glisse sur lui.
Tu lui ressemble et tu le sais.
Ça te rend malade.

La gorge qui se serre.
Tu le rends sa photo.
Lèvres pincées dans un sourire qui retient tes larmes de dévaler sur tes joues.
Et tu te forces à croquer dans ton sandwich, Sasha, pour faire genre, que tout vas bien.
Tu repenses à ses mots.
A la bague, sa bague, autour de ton cou.
Regard qui dévie et c’est là que tu crois voir la silhouette d’Anaël.
Tu saute sur l’occasion.

▬ OH ! Pardon Cherry, mais je crois que je viens de voir passer mon pote, je- merci beaucoup ! On se capte bientôt ? Merci et à plus !

T’as pris ton plus beau sourire.
Pas si faux que ça, mais tu ne peux pas rester, Sasha.
T’es pas prêt pour la suite, pas encore.
Alors tu tourne les talons et esquive les gens jusqu’à recroiser de tes yeux ce fameux bomber rouge.