Journée… chargée ? On pouvait dire ça, Stella revenait tout juste d’une expédition avec un sac rempli de nouveaux objets ramassés, achetés sur de vieux étalages et trouvés dans des coins abandonnés. Sa petite aventure s’était déroulée sans encombre, elle était ravie d’avoir pu amasser autant de choses sans devoir fuir ou être plus discrète que d’habitude. Elle était donc de très bonne humeur, sortant toutes sortes de merveilles, venant de la petite babiole à un gros livre et quelques bijoux marqués par le temps.

Elle profitait du calme et du manque de visiteurs pour chantonner, trouver à chaque nouvel objet une petite place dans sa boutique, la demoiselle était épanouie, le reste de la journée ne pouvait être que lumière et bonne humeur ! Alors que notre antiquaire était plongée dans sa bulle mélodieuse, concentrée sur la façon de poser ce précieux vase fragile derrière le comptoir sur une étagère entre d’autres produits fragiles, elle n’entendit pas le tintement du carillon, mais une voix, forte, soudaine, qui la fit sursauter, manquant de lâcher le vase presque installé.

Petit cri aigu de surprise, elle se retourna pour se retrouver face une dame aux cheveux de feu, très étonnant et peu fréquent en ce royaume. Ayant à peine le temps de balbutier un bonjour, cette mystérieuse inconnue s’embarqua dans un flot de paroles qui semblait interminable. Stella était entre le sentiment d’énervement par la mention du bordel qui régnait chez elle et celui de joie lorsqu’elle l’entendit dire apprécier sa boutique. Elle voulut la remercier, mais cette femme à l’allure pirate ne semblait pas avoir fini de parler. Le nombre de mots qu’elle arrivait à déballer à la minute était impressionnant elle devait l’admettre.

Entre quelques questions l’antiquaire tentait de sortir des « alors oui… non… en fait... » sans succès. Son visage commençait à se décomposer, une légère migraine montait. Bon dieu, que quelqu’un lui montre le bouton off… Reculant alors que son interlocutrice se rapprochait envahissait son espace personnel, sa seule protection qu’était le comptoir. Pressante envie de se mettre en position fœtale derrière le comptoir et attendre qu’elle s’en aille, mais se ravise lorsque chevelure incandescente complimente ses cheveux argentés.

« Merci… ? » À bout de souffle qu’elle était. L’énergie de sa soudaine cliente avait vidé le peu de réserve de la sienne. Ok. Du calme, professionnelle. Reprend contenance, sourire bienveillant.

« Vous avez de très beaux cheveux également, j’en vois rarement de cette couleur, surtout par ici.  Hum… Laissez-moi vérifier. » Sincère, chaleureuse, curieuse également, elle marqua un léger temps de pause afin de collecter ses souvenirs, il lui semblait avoir ramené de son expédition des objets s’apparentant à des objets de pirates.

La demoiselle lui fit signe de patienter un instant, sortant de derrière le comptoir, se dirigeant vers un coffre de taille modeste, boisé et quelque peu attaqué par le temps qu’il avait passé près de l’eau. Ce coffre regorgeait de quelques trésors, notamment une longue-vue aux fins détails, une pipe et… une bouteille de rhum. Bouteille qu’elle avait omis de déplacer en rangeant son bazar. Entreprenant d’amener ce coffre sur le comptoir, elle le posa devant cette dame pleine de curiosité et de joie de vivre.

« Voilà… Je dois avoir d’autres choses à l’arrière, mais ce coffre est ma dernière trouvaille, fraîchement ramené de mon aventure matinale. Je vous laisse le plaisir d’en découvrir l’intérieur, je ne sais pas si c’est très pirate, mais il me semble que ça s’en rapproche. N’hésitez pas à m’abreuver de vos connaissances sur le sujet. » Dit-elle avec un sourire qui se voulait professionnel, bien qu’animé par une certaine curiosité et appréhension face à la réaction de sa cliente. Elle n’avait bien sûr pas pris le temps de retirer la vieille bouteille, ça ne lui traversait même plus l’esprit, bien trop occupé à observer cette fougueuse personne, intriguée.

Le sourire de cette pirate était… aveuglant. Elle qui avait l’habitude de visages stoïques ou de doux sourires peinant à prendre forme, ça la changeait, elle en gardait presque un air étonné figé au visage. D’un côté, ses yeux pleins d’étoiles lui rappelaient elle-même lorsqu’elle découvrait des choses intéressantes et qu’elle découvrait des souvenirs cachés dans des objets, jamais révélés. Face à elle était un enfant surexcitée, rare était la vue d’un adulte aussi enthousiaste pour ses babioles, bien que légèrement désorientée par cette explosion d’énergie elle se retrouva avec les joues rosies, se mettant même à balbutier.

« Euh… Je… vers un lagon, il était dissimulé, je pense que quelqu’un l’a tout simplement posé avant de s’en aller… Juste une simple antiquaire qui aime se promener haha… » Ouf. C’était dur. La demoiselle avait eu bien du mal à sortir cette explication, bien que simple et courte.

Stella se laissa bercer par le rire de sa cliente, ravie de voir qu’elle avait illuminé la journée d’au moins une personne aujourd’hui. Son regard se posa ensuite sur le coffre, que chevelure de feu avait ouvert avec attention. Oh non. Pause. La jeune femme se sentit prise d’une énorme frayeur d’un coup, la bouteille. Dans un élan de panique elle sauta limite sur le support boisé avec un « Att… » coupé par la douleur de son coude contre le coin du comptoir. Si cette belle pirate avait eu un coup de foudre pour la bouteille, Stella, elle, c’était son coude qui en avait eu un et c’était beaucoup moins romantique. Prenant sur elle, incubant la douleur fulgurante, tentant d’afficher un sourire normal bien que légèrement tordu par la douleur.

« Eh bien, tout ce qui se trouve dans ce coffre est dans l’état, ça doit faire un moment qu’il était abandonné. Je n’y connais pas grand-chose en bouteilles d’alcool bien qu’elle soit plutôt jolie. Vous pouvez la prendre si elle vous plaît tant. » Même si elle n’est pas censée être en vente, ça, elle se garda bien de le dire, erreur idiote qu’elle ne désirait pas partager.

Expression étonnée lorsqu’elle posa la bouteille, elle qui semblait absorbée par cette soi-disant merveille… Oh, elle ne jugerait pas après tout, ce n’était juste pas dans ses préférences et surtout, elle n’y connaissait absolument rien. L’antiquaire était pourtant rassurée qu’elle s’intéresse au reste de ses trouvailles, elle ne put qu’acquiescer face à l’observation de la longue-vue, elle était en effet magnifique et le fait de n’avoir pas eu le temps d’utiliser son pouvoir pour en savoir plus traînait encore dans un coin de son esprit. Léger rire lors de la mention de sur la pipe, il est vrai qu’elle n’avait aucune idée de ce que ça faisait au milieu de tout ça, mais elle était plutôt sympa donc elle avait fini par la laisser.

« Pourquoi pas ? J’imagine que ça serait le début de grandes aventures et ce sera certainement plus excitant que de venir par ici. Ceci dit, si vous désirez passer au peigne fin l’endroit où j’ai trouvé tout ça, je peux vous indiquer le chemin, ou vous y accompagner. Je suis curieuse de voir si d’autres merveilles sont enfouies par là et avoir l’avis d’une personne s’y connaissant en pirates serait la bienvenue. »

La jeune femme se rendit soudain compte qu’elle avait totalement proposé à une inconnue d’aller chercher des trésors avec elle. Mince. Elle se recula de quelques centimètres, s’éclaircissant la gorge.

« Enfin… Haha… Je suppose que c’est un peu ambitieux venant d’une inconnue. »

Elle détourna son regard, cherchant quelque chose d’autre à dire, mais rien. Le néant, elle sentait la gêne monter, ses doigts jouaient nerveusement dans sa longue chevelure, génial. Elle avait totalement réussi à rendre un moment professionnel en total embarras. Le coude contre le comptoir, balbutier et cette proposition à une inconnue… Manquait plus qu’on lui rit au nez et elle fondrait en larmes.

Zut. Elle l’avait vue, dans l’embarras du moment elle avait simplement secoué la tête pour ne pas inquiéter sa cliente bien qu’elle allait se retrouver avec un bleu bien sympathique. Oublie pourtant cet instant douloureux en voyant son regard illuminé lorsqu’elle lui offre la bouteille. L’antiquaire appréciait ce genre de moment, lorsque quelqu’un trouvait la perle rare dans sa boutique, ça valait de l’or. Un rire léger se laisse échapper de ses lèvres en la voyant faire une révérence, l’applaudit rapidement avec un « Oooh » en la voyant faire avec son tricorne, émerveillée, la jeune femme était incapable de faire quoique ce soit d’habile avec ses deux mains.

Stella eut un léger sursaut en sentant la main de la pirate dans ses cheveux, tout simplement surprise, car ça l’avait fait sortir de ses pensées. Fronce légèrement les sourcils, les joues gonflées en la sentant l’ébouriffer, mais pas en colère pour un sou, ça avait même calmé son petit cœur, apaisé son angoisse. Rassurée par le pétillement de cette nouvelle rencontre, elle arbora de nouveau un sourire chaleureux en écoutant ce qu’elle avait à dire. Yeux illuminés lorsque la fameuse Jamie Hook mentionna son envie de voir le lagon. Oh c’était si beau, elle avait hâte de lui montrer cette merveille.

« Ravie de l’entendre ! C’est un très bel endroit. »

Le rire du pirate était communicatif, Stella avait manqué de la suivre dans ce rire éclatant, se contentant d’offrir un grand sourire avant de prendre un air pensif, réfléchissant à ce qu’elle venait de dire. La jeune femme haussa les sourcils, se rendant soudain compte qu’elle ne s’était même pas présentée, quelle malpolie elle faisait. Portant une main à son torse pour se désigner, elle arbora de nouveau son air plus pro, ne sachant pas réellement comment se présenter de façon amicale, n’ayant que très peu d’amis.

« J’en oublie la politesse, navrée. Je m’appelle Stella Lunafall, simple antiquaire ennuyeuse. Si c’est compatible avec mon travail ici et que je suis à la hauteur, pourquoi pas ? Je suis curieuse d’en apprendre plus sur ton équipage. » dit-elle avec un sourire prononcé.

Un sourire chaud et un léger rire qui s’en suivit, pourquoi pas après tout. Sa petite vie était bien tranquille et bien qu’elle aimait son calme et sa solitude prospérant depuis une bonne décennie maintenant, il était peut-être temps pour elle de sortir de sa bulle et s’ouvrir au monde. Elle n’avait jamais réellement partagé ses aventures avec quelqu’un d’autre que Charles et ne sortait pas sans une bonne raison, peut-être que c’était l’occasion d’en découvrir plus sur elle-même et le monde qui l’entourait. Stella était -elle, mais si elle partait à l’aventure c’était avec un objectif bien précis en tête et elle avait tendance à plus noter sur ce qu’elle trouvait plutôt que sur les alentours, chose qu’elle avait pourtant pris l’habitude de faire en arrivant. Il faut croire qu’après avoir fabriqué son cocon protecteur, il était bien difficile d’en sortir.

« Je ne sais pas si ce sera aussi passionnant qu’espéré, mais je suppose que je peux au moins apporter mes connaissances sur les merveilles que l’on va trouver. »

La demoiselle faisait référence à son pouvoir, mais elle préférait ne pas le dévoiler immédiatement, se disant qu’elle ne voyait que des traces de la vie de ces objets et ne pouvait pas raconter la vie de leurs anciens propriétaires, ce qui pouvait être très intéressant et mener à la raison de leur abandon. Parfois c’était simplement un trou noir jusqu’à ce qu’ils soient récupérés par quelqu’un, et parfois c’était douloureux, ils avaient été mal traités ces pauvres bijoux. Enfin, elle ne voulait juste pas donner de faux espoirs à cette belle pirate qui avait l’air d’en attendre beaucoup d’elle, sera-t-elle à la hauteur ? Pouvait-elle réellement lui apporter quelque chose d’excitant ? Elle ne le savait pas. Stella finit par laisser sa curiosité l’emporter, questionnant la jolie dame.

« Tu as des attentes particulières ? Quelque chose que tu aimerais trouver, ou retrouver ? Ou c’est simplement de la soif d’aventure ? »

Stella avait posé des questions simples, mais dont les réponses pouvaient en dire long, son regard passant du coffre au trésor à Jamie, chevelure flamboyante.

Le petit bout de femme ne pouvait qu’acquiescer aux paroles de Jamie, ne pouvant nier que ses petites escapades à la recherche de trésors oubliés la faisaient se sentir bien plus vivante que n’importe quel autre moment de sa vie. Tout était bien calme, redondant, peu excitant. C’était pourtant ce genre de rencontre qui la faisait relativiser, si elle n’était pas dans ce train de vie, elle ne pourrait pas découvrir des personnes aussi enjouées et curieuses, illuminant son quotidien terne.

Stella prit ensuite un certain temps de réflexion avant de lui offrir de nouveau un sourire, histoire de la rassurer sur le fait que non, elle n’était pas ignare, ce n’est tout simplement pas le métier le plus connu et dont les ficelles sont présentées au monde entier.

« Non du tout ! Ça ne court pas les rues après tout. Huuum. C’est plutôt de la chance, oui, tomber sur un objet sans propriétaire avec une histoire et dans un lieu improbable… C’est ceux-là qui sont le plus intéressants en général. Il arrive que certains clients me demandent de les recontacter si je trouve quelque chose en particulier, mais globalement, ils viennent juste par curiosité et repartent avec une pièce qui leur a sauté aux yeux, ou bredouille. »

Léger rire cristallin, il n’était pas rare que les curieux attirés par l’aspect atypique de sa boutique finissent par simplement partir, ne comprenant pas tout cet intérêt porté sur des objets censés tomber aux oubliettes. A contrario, certains trouvent leur bonheur et leur apportent une nouvelle vie, des nouveaux souvenirs. Son expression qui s’adoucit en écho au rire de la jeune femme à la chevelure flamboyante, son rire était communicatif même si gêné, elle avait l’impression d’avoir un rayon de soleil ambulant dans sa boutique, ça faisait du bien. Stella tapota un instant sur son comptoir, avant de sortir un carnet : son agenda où résidait son emploi du temps, histoire de ne pas lui donner une disponibilité au hasard qui se trouverait ne pas en être une au final.

« Je serai tentée de dire : immédiatement. Tu es la seule personne ici, rien ne me retient de fermer boutique plus tôt. Sinon, il se trouve que demain est mon jour de repos ! J’imagine qu’il va falloir quelques préparations avant de se lancer, préparer un pique-nique… un kit de premier secours, au cas où... »

Et la liste des choses à ne pas oublier était longue, partir à l’aventure, oui ! Mais partir avec un minimum de précautions et de quoi survivre s’il arrive un imprévu.

Les joues qui rosirent immédiatement, par embarras ou simple timidité, elle s’était montrée un peu trop enthousiaste peut-être, pourtant, Jamie semblait agréablement surprise. Tourne rouge écrevisse en réponse au rire de la pirate, à son commentaire. Petite introvertie qui n’avait pas l’habitude d’être aussi expressive, de montrer son enthousiasme en élevant la voix ; ce n’était pas si mal, elle lui faisait découvrir d’autres facettes qu’elle ne soupçonnait pas. Éblouie par Jamie qui l’avait prise au mot, elle était prête à s’en aller à l’instant paradoxalement à la jeunette qui avait tendance à préparer ses expéditions bien à l’avance.

Petite moue se dessinant sur le visage. Non, en effet. Elle n’avait jamais eu à utiliser ce fameux kit, elle se disait juste que c’était mieux de prévenir plutôt que guérir… Peut-être un peu biaisée par sa maladresse qui la faisait parfois chuter dans les escaliers, ou se cogner contre les meubles comme plus tôt ; terrifiée à l’idée d’avoir une plaie qui s’infecte également. Stella prit un temps de réflexion avant de tourner quelques pages de son carnet, se rendant sur deux pages remplies de choses à ne pas oublier et objets à prendre ‘au cas où’. Petit rire gêné face au brouillon de ces fameuses pages.

« Hum… Quelques broutilles.  »

Et elle disait ça le plus sérieusement du monde. Son sac de randonnée était plein à craquer à chaque fois qu’elle partait à l’aventure, rentrant parfois avec plusieurs sacs qui rendaient le chemin du retour bien plus long et périlleux que l’allée.

« Juste le nécessaire ! Quelques sacs, une casserole, des conserves, de l’eau, une tente, des allumettes, une trousse de premier secours avec des bandages, antiseptique... »

Et la liste est longue, bien trop longue. La jeune femme continuait dans sa lancée jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle énumérait des choses presque inutiles depuis au moins cinq minutes.

« Oh. Pardon. C’est juste que si jamais il arrive quelque chose, vaut mieux être préparé, non ? Je me prends sûrement trop la tête… On peut le faire à ta façon, j’aimerais essayer sans préparation ! J-je suis a-aventureuse, ou-ouais ! Je peux le faire sans mon kit ! »

Dit-elle en serrant les poings, les sourcils froncés avec un ton miroitant sa motivation. Elle pouvait faire confiance à Jamie après tout, pourquoi ne pas se laisser porter par le vent ? Par cette tornade rouge. Les yeux brillants, elle regardait maintenant la pirate, attendant le feu vert et prête à s’armer de son sac très peu rempli actuellement.

La petite antiquaire laissa échapper un petit rire gêné, oui, elle était à la limite de trimballer une roulotte, mais étonnamment un énorme sac suffisait, bien que terrible ennemi de son dos délicat. Elle songea un instant à réellement penser à embarquer une roulotte pour ramener encore plus d’objets, mais se ravisa rapidement, elle n’avait pas la force physique ni la stamina pour se permettre un tel périple. Rentre en hamster mode lorsque James lui ébouriffe la tignasse, les joues gonflées un court instant, quelques restes d’enfantillage qu’elle eût gardés. Pas saoulée ni vexée pour un sou, elle appréciait même ce petit contact complice.

Elle s’empare rapidement des objets mentionnés par la pirate, prenant un petit paquet de gâteaux ainsi que son carnet un crayon en plus, histoire de grignoter sur le chemin ou sur place et noter quelques mots sur les lieux et objets trouvés. À peine eut-elle terminé d’empaqueter que sa copine d’aventure saisit sa main, l’entraînant hors de ce lieu qui lui semblait si sécuritaire. Stella prit rapidement le temps de fermer à clé sa boutique chérie avant de prendre un temps pour réfléchir et finalement répondre, décidément, elle n’arrivait pas à être impulsive.

« Gauche, normalement ! Je ne suis plus très sûre du chemin exact, mais on finira bien quelque part. »

C’était la chose la plus incertaine qu’elle avait dite, improbable même. Itinéraire très peu mémorisé, elle espérait simplement qu’elles arriveraient à passer par le seul endroit que la forêt ne recouvrait pas. À partir de ce moment-là, elle avait décidé de se prendre un peu moins la tête, de laisser le vent, cette tornade rouge l’emporter. La rejoint dans son rire, lui rendant avec un peu plus de légèreté ce petit coup d’épaule, elle aussi savait s’amuser ! Resserre sa main dans la sienne, ce petit point de courage, de motivation. Hausse les sourcils à sa question, c’est vrai, elle était tellement habituée de son train-train quotidien qu’elle avait tendance à oublier qu’elle avait beaucoup traîné avant de se poser à Marmoreal. Souvenirs remplacés.

« Je me suis très vite installée ici, mais j’ai cherché à explorer Wonderland en arrivant, tâter un peu le terrain et me faire une idée du lieu que c’était. J’ai traîné quelques années sans domicile fixe puis… Je ne sais pas, c’est Holy Crown qui m’a le plus attiré, j’ai directement eu l’impression d’être chez moi ! Et depuis je ne quitte que très rarement le royaume. »

Parce qu’elle avait sa routine. Parce qu’elle oubliait qu’elle devait trouver quelque chose. Que les rares moments où elle quittait son chez-soi, c’était pour ramener toujours plus de bibelots.

« C’est vraiment un très bel endroit. J’ai parfois l’impression que c’est… une utopie. Tu penses quoi de Holy Crown ? J’imagine que tu as visité beaucoup d’endroits, mon avis est certainement biaisé donc j’aimerais beaucoup avoir le tien. »

Tout était pourtant faux. Factice. Un bonheur dissimulant une sombre vérité. Stella en faisait partie, derrière cette façade, cette bonne samaritaine qu’elle tentait d’être, se cachait cette part d’ombre ; abysse, monstre qu’elle était, tueuse passée qu’elle était. Mais chut. Elle n’en savait rien. Souvenir heureusement omis, secret difficilement retrouvable.

Rire communicatif qu’elle avait la pirate, elle ne put s’empêcher d’elle-même se mettre à rire à l’unisson avec elle. C’est vrai, le chemin n’était pas le plus important, c’était ce qu’elles allaient découvrir qui l’était. Au fond, pourquoi se prendre la tête ? Il était temps qu’elle apprenne à se relâcher, à cesser de calculer chacun de ses mouvements. Jamie ne lui laisse pas le temps de faire autrement, au final, la happant dans son engouement, sa motivation quant à cette expédition, petites jambes de rat de bibliothèque peinait à suivre, mais mettait les efforts qu’il fallait pour tenir le rythme, rentrer dans la danse.


Hausse un sourcil pendant que la pirate exprime son avis sur les holy crowns, pas tout à fait en désaccord avec ses propos ceci dit… Bien qu’elle n’avait eu que très peu de contact avec le reste du royaume, il est vrai que l’atmosphère qui y régnait ainsi que les personnes y demeurant étaient… particulières. Tout semblait à sa place, droit, sans jamais un quelconque hors piste. L’antiquaire écoutait avec attention, buvant ses impressions et fort intéressée par tout ce qui se disait, c’était toujours gratifiant d’avoir l’avis de quelqu’un sur divers sujets. Celui-ci permettant d’avoir des avis contrastés. Stella outrée, réagit au rythme de ce que raconte la pirate, son visage passait par diverses expressions pour finir par éclater de rire, un rire clair, étonnamment lumineux pour ce petit clair de lune. Elle ne mâchait pas ses mots la Jamie, la situation paraissait absurde, donnant l’impression de sortir tout droit d’une pièce de théâtre.

« Quelle première impression ! Je peux comprendre ton point de vue sur le royaume maintenant, haha... »

Elle avait mal aux abdos et aux zygomatiques Stella à force de rire, c’était rare qu’elle s’esclaffe de la sorte, comme si la présence de sa compagne d’aventure la désinhibait totalement.

« Je te rassure, tu ne ressembles en rien à un guide touristique ! Les enfants ont beaucoup d’imagination. Ceci dit, un guide peut être très utile lorsque l’on voyage dans une contrée lointaine ! C’est important d’avoir quelqu’un pour nous guider, j’aurais plutôt pris ça pour un compliment !  »

Oui, on ne pouvait pas non plus dégrader le métier de guide touristique, bien que c’était fort déplacé et improbable de sortir ça à une pirate.

« D’ailleurs tu es la première pirate que je rencontre ! J’en ai entendu parler, mais c’était surtout historique ou sujet de quelques contes. J’imagine que tu as choisi le terrain neutre pour habitation ? Je te vois mal faire partie de la contrée des coupeurs de têtes… C’est comment ? »

Parce qu’elle avait du mal à prononcer le nom de ce royaume, qu’elle n’était pas censée avoir des relations avec ses habitants. Certitude que la belle rousse était libre comme l’air, vagabonde, guidée par ses envies. Elle l’enviait, avait envie de suivre son exemple, en savoir un peu plus sur son train de vie.