C'était pas mal, pour un artiste de cirque... AH AH ! Tu avoues ! ENFIN ! Voilà bien trop de jours qu'on se tourne autour, à te prendre au mot, te dire que si tu franchis le pas tu ne le regretterais pas car, quoi qu'on en dise, il n'y avait pas meilleur amant que lui. Pour Malone, tout n'est que pari, fierté. Avec toi, il avait une réputation à tenir, un tort à te donner. Car il aime avoir raison, il aime la satisfaction que lui procure le fait de surprendre son public. Tu as dit que tu avais déjà goûté à ce qui se faisait de mieux à Wonderland, il t'a répondu que tu n'avais rien connu encore. Il a joué, les galipettes sur ce lit spécialement loué pour l'occasion (car le hamac, il l'a essayé, n'est en rien pratiques pour ce genre d'activité) l'ont fait triompher. Et il est fier, Malone, fier d'avoir gagné son pari. Croise les bras derrière sa nuque, le sourire aux lèvres, il est allongé comme un roi. C'est un peu comment il se sent maintenant. S'il savait, que le jeu pour toi est tout autre...

— Tu parles ! T'as le sourire qui fait trois fois le tour de ta tête, si j'ai pas explosé le record d'amant numéro 34 je ne sais pas ce qu'il te faut.

Sourit au baiser, pour lui ce n'est qu'un jeu, un vaste jeu. Pour lui, c'est un pari entre amis, un bon temps qu'on s'accorde parce qu'on s'apprécie. Il a toujours été comme ça, Malone. La liberté est compartimentée. Il dit exploser les cadres, pourtant, il range soigneusement ses relations dans des cases. Amour et désir ne se côtoient pas. Il dit souvent, Malone, que le cœur et la bite sont deux organes totalement différents. Pour lui, ce n'est qu'une histoire de queue, pour toi c'est une histoire de cœur. On n'en est pas rendu.

— Avoue, c'était plus que pas mal.

S'appuie sur son coude, te regarde, les yeux qui te bombardent de "HEIN HEIN HEIN ?" parce que la victoire n'est totale que quand il y a victoire par KO.

— Moi en tout cas j'ai adoré.

Un petit coup de pouce à ton ego pour te faire avouer qu'on a rempli le contrat et bien plus encore.

Roule des yeux, théâtrale, toujours. Ah, on en est donc là, Simon ? Tu uses de la technique du "ouais, j'ai fait tout le travail" pour ne pas avouer que l'adversaire est doué ? Arg, il aurait dû s'en douter que tu ne rendrais pas les armes aussi facilement. Une moue déçue qui orne son beau visage alors que boudant, il s'approche un peu plus.

— Ah ouais, juste toi ?

Mais quand tu prononces enfin que tu accordes le point, il exulte, Malone. Dans un geste de victoire, il abaisse son poing dans un "Y E S" triomphant. Il est encore plus proche, maintenant. Sa moue aussi vite disparue qu'elle était venue, un sourire large et ravageur aux lèvres, car il n'a jamais été autant dragueur et mal-meneur de cœur que quand il gagne, Malone.

— AH AH ! Tu avoues enfin ! Mec, c'est pas trop tôt, j'ai presque cru que tu allais quitter ce pieu sans me dire que j'étais un bon coup.

Un sourire taquin, dans l'euphorie de la victoire il ne fait plus attention à toi, laisse ses instincts et ses envies les plus immédiates à l'air libre, les traduits dans des baisers dans le cou jusqu'à la naissance de ton menton.

— C'est bien quand tu dis la vérité, Simon.

Bouffon, Malone. Il serait le premier à partir gêné (peut-être même à fuir en courant) si tu n'étais pas aussi bon menteur, Simon. Tant qu'on joue, il se fait le plus doux des agneaux, mais dès qu'on ne joue plus il frisonne et disparaît loin des projecteurs. Il oublie parfois, Malone, qu'il n'est pas le seul à avoir un cœur incontrôlable et insolent, et que celui des autres aussi peut saigner comme le sien. Viens chercher tes lèvres les mains baladeuses, t'es vraiment un bouffon Malone.

Il sait. Aussi insupportable que ça puisse être, trop conscient que son principal défaut ce sont les mots qui sortent sans filtre, sans réflexion. Une liberté qui coûte autant à toi qu'à lui. Seulement Malone n'est pas un homme qui travaille ses manquements, c'est un homme qui les cultive. On a les héros qu'on mérite.

Sourire espiègle quand de nouveau, on s'embrasse, on aime ces jeux où s'allient plaisir et douceur. On aime ce qui fait du bien, parce que la vie a beau être éternelle, elle n'en reste pas moins faites pour être un gigantesque show où l'émerveillement et le rire passent au-dessus de tout. Malone est un vendeur de rêve, Simon, il offre le spectacle qu'on désire que ce soit sur la piste ou dans les draps. Et quand tu le sers contre toi, il rompt le baiser dans un rire. Fait plus mal à chacun de ses mots, le pire, c'est que la cruauté est là malgré lui.

— Bah alors ? J'vais pas m'enfuir tu sais ?

Oh, si seulement il savait. Quand il remonte les mains, le long de ta peau pour venir croiser les bras sur ton torse, presque ingénue avec ses pieds qui battent l'air.

— Je t'aurais jamais cru aussi câlin. Et comme on ne perd jamais une occasion de mêler l'utile à l'agréable : si tu viens voir le spectacle demain, on pourra peut-être remettre ça. J'ai un divan très confortable en coulisses. À moins que l'épouvantail qui te sert de boss ne te donne encore du travail ?

Amusé, quand on te regarde, poing sur la joue, aucune idée d'à quel point ça peut être traître, c'est peut-être bien ça le pire. Un rire franc sur nos lèvres, ah ouais ? Tu es un homme très demandé ? Excuse nous, notre altesse, on ne savait pas à quel point que tu étais une vedette dont le temps était une ressource précieuse et rare.

— Demandé, demandé... Ouais, ceci dit vu la gueule de ta bande, j'imagine que t'as du boulot ouais.

Pas d'offense, on respecte ton crew, Simon. Fin, ton crew, ta secte, t'a compris, on respecte quoi. Mais faut bien admettre qu'ils sont peu à briller par leur style. Tout en noir, tout dans le triste. Si tu veux son avis, ça manque de paillette dans Halloween City.

— J'imagine que t'as toujours pas réussi à faire porter autre chose que noir ou du blanc à ton patron ? Pourtant avec ses yeux du pourpre ou un truc plus voyant ce serait du plus bel effet. Enfin, pas que je t'apprenne ton métier, mais le style enterrement c'est pas ce qui se fait de mieux en matière de grosses impressions.

Encore une fois, des paillettes, quelque chose de près du corps, c'est dans l'excentrisme qu'on trouve aussi le charisme. Enfin, ça c'est-ce qu'on pense. Il nous semble que toi aussi, tu penses de façon similaire. C'est peut-être pour ça qu'on s'entend bien aussi. On a confiance en ton sens de l’esthétisme, on prie secrètement pour que ta bande de gothique le soit aussi. On se demande ce que tu leur trouves, d'ailleurs. On n'a jamais vraiment posé la question. On pourrait te la poser maintenant, mais tu surprends, comme d'habitude, avec des idées qu'on n'aurait pas trouvées lui-même.

— Oh, tu veux dire que tu veux bien jouer les stylistes ?

On se redresse, le sourire béa aux lèvres.

— Mais ça va me coûter combien cette histoire ? Non pas que je veux pas, au contraire je veux comme tu veux ton nouveau manteau en fourrure, mais... Je suppose que ce sera pas gratuit, si ?

Et si, c'est gratuit. Et tu sais ce qu'il aime Malone ? Plus que l'amusement ? Plus que le spectacle ? La gratuité. Il aime, Malone, n'avoir rien à payer, n'avoir rien à donner. Plaisir d'offrir, joie de recevoir, on aurait pu graver ça sur notre tombe, c'est d'ailleurs très certainement ce qu'on va faire. On ne se débarrasse pas non plus de notre sourire, on ne se débarrasse pas non plus de nos yeux qui pétillent. Tes mains sur nous toujours un délice. Ah, Simon, tu fais de nous un clown heureux !

— Oooh, oooh, et c'est quoi tes idées ?

Sale gosse, irrésistible, presque un enfant devant ses jouets le jour de Noël. On se mord la lèvre, on veut tout savoir, tout imaginer, on aime parader, tu sais, on aime être vu, on aime être cette étoile brillante qui éclaire le chapiteau.

— J'pourrais t'embrasser là, tu sais ?
 
Grand sourire, notre façon de te dire merci, de te témoigner que ça nous plaît cette idée de styliste.

Comment ça, on verra le moment venue ? AAAAAAAH supplice que tu lui infliges, Simon, tombe sur son oreiller, théâtral, comme mortellement blessée. AAAAH Douce, injustice, tu ne dis rien, pourtant, on meurt de curiosité de savoir, rien qu'un petit indice, rien qu'une description précise et hautement détaillée de ce que tu nous réserves, c'est tout ce qu'on demande, est-ce déjà trop demandé ? Moue blessée, quand on papillonne des yeux, prêt à jouer à l'enfant boudeur pour t'arracher la moindre information.

— Mais tu veux rien me dire, alors non je t'embrasserai pas, nah !

Presque triomphant, quand on s'approche au bord de tes lèvres, on veut visualiser nos futures tenues alors on va mettre toutes les chances de notre côté.

— Tu veux un baiser, alors je veux une de tes idées d'abord.

Rire sincère, presque cruel, Malone, c'est que c'est lui qui mène la danse, pas habitué à partager sa lumière.

— Alleeeeeeeeeeez c'est un deal raisonnable, un mot, un bisou, y a des gens, ils seraient déjà en train de déblatérer de la poésie à l'heure qu'il est.

Toujours la mine boudeuse, qu'on exagère, en prenant notre regard le plus larmoyant. Allez, Simon, allez.

Caprice, tu ne fais rien que des caprices, Malone. Veux avoir le beurre, l'argent du beurre et le cul du crémier en prime, parce que t'as toujours été gourmand. Tu veux la lumière, l'aventure, le rire, la passion. Tu veux la vie dans son plus beau spectacle dans son plus ambitieux show. Tu veux, tu veux encore, même si tu forces la main des gens parfois. Et le pire, c'est que tu n'en culpabilises pas vraiment, voit dans les œillades suppliantes que tu lances à Simon un jeu dans lequel tout le monde s'amuse (si tu savais...).

Et quand ton ami se lève, tu cries victoire ! Te redresse tout sourire, alors qu'il s’affaire déjà à crayonner, ambitieux, passionné, tu l'aimes aussi pour ça, Simon. Et tu dois avouer préférer ses grands gestes sur le papier que l'habit gris qu'il te décrivait plus tôt. Le gris, ce n'est pas un habit de fête et tout ce qui n'est pas fête n'est pas toi, Malone.

Bientôt, il brandit le dessin face à toi. Comme tu t'y attendais, c'est excentrique à souhait, c'est tout ce que tu aimes. Mélange de texture et de genre, à la fois sobre et percutant, simple et complexe. Le genre de tenue facile à enfiler, mais dont on se demande là comment diable, on a pu la concevoir. Il capte si bien, Simon, ce qui fait tes goûts et tes couleurs. Large sourire, quand tu contemples la feuille, quand tu passes le doigt sur les détails magnifiques.

— Tu penses pouvoir rendre cette merveille réelle bientôt ?

Et tu sais, Malone, que tu as été un peu égoïste. Simon quémande sa récompense et tu n'as pas le cœur de la lui refuser. D'autant plus que le feu du jeu gronde dans ton bas-ventre et que le frisson de ses bras vient déjà à manquer.

— Je crois que tu as, en effet, plus que respecter ta part du marché.

Sourire tendre, mais yeux carnassiers, quand tu viens embrasser sa nuque, se coller à lui.

— Ça m'a tellement plus... J'ai comme une envie de faire quelques acrobaties avec toi. Ce paiement t'ira ?