quelques semaines de jeu t’avaient paru suffisantes. se faufiler comme un serpent au creux de la poitrine pour aller s’enrouler autour du coeur, espérant qu’il soit tien, y enfoncer les crocs pour y planter ton venin et l’immobiliser, ça avait su te distraire un petit moment. toujours mêler l’utile à l’agréable. avec les visites régulières et votre aventure aux battues, tu en serais presque venue à regretter ta décision initiale. et malgré toi, cherry, lorsque tu ouvres la porte et que ses lèvres se pressent contre les tiennes, tu ne peux pas t’empêcher de te demander ce qu’il se serait passé si vous vous étiez rencontrés différemment.

il s’avance dans le salon et tu peux deviner ses yeux en train d’explorer la pièce. l’appartement n’est pas très grand mais il te suffit et de toute façon, tu es persuadée que meliodas ne s’offusquerait pas de se retrouver serré contre toi. un instant tu files dans la cuisine pour aller attraper deux bières fraîches dans le frigo et les décapsuler avant de venir les poser sur la table basse. la minute d’après, tu es de retour dans ses bras, tu t’amuses à tirer légèrement sur le bas de son tee-shirt pour le ramener à toi. les doigts écartent mécaniquement les quelques mèches de cheveux qui obscurcissent son visage et les bras viennent se caler autour de son cou.

et alors que tu lui rends son baiser tu ne peux t’empêcher de penser,

meliodas, m’en voudras-tu beaucoup ?

c’était marrant mais je crois que je préfère les rencards plus tranquilles.

sourire mesquin sur les lèvres, cherry, parce que tu n’étais pas sûre d’avoir déjà pensé aux égouts lorsqu’on te demandait quel serait ton rencard idéal. à la place, quand tu te décolles de lui pour t’asseoir sur le canapé, tu observes ses mains. est-ce qu’il se serait appliqué à te gagner un prix au parc d’attractions ? est-ce qu’il aurait tenu ta main quand tu te serais mise à regarder en bas dans la grande roue, à crier sans pouvoir te retenir dans les montagnes russes ?

à la place tu lui tends une bière, espère qu’il s’en saisisse.

j’ai rien de prévu pour le moment, j’avais juste envie de te voir.

intention fausse, rire franc.

mais on pourrait cuisiner ou aller chercher un truc si tu veux ? je me retrouve pas beaucoup dans mon appartement en ce moment mais je suis sûre que ma pizzeria préférée est encore ouverte.

une moue faussement offensée, une mine faussement pensive, lorsqu’il évoque un goût pour l’aventure. tu hausses des épaules avec un petit rire.

l’aventure oui, l’eau croupie intoxiquée non… mais peut-être qu’on pourrait faire une randonnée quelque part un jour. pourquoi pas.

lorsqu’il viendra se venger de toi, oui. lorsqu’il voudra se défouler par rapport à tout ce qu’il te reprochera bientôt.

un soufflement du nez, involontairement moqueuse lorsqu’il lui dit d’arrêter. les yeux roulent pour fixer un instant le plafond et tu portes la bouteille à tes lèvres, amusée. tu as les yeux qui se baladent sur son allure quand il s’asseoit cherry, le regard qui le balaie de haut en bas. à nouveau les doigts viennent se glisser dans le tissu et tu tires un peu dessus pour le tirer dans ta direction, te hisse légèrement sur le canapé pour coller ton front au sien. la paupière qui se plie dans un petit clin d’oeil et tu murmures contre ses lèvres.

si c’est juste que tu veux que je reste avec toi, tu peux le dire tu sais ? je sais déjà que tu t’ennuierais sans moi.

tu te fends d’un large sourire. de toute façon, tu n’as pas à s’inquiéter d’une promesse que tu n’as pas l’intention de tenir mais tu te refuses à lui annoncer que tu resteras à ses côtés pour toujours, parce que c’est trop niais pour toi de toute façon. feins de l’embrasser, cherry, avant de te réinstaller dans le canapé et de fouiller dans le panier sur la table basse pour y attraper un des menus de ta pizzeria préférée que tu gardes quand tu as envie d’en manger une. après tout, chaque mensonge se doit d’avoir un fond de vérité pour devenir crédible.

on est pas obligés de commander tout de suite non plus, hein. c’est toi qui décide, aujourd’hui. je prendrai ce que tu prendras.

et elle se lève pour faire quelques pas dans la pièce, mettre un peu de musique, siffloter en suivant le rythme de la mélodie.

un rire sonore lorsqu’il vient poser ses mains sur toi, te poser une question à laquelle tu ne peux répondre que par un sourire. meliodas avait cette spontanéité qui te manquerait sûrement. tu laisses tes mains se perdre dans ses cheveux et te redresse un peu alors qu’il se glisse le long de ton corps, pour lui rendre son sourire. les doigts glissent dans le cou puis le long de la mâchoire pour venir se saisir du menton que tu orientes dans ta direction.

tu es sûr de toi, mon coeur ?

surnom mielleux légèrement railleur, alors que tu te saisis de l’un de ses poignets avant de le pousser légèrement pour qu’il retombe dans ton canapé. viens le distraire avec un baiser, cherry, alors que tu refermes les menottes autour de ses poignets. tu te lèves et le regarde, un petit air de défi dans les yeux. tu poses un doigt sur ton menton pour faire semblant de réfléchir et perds tes yeux dans les siens. quel gâchis.

on a qu’à tester ta patience alors. moi je vais chercher à manger et toi… tu attends pour le menu spécial ?

presse tes lèvres contre les siennes. une dernière fois. tu prends ton temps pour attraper tes clés et le faire languir, puis tu t'arrêtes juste un instant sur le seuil de la porte pour te retourner vers lui, lui faire un clin d'oeil et un petit signe de la main, avant de la refermer derrière toi. lorsque tu entends la porte claquer dans son battant, tu ne peux retenir un petit soupir.

et voilà. c’est terminé.

maintenant, c’est l’heure de te rendre au château pour honorer ta promesse, celle que tu avais faite avant tout ce manège. la promesse de trouver et d'interpeller le principal perpétrateur des nombreux cambriolages et vols dont le royaume avait souffert. au moins, ça aurait été amusant. et puis au fond, tu ne peux pas t’empêcher de te dire que s’il avait réussi à leur échapper aussi longtemps, il trouverait sûrement un moyen de se sortir de là. après tout, tu avais pu voir lucy en action et tu ne doutais pas une seconde du fait que si ce dernier lui apportait son aide, il parviendrait sûrement à garder sa tête.

les portes du château se dressent face à toi et tu sais exactement où aller.

inspire.

bonjour, je viens vous voir au sujet de l’individu que nous cherchions. il se trouve actuellement chez moi, prêt à être arrêté.

le chasseur dans ton appartement, avec ses soldats et sa détermination à arrêter meliodas. le voleur dans ton appartement, et le goût amer que tu as lorsque tu humectes tes lèvres, te rappelle de son dernier baiser. tu n’oses pas tout de suite entrer chez toi, décide d’attendre qu’ils sortent pour ne pas devoir affronter le regard lourd de reproches qui arrivera inéluctablement. alors tu restes sur le palier jusqu’à enfin, enfin craquer, lorsqu’elias crache le morceau.

tu te glisses entre les soldats, grimaces à la vue de la lame dans son épaule. tu aurais espéré qu’ils l’emmènent loin avant de commencer à le violenter mais lorsque tu plonges ton regard dans le sien tu soupires. ça aurait été plus facile pour toi de ne pas voir tout ça. là, tu es forcée de regarder les conséquences de tes actes en face et la sympathie que tu as fini par avoir pour lui rend la chose difficile.

c’est un criminel, cherry, tu ne dois pas l’oublier. il a probablement blessé des gens pour arriver à ses fins. tu essaies de t’en convaincre, parce que tu n’as jamais pensé que voler était un crime très grave, surtout si la victime peut immédiatement tout racheter.

pas de brutalité chez moi, s’il vous plaît.

tu souffles du nez, les lèvres pincées et t’agenouilles devant meliodas pour passer tes bras autour de son cou, cacher ton visage dans son épaule intacte pour ne pas avoir à lui faire face. une dernière étreinte parfum amer. tu espères intérieurement qu’il te repoussera du mieux possible, te frappera, laissera sortir un peu de sa colère. on dit que la vengeance est un plat qui se mange froid cherry et si un jour elle arrive, tu espères que ce sera après la climatisation que tu as envie de faire installer dans ton appartement.

sans rancune, mon amour.

murmuré à voix basse avant que tu t’éloignes.

incapable de le regarder en face.