Elle s’était changée pour l’occasion. Non pas d’habit car ses robes étaient l’essence même de sa garde-robe, bien avant son arrivée à Wonderland. Un fait dont Anne en était bien certaine. Mais c’était l’abandon de cette longue chevelure d’or qui la caractérisait et plus encore, était source de problème lors de chacune de ses escapades. Alors Anne était devenue brune, Anne avait opté pour un carré. Anne avait maigri son corps, Anne avait espacé ses yeux de quelques millimètres. Et malgré tout, elle était toujours Anne.

Le pas rapide, que jamais on ne pourrait croire craintif. Suit les routes et les panneaux avec une facilité déconcertante, prône presque l’habitude bien que son regard se laisse échapper à plusieurs reprises. Le chemin lui est pourtant connu, mais Anne ne saurait jamais avec exactitude. Gage de sureté qui pourtant, ne l’empêche pas de quitter son royaume protecteur.

Finalement et comme souvent, lorsque Anne n’était pas au Royaume d’Ivoire, retournait simplement au fond de nulle-part. S'aventurait dans la forêt, mais pas assez profondément pour perdre ses repères passées.

Et ses traits qui peu à peu reviennent, alors qu'elle se faufile entre les branches d'arbres. Comme toujours, sa curiosité qui l'a guide jusqu'à l'étrangeté, un bruit qu'elle n'avait jusqu'alors jamais entendu.

A droite, à gauche et fini par s'abaisser légèrement lorsque tout s'arrête.

Et alors elle regarde de bas en haut.
De pattes à gueule.

Face à elle, une bête.
Elle était impressionnante, Anne en était impressionné.
Peut être que la peur aurait du régir son être, mais elle n'en trouvait aucune utilité. Car de toute évidence, si la bête lui voulait à mal, même si Anne tentait de s'échapper, c'est dans sa gueule qu'elle terminerait sa course.

Alors c'est bien curieuse, peut être intrépide qu'elle reste tout simplement stoïque. La bête qui, comme toute action semble vouloir se dissimuler avec ses propres pattes, comme si sa massivité pouvait ainsi disparaître.

C'est pourquoi elle cligne des yeux, une fois, deux fois. Qu'elle s'interroge, se questionne. Jamais Anne n'avait rencontré pareille bête depuis son arrivée à Wonderland. Le non-sens de ce monde lui paraissait pourtant bien clair, alors l'existence de telle créature pourrait être assez sincère.

Bien que curieuse sur la raison de ne jamais être tombé sur semblable depuis tout ce temps. Alors, Anne hésite un instant à s'approcher, mais la bête ne semble déjà pas enclin à être observée, alors elle reste là, près de son arbre et demande simplement :

« Seriez-vous le Gardien de ces lieux ? »

Il serait bien normal que pareille créature possède un grand espace de vie et qu'elle n'aurait pas envie de bouleverser son territoire.

Ses pattes tombent, abandonnent son visage mais la massivité de la bête reste dissimulée dans la pénombre des arbres gigantesques. Anne ignorait si la créature n’avait pas l’habitude de croiser des êtres un peu plus humains, ou s’il était tout simplement timide. Elle n’imaginait pas que son apparence aurait pu en faire craindre plus d’un, peut-être bien qu’Anne aurait dû en être effrayée, en réalité, mais sa peur était, elle aussi, un peu plus humaine lorsqu’on y réfléchissait bien.

C’est d’ailleurs peut-être pour ça, pour ce genre d’attitude qu’on lui répète sans cesse qu’Anne est forte. Qu’elle à du caractère. Car c’est une moue, presque déçue qui se dessine sur son visage.

« Oh. »

Qu’elle s’exprime face à sa réponse. Il était dommage de ne pas rencontrer l’un des gardiens de wonderland, puisse encore en exister dans cette terre étrange. L’espoir qui s’était si rapidement envolé, et alors, Anne avait haussé les épaules.

« Doit-elle chercher quelques choses pour parcourir la forêt ? »

Une véritable interrogation, malgré ce temps incompris, il était évident qu’Anne ne connaisse pas encore la totalité des faits de ce monde. Alors elle était ouverte, enclin à comprendre et étudier le sens de sa question.

L’envie de s’approcher, un pas en avant mais qu’elle refreine aussitôt pour revenir à son point de départ.

« Que peut-on trouver ici ? »

Qu’il connaîtrait sans doute les lieux bien plus qu’elle, voilà ce qu’Anne se disait.

Finalement adossée à l’un des arbres qui l’entourait, Anne semblait prendre place dans cette conversation. Elle qui, d’ordinaire tremblante et peureuse à la moindre rencontre, semblait étrangement apaisée face à la bête. Son esprit embrumé n’avait aucune pensée malveillante et son cœur battait à une vitesse dès plus raisonnable. L’inconscience qui n’avait donc pas besoin de s’essouffler, car la sensation qu’elle n’avait rien à craindre, rien à cacher. Et elle avait tout simplement acquiescé.

« La première fois était difficile, comme les suivantes… »

Un léger silence, elle pouvait s’imaginer le nombre d’alice condamnée à errer dans la forêt tant celle-ci semblait sans fin. Sans doute aurait-elle pu en faire partie si elle n’avait pas été guidé à son arrivée pour finalement, que son chemin croise celui du lapin blanc. De lors, il lui avait fallu beaucoup de temps pour arriver à comprendre un trajet vers ses quelques destinations découvertes.

« Mais Anne est dorénavant habituée à quelques traversés, bien qu’il soit certain qu’elle n’ait pas encore découvert toutes les beautés que puisse offrir cette forêt. »

Et un léger soupir. Lorsqu’elle y pensait, Anne n’était jamais en sécurité nulle part. Que ce soit ce monde qui cherche à la piéger ou bien les pions de la Reine de cœur qui, malgré toutes ces années, ne semblent pas changer d’avis quant à son invitation. Jamais elle ne pouvait garder la tête vide et laisser ses pas la guider.

« Connaissez-vous bien la forêt et ses recoins, bien que vous n’en soyez pas le gardien - ? »

Lorsqu’on y pense un peu plus sincèrement, cette situation pouvait avoir une allure amusante. Anne si calme, simplement adossée sans le moindre a priori sur la bête qui lui faisait face, elle qui pourtant, écrasait son intérieur en tête-à-tête avec l’humain. Confiance bancale et misérable, mais une rencontre des plus intéressante. Une curiosité enfantine, d’avoir trouvé une bête dans la forêt. Elle qui ne l’avait jamais rentrée jusque-là, elle qui n’avait d’ailleurs, jamais rien n’entendu sur pareil être. Personne depuis son arrivée à Wonderland depuis quelques décennies maintenant, ne lui avait dit de faire attention à la forêt, car on pouvait y trouver des êtres à l’allure monstrueuse, mais pourtant, assez amicaux.

Et alors d’un sourire délicat, elle acquiesce une nouvelle fois. Était-il si étrange pour une jeune fille de se promener dans la forêt ? Car autrement, sa liste de lieux à éviter venait de s’agrandir d’un point.

Mais pourtant, ayant feinté l’aveuglement dès son arrivée, Anne finie par faire preuve d’inconstance. Comprends la situation dans laquelle la bête semble se trouver, ou plutôt, la façon dont il agissait depuis que leur chemin s’était croisé. Une politesse qu’elle ne pouvait de toute évidence nier, mais comme il semblait être comme un chat, mal à l’aise devant un point d’eau. Et Anne n’était pas le genre de personne à acculer les gens, bien au contraire. Ou du moins, elle tendait à être une meilleure personne, différente de ceux qu’elle avait connu jusqu’ici.

« Peut-être est-ce là le sens de notre rencontre ? »

Qu’elle rigole, naïvement.

« Vous êtes perdu, et peut-être qu’en fait, Anne l’est aussi. »

Ce qui serait assez problématique, car elle ne devait pas traîner trop longtemps en extérieur, de peur de croiser des partisans de la Reine de Cœur lorsque son pouvoir ne fera plus effet sur sa personne. Et qu’ainsi, à défaut d’être le gardien de la forêt, la bête était celui qui devait la rappeler à l’ordre.

« Alors il serait peut-être plus raisonnable de revenir en arrière pour retrouver son chemin. »

D’un pas engagé, Anne finit par se séparer de l’arbre qui la portait jusque-là.

« C’était un plaisir de vous rencontrer non-gardien de cette forêt. Peut-être que nous nous perdrons une nouvelle fois ensemble. »

Et que vos chemins se croiseront une fois encore. À moins que vous ne trouviez tous deux ce que vous recherchiez tant. Sur ses mots, qu’elle tourne le dos à la bête. Mains jointes derrière son dos, qu’elle disparaît derrière l’arbre pour faire sens inverse.