Au diable la Reine, au diable les règles. Tu prends le risque de t'attirer les foudres, tu prends le risque d'empirer la situation. Anaël complice, Anaël au courant de la situation - il te refile la clé magique qui ouvre toutes les portes, et tu t'enfuis ce soir de cette prison.
Tu espères qu'Ernest saura te pardonner (même si ce n'est pas son métier) ; tu espères ne pas croiser Jubilee ; tu espères que le dragon est toujours enfermé et que le Bandersnatch ne sera pas lâché trop tôt pour venir te chasser. Une partie de toi Andy cherche simplement à être oubliable, oubliée et ce, à jamais.

Enveloppée d'une chaperon sombre, tu évites les gardes en passant par les cuisines. Contournes les jardins et retrouves la rue principale de la capitale en sautant par dessus un fourré. L'air respire la liberté en cette nuit étoilée, et tu entames ta marche folle sur les pavés.
Divine et exquise première sortie en plusieurs semaines de captivité, tu goûtes enfin au renouveau et à l'espoir.
Direction Neverland pour retrouver Esthef Belgrade, en espérant que celui-ci ne t'ait pas complètement effacé de sa mémoire.

Tournes dans une ruelle et manques de bousculer un pauvre passant. Sa voix est aussi douce que son petit sourire et tu ôtes ton capuchon, te confondant en excuses essoufflées.

— « Quoi ? »

Tu tentes de ne pas égarer ta politesse malgré ton air pressé.

— « Je suis désolée, vraiment. »

Il a l'air pourtant gentil, et peut-être saura t-il t'aider.
Mais à quoi d'ailleurs, aurais-tu seulement besoin d'aide ?
Tu sais où tu vas, par ou tu dois passer, et tu sais surtout que tu dois te dépêcher.

Ses questions te prennent de court, demandent un minimum de réflexion et ça te rend confuse de t'y attarder.

— « Euh... Je... Non. Oui. Je n'ai pas peur, je sais où je vais. En sécurité. »

Le détailles du coin de l'oeil alors que tu le contournes, préoccupée par un instinct de femme qui te hurle de filer.

Tu ne comprends pas, tu n'arrives pas à suivre le fil de la conversation. Tes pensées sont aussi dispersées que ne l'est ton regard hagard. Tu tentes d'avancer dans une direction mais sa voix derrière toi te rappelle toujours à reculer (au lieu d'accélérer). Ses mises en garde t'interpellent, sincèrement effrayé par la nuit - et c'est bien la première fois.

Tu veux le croire, alors que la boutique d'Aliocha n'est plus très loin. Là-bas tu sais que tu pourras passer la nuit et les prochaines si jamais Crims devenait ton ennemie. Mais face aux mensonges bien ficelés, tu te crispes et décides de faire confiance à une bonne âme bien intentionnée.

— « Vous êtes sur ? Je n'ai vu personne. »

Ce n'est pas la méfiance qui te fait douter, mais le pressentiment primaire et féminin qui fait grouiller ton ventre. Tu te pinces la lèvre et te forces à sourire, tendue.
Quand il se présente, tu trouves son prénom très joli.
Mais réponds en hâte.

— « Laë. »

Pourquoi est-ce que tu mens Andy ?
Quoique ce n'est pas totalement faux - mais plus vraiment vrai.

La main sur ton dos t'arrache un frisson et tu baisses les yeux, remets ton capuchon sur la tête, ne laissant que les longs cheveux roux tomber sur le buste.

— « J'ai un ami qui habite non loin d'ici. Je vous remercierai infiniment de m'y escorter. Un apothicaire, ça vous parle ? C'est le meilleur de la capitale. »

Peut-être que c'est juste ton imagination, Andy.

C'est un réel plaisir - qu'il dit entre ses lippes. Tu frisonnes, un peu rassurée tout de même quand il épelle le patronyme d'Aliocha. Il connait sa boutique, il va t'y accompagner. Ton coeur bat fort Andy, parce que tu as hâte de le retrouver. Tu aurais du le prévenir par lettre de ton évasion mais tu avais eu trop peur qu'elle ne soit interceptée.

— « Oui, en effet, c'est par là. »

Tu répètes pour te rassurer, et lentement tu t'écartes de lui de quelques centimètres. A mesure que vous marchez côte à côte, tu l'écoutes divaguer et ses suppositions malsaines te font grincer des dents. Ce n'est pas très fin, à peine subtil et tu te sens partir, fiévreuse, la gorge nouée. Les yeux piquent un peu alors que tu te permets de lui de le rappeler à l'ordre.

— « Votre mauvais-goût m'indispose, monsieur. »

Q'il cesse donc de te faire peur, tu n'es déjà pas très rassurée.
Vous dépassez la boutique et tu te retournes brusquement, le coeur tambourine dans ta poitrine, prêt à faire exploser ta cage thoracique. Est-ce un menteur, un mythomane ?
Non... S'est-il trompé ?

— « Mais... c'était...? »

Dos à lui, la question te glace le sang.
Craignez-vous la douleur, Laë ?

Tu l'observes par dessus ton épaule, sans répondre. Actives ton pouvoir, prête à prendre la fuite. Et le voilà qu'il perd la boule, qu'il se met à hurler de démence. AH ! Un fou, ton instinct criait donc vrai depuis le début de vos échanges. Tu veux courir mais tes jambes se bloquent, c'est une peur si ancrée qu'elle paralyse même les cordes vocales.

— « MERDE. »

Et quand enfin tout se libère c'est un juron étouffé qui lutte à sortir alors que tu te mets à courir pour le fuir, pour rejoindre la maison, celle de Baba Yaga.
Sprint de la survie au travers des ruelles - plus rapide qu'une gazelle.

La course est folle, effrénée. A deux doigts d'atteindre la porte de la boutique d'Aliocha, à deux secondes d'être en sécurité. Mais la petite épine se plante dans la main et tu lâches un petit aie avant de chuter lourdement sur le sol.
Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi tes muscles sont engourdis ?
Pourquoi t'as la tête qui tourne ?
Et pourquoi ses pas semblent si lourds ? Dans les flaques d'eau ça claque ça te baffe.

Plic ploc et le corps se soulève pour venir embrasser le mur, mais de manière douloureuse.
Tu geins, larmes aux yeux, car la panique gagne l'esprit gangréné par la peur. Alors tu respires bruyamment, peines à te débattre. Gigotes à peine alors que tu murmures.

— « Vous n'êtes pas... artiste.. peintre... n'est-ce pas ? »

Boule dans la gorge tout devient flou tout devient fou. Tu tentes de te dégager mais la poitrine s'écrase encore plus fort sur la pierre. Fuck fuck fuck. Mais c'est pas possible d'être aussi poissarde. Fallait que le premier psychopathe du coin ça soit pour ta pomme.
Tu tentes de négocier.

— « Je suis recherchée par la couronne. Vous aurez des problèmes avec la Reine elle-même si je disparais!!! »

Pitié, pitié, pitié.