Joueur et moqueur, le maire niait d’un mouvement de tête.
Lui aussi persuadé que dans ce duel de caractère bien trempé, il en ressortirait vainqueur. Mais Vanille ne consentit pas à lui donner raison bien au contraire. Mais au lieu d’appuyer son propos, elle se contenta de laisser planer le doute. Elle n’avait pas besoin de chercher la petite bête davantage : ses certitudes lui suffisaient. Imbue de sa personne, comme toujours. Arrogante comme de coutume, la fillette ne changeait pas.
Elle s’accorda sur une chose avec lui cependant : le conflit aurait fait trembler Nerverland comme aucun autre. Comme deux montagnes qui se rentraient dedans, essayant chacune de détruire l’autre, voulant être la seule dont le sommet culminait à des hauteurs que même l’œil ne pouvait observer. Et lorsque le maire changea de sujet, prétextant que son amie pouvait être une mère de choc, celle-ci lui répondit qu’elle n’était pas encore prête. Qu’elle ne se sentait pas encore avoir une descendance :
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Faudra déjà trouver le père, tu sais ? À moins que je tombe enceinte grâce à une magie jusqu’alors inconnue, il va falloir semer la petite graine dans la matrice prévue à cet effet. Elle pouffa de rire puis reprit :
en d’autres termes, il faudra que je tombe amoureuse. Je me vois mal être une mère célibataire… à moins que je ne te confie les marmots quand j’en ai marre d’eux ? Oh, mais en voilà une bonne idée ! Déjà un problème à rayer de la liste ! Le pire dans tout cela ? Impossible de savoir si elle était sérieuse ou pas. Pauvre Esthef. Il fallait s’accrocher avec une amie comme elle. Quant à l’intéressé, il fit comprendre qu’avoir des mouflets n’était pas un projet qu’il envisageait ; usant de l’excuse magique : ne pas vouloir que son enfant lui ressemblait. Ce qui ne manqua pas de faire tiquer la blondinette. Propos qui l’exaspéraient ; comme si l’homme était incapable d’être responsable.
Lorsqu’elle voulut lui faire remarquer cela, celui-ci posa un autre problème… encore plus insoluble que le précédent : la nature de celle qu’il aimait. Charline et son incapacité d’engendrer. La doctoresse se souvint alors du monde dans lequel elle vivait ; les différentes créatures qui l’habitaient et surtout : que tout le monde n’était pas logé à la même enseigne. Et Esthef avait aussi raison sur un point, celui qui chagrinait le plus : il allait vieillir et mourir, comme la fillette ; Charline, elle… en avait pour l’éternité.
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J’avais oublié ce point également. Alors ça sera juste toi et elle jusqu’à ce que tu… bref. Tu dois vraiment être fou d’elle pour n’être qu’une parenthèse féerique dans une éternité nauséabonde. Cela dit… je doute que tu sois le seul dans cette situation. Je me demande comment les autres le vivent… cette inéluctabilité, cette épée de Damocles au-dessus d’eux. Interrompant ses propos pour venir s’installer sur ses genoux, le poussant à coller son dos à la banquette. Les mains sur ses épaules, les saphirs plongés dans son regard, elle reprit :
j’espère que cette parenthèse sera la plus belle de son existence. Mieux vaut être heureux qu’un événement soit arrivé que triste qu’il soit terminé pas vrai ? Bon par contre, t’es bien mignon, mais pour ce qui est de MES gosses, t’as intérêt à t’en occuper comme des princes et princesses hein ? Parce que sinon la maman viendra se venger, et tu en prendras plein la tronche. Regard doux, propos menaçants.
Elle lui sourit de nouveau avant de l’enlacer.
Esthef le savait, plus que jamais, il avait son soutien et son amour.
Jusqu’au bout.