Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas arpenté ces mêmes chemins. Des élans de nostalgie, nulle-part elle n'y revient qu'en de rares occasions depuis son retour à la civilisation. Elle se souvient de chaque recoin de cette terre qui fut son lieu de retraite, son havre de paix, son ode à l'expiation. Le vent à nulle-part lui a toujours semblé différent, unique. Elle avait apprécié la solitude de ce lieu durant les longues, très longues décennies de son errance. Encore du mal à ne pas appeler cet endroit son domaine. Enfin, ce n'était pas pour cultiver la nostalgie qu'elle était ici.

Devant elle l'immense tour de l'horloge. Une pensée pour Time, sa disparition, c'était presque comme une mort en soi. Les incarnations, changent, vont de cycle en cycle mais ne disparaissent jamais. Seulement Time on ne te voit plus, c'est comme-ci ta présence n'était plus. Elle frissonne Charline, elle se rend compte que c'est bien la première fois depuis le commencement qu'elle a peur pour un des siens. C'est d'ailleurs aussi pour toi qu'elle est venue, Time. Pour toi et surtout pour lui. Le fruit de tes entrailles, l'enfant miracle. Susan, le seul être de Wonderland qu'on appelle neveux dans le premier sens du terme, avec toujours une immense fierté. Le premier membre de la famille que Mad n'a pas créé. Regardez-le ! C'est Susan, c'est notre adoré et précieux neveux.

Frappe à la porte, et tourne la poignée. D'habitude, elle envoie toujours un petit mot pour prévenir de ses visites. Elle ne l'a pas fait cette fois-ci. Elle se demande si elle ne va pas te surprendre dans une intimité qu'elle n'a pas envie de connaître. C'est que tu es grand maintenant, elle a encore parfois du mal à l'accepter. Mais c'est qu'elle voulait te faire la surprise, comme ces fois où on arrivait à la maison pour te traîner à l'école, te kidnapper une semaine par-ci, par-là, pour vivre de chocolat chaud et d'histoire qu'on inventait, de spectacle de marionnettes et d’expérience culinaire qui ont bien failli la tuer plusieurs fois.

— Su-Susan ?

Elle entre referme soigneusement derrière elle, son petit panier avec les saveurs d'autrefois à la main. Peut-être que tu n'es pas là ? Elle se demande.

— Su-Susan ?

C'est tata.

Ah, ce sourire, ce doux sourire. On ne compte plus toutes ces fois où on est tombé pour lui, on a cédé aux caprices de l'enfance parce que c'était la chose la plus précieuse et la plus belle au monde ton sourire. Peut-être qu'une partie de nous à conscience qu'on s'accapare de ton temps et tes souvenirs par pure jalousie. Parce qu'on est plusieurs, dans la famille, à crever d'envie de mettre au monde, à avoir ce que les "faibles humains" ont et que nous n'aurons jamais. Quand le miracle est venue au monde, quand tu as notre sang dans tes veines, on a cru qu'on avait brisé la malédiction, que tu serais porté en enfant divin. Mais ta mère n'était qu'une femme cupide voulant faire de sa propre chair un vulgaire trophée (sommes-nous si différentes d'elle ?) et ton père n'a pas donné un centième de l'amour que tu méritais.

Le pire c'est que tu pourrais la traiter de tous les noms et la laisser dans le froid qu'elle t'aimerai encore. Notre précieux, si précieux neveu.

— L'éco-cole bui-buisso-ssonière mai-mais sur-surtout je m’in-m'inquiét-tais qu-que tu ne de-devien-nne en-encor-core pl-plus beau san-sans que j-je le sa-sache.

Pose son panier, mais ne te laisse pas le temps de mettre la table. Une moue faussement courroucée quand elle prend ton visage entre ses mains, t'observe de la tête au pied l'air de te dire que c'était inadmissible que tu ne te montres pas plus souvent. Puis, comme toujours, le sourire rayonnant et satisfait quand elle vient te prendre dans les bras. Aussi grande soit-elle tu la rattrapes beaucoup trop vite Susan, elle se souvient d'un temps où c'était à toi de te sautiller pour qu'elle te porte.

— C-C'est qu-que je n-ne vai-vais plu-plus pou-pouvoir t'appe-ppeler mo-mon pe-petit.

Un rire léger, en profite pour t'observer encore, ne résiste pas à la veille habitude de te pincer un peu la joue dans un sourire avant de t'inviter à prendre place, comme autrefois, en sortant les vieilles tartes aux fruits et les salades improvisées fait de tout et de rien. Rayonnante, c'était comme retrouvé les week-ends d'autrefois, quand ta mère envoyait des lettres pour savoir quand "SON enfant allait finalement rentrer" et qu'on répondait dans un sourire complice "Il n'a pas encore fini sa tarte aux myrtilles".

Déjà à ses petits papiers quand elle te serre une part généreuse avant de s’asseoir pour écrire.

— Plus sérieusement, je n'ai pas été non plus très présente et je voulais m'en excuser. Je suis venue te parler, je voulais savoir si tout allait bien depuis qu'il... Depuis qu'il a disparu. Et tu sais Susan que ma porte t'est toujours ouverte, tu peux venir te reposer chez moi quand tu le souhaites, mes promesses d'autrefois tiennent toujours, je ne suis pas celle qui t'ai mise au monde mais ça ne m’empêchera pas de te protéger et te soutenir comme une mère est censée le faire.

Tamponne délicatement nos lèvres pour faire disparaître les traces de fruits. On baisse les yeux sur notre tarte, l'absence de piste nous inquiète aussi. Ce n'est pas la première fois que ton père part aux quatre vents sans prévenir personne, pas la première fois qu'il va en promenade pour ne revenir que des lustres plus tard. Seulement, là, c'est différent, Susan, ça n'a rien à voir, l'ambiance et les sensations ne sont pas les mêmes. On ne saurait te dire pourquoi, comment, juste, c'est différent, c'est cette différence qui fait soulever des foules.

— C'es-est par-particuli-ier cette foi-ois-ci. Ti-Time par-part souve-ent mais il répo-pond aux appe-pels. De ce que j'ai pu enten-tendre, là, il ne répo-pond plus à per-personne.

On s'est demandé s'il n'avait pas été retenu contre son gré quelque part, ou pire. Est-ce que tu rends compte, Susan, de ce que ça serait de voir Time totalement absent, totalement disparu. On doit l'avouer, l'idée de la mort nous a frôlé. C'est un concept qui nous était inconnu jusque-là, pas pour la famille en tout cas. Et si... Et s'il y avait une fin à nos cycles ? Et s'il y avait une fin à nos vies, nos histoires ? Est-ce que Time avait trouvé la fin du temps malgré lui ? Est-ce qu'il était allé ailleurs ? Tant de possibilités et on doutait d'avoir les moyens de toutes les explorer.

— Les gen-ens paniquent, ils panique-quent parce que to-ton père a un rô-rôle.

Wonderland a toujours vécu avec des idées reçues, ancré. Les incarnations sont des repères, de la même façon sur les royaumes de cœur et d'ivoire ne se poseront jamais la question de leur avenir, car leurs reines sont immortelles et destinées à régner. Change un paramètre, Susan, et tu entraînes une perte de te repère. Au final, c'est cela que Wonderland craint, perdre ses repères.

Un regard désolé. Si désolée, Susan. Toi aussi, tu souffres, toi aussi, tu te poses mille questions. Et on aimerait pouvoir te répondre, parce que c'est un peu notre raison d'être. Le dodo savant, qui étudie, instruit, que ce soit à l'observatoire ou dans la maison fleurit, on le fait depuis des siècles et si on a fait une large pose fut-il un temps, on y est revenue, comme on revient toujours à ses premières passions. Mais on aura beau étudier, chercher, on ne pourra pas te donner ce que tu attends. Même pour nous, Susan, il y a des questions auxquelles on n'a pas les réponses.

— Il... Il perm-met de rythmer nos vi-vies, enfin, de ry-rythm-mer vos vies. Tu sai-ais, j'aime à croire que vo-ous valez mie-eux que nous parce que vo-ous avez ce ca-adre qu'est le tem-temps. Vous com-omptez avec les sai-aisons, avec les heures, avec les jou-ours. Pour vous le tem-emps à une réelle signi-nifica-cation. Dans un sens, on pe-peut dire que ton père main-ainti-tient un certain équi-ilibre dans la psych-ché des gens.

Mais le temps n'est plus. Et les heures, les mois, les jours, tous ces repères qui permettaient de rythmer vos vies, de maintenir un équilibre ont soudainement disparu. Et sans repères, vous côtoyez l'éternité. Et l'éternité rend malheureux et fou, Susan, regarde nous. On se saisit de notre tasse, avale une douce gorgée.

— Aujou-ourd'hui, vous voy-yez un peu le temps com-omme nous le voyons, no-ous, les incarna-nations. Et, je ne pen-pense pas que ce so-soiit une bonne cho-ose. Ne plus avoir de tem-emps, ne plus en connaî-aître la valeur, ça ren-rend fou, Su-Susan. Mais plus que to-out, ça rend mal-malheur-reux aussi. Mad est une cho-chose, mais nos mal-alheurs et l'étendue de nos sou-ouffran-ances viennent aussi essentie-tielllem-ment du fait que no-ous ne leur voyo-ons pas de fin. On ne peu-peut pas se dire que dem-main tout ira mi-mieux, car il n'y a pas de dem-main. Notre vision du temps est... Com-omme un jour sans fi-fin. C'est épuisant et les mor-ortels comme vous ne dev-vraient pas con-connaî-naître ce genre de fléau. Ton pè-père... Même indi-directe-tement, vous protè-tège d'un grand malheur.

Une autre valeur. L'idée nous surprend, aussi honteux que ça puisse l'être, on n'y avait jamais réellement pensé. C'est peut-être la propre fatalité de notre existence qui a fait réduire notre champ des possibles. Piégée par les lignes que Mad a écrites, on n'avait jamais regardé Wonderland et le reste sous un prisme plus large. Comme si les règles du monde n'étaient pas discutables, comme-ci tout était fixe, irremplaçable. Mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? C'est ce que tu es en train de nous dire, Susan ? Que ces règles avec lesquelles on jongle ne sont pas aussi ancrées et sainte qu'on le pense . Qu'on pourrait s'en affranchir et explorer des hypothèses encore jamais formulées ? En tant que chercheuse, ça nous fait ouvrir de grands yeux, battre le cœur d'une excitation nouvelle. On a tant étudié, Susan, tout en se censurant. Quand on demande dans un souffle, la tasse à la main :

— Que veu-veux-tu dir-re, mon an-ange ?

On se redresse un peu plus sur notre siège, d'un coup les petits gâteaux nous semblent dérisoires, de peu d'intérêt. Il suffit d'inventer ce demain ? Mais comment ? Un demain où on pourrait se libérer de l'éternité si on le souhaitait ? Un demain où l'on pourrait au moins avoir l'illusion de vieillir si on le voulait ? Oh, ce serait si beau, un demain où on serait tous au même rythme, Susan. Mais comment, mon tout petit, comment ? Tout semble si étriqué, figé, comme des murs de béton qu'on ne pourrait casser.

Et on se retasse sur notre siège quand tu évoques la peur de manquer de temps. Le visage d'Esthef traverse notre esprit, ses mots résonnent encore. Le cœur se serre un peu. Cette idylle était d'une course folle, est-ce parce qu'il avait peur, Esthef ? Peur de ne pas avoir le temps ? Peur de partir en ayant des regrets ? La tasse entre nos mains, est-ce que toi aussi tu as peur Susan ? Est-ce que cette limite qui est la vôtre vous angoisse plus que l'éternité nous rend fous ?

— Est-ce qu-que tu as pe-peur ? E-Est-ce que cet-tte peur te pou-ousse à faire des cho-choses foll-lles et objective-vement déraisonna-nnables ? Est-ce que c'est... Si effray-frayant que ça d'avoi-oir comme un compte à rebou-bours au-dessus de so-son crâne, est-ce qu-que ça t'angoi-oisse, Susan ?

On est consciente que ça fait beaucoup de questions. On est consciente aussi que ça doit te surprendre, peut-être as-tu besoin d'explication.

— Mo-Moi... J'ai toujou-jours pris volontai-tairem-ment mon temps avec vou-vous. Aller vi-vite, c'est comme officiali-liser que le temps pa-passe et qu'on franch-chit certaines éta-tapes pour ça. Ça me ram-mène au fai-ait qu'un jour, vous parti-tirez et... Si ça me ren-rend heureuse de voir les cho-choses avan-vancer, ça m'effrai-ffraie profondé-dément aussi. Mais je n'avai-vais jamais pensé que pou-our vous, cette envie d'occup-per chaque secon-conde était peut-être tout au-aussi vitale que le tem-temps qu'on lai-aisse défiler pour nous.

Une gorge de thé, on s'empare d'une cuillère pour faire distraitement tourbillonner le liquide.

— Susan, pui-puis-je te confi-fier quelque cho-chose ? On veut m'épou-pouser de nouveau.

Ils ressentent quelque chose. Oui, tu as sans doute raison, Susan. Ils ressentent quelque chose, ça veut dire qu'Esthef aussi, Vanille, tous les autres. On y réfléchit sérieusement, on a écrit sur le temps pourtant, beaucoup, on a des pages et des pages noires d'encre à l'observatoire pour en témoigner. Pourtant, on se sent toujours incapable de pleinement comprendre cette différence entre vous et nous. On se demande, si on a un jour l'opportunité d'être aussi mortel que vous, comment on appréhenderait cette différence. Est-ce qu'on aurait peur ? Est-ce qu'on ne serait pas au contraire plus vivante encore ? Est-ce que les couleurs seront plus vives, parce qu'il y a une dernière fois tangible autour de nous ?

On baisse la tête, le regard encore plus songeur quand tu demandes, Susan, si se sent prête. On se tasse dans notre siège, pose la tasse, le regard qui balaye le sol...

— Je ne sai-ais pas si je su-suis prê-prête pou-pour ça.

On lâche la vérité, parce qu'elle est bien là. Son sourire nous fait fondre, mais on reste attachée au fait qu'on finira par le pleurer devant sa tombe, que la seule fine de cette histoire, ce sera lui qui s'effacera et nous qui ne pourrons pas le rejoindre. Comme toutes les autres fois. Que ça ne fera mal, peut-être même plus mal que toutes ces fameuses autres fois. Parce que la fatigue s'installe dans le cœur, pourtant ce même cœur ne s’anesthésie pas avec le temps. On n'aura ni enfant, ni héritage à léguer, on sera encore jeune, belle ou beau, mais seule. Comme à chaque fois. Et on ne sait pas Susan, si on arrivera à se relever. Parce que son époque à lui, c'est aussi la tienne. C'est l'époque où Esthef nous demandera d'enterrer ses enfants en plus d'un époux. Et on ne sait pas si on pourra, Susan, pas au côté d'un Opal condamné dans un bonheur éternel, pas au côté d'une Juliette qui trouve par miracle chaussure à son pied. Quand on y pense la mélancolie nous prend, alors on n'y pense pas. Mais pourtant, Susan, chacun de ses sourires, chacune de ses caresses... On voudrait lui offrir son rêve, pour qu'au moins lui puisse partir sans regret. Parce que c'est un peu ça, le but de l'amour, sacrifier son cœur pour baptiser de bonheur l'autre.

— Mai-ais ce que tu as di-dit sur le temps me fai-ait réfléch-chir. Le tem-emps que je sois réel-llement prête, il sera vi-vieux. Je peux passer plus d'un-une vie d'hom-mme à hésit-ter. Et, c'est puéri-ril, mais j'ai en-envie de le voir heu-heureux. Puisque je sai-sais que je serais cell-lle qui ira pleurer sur sa tom-tombe à la fin, est-ce qu-que je ne peu-peux pas de son vi-vivant lui acc-coorder ce qu'il veut vraiment ? Est-ce qu-que je ne peu-peux pas, igno-gnorer la fin de l'histoi-toire pour profiter de chaque secon-conde comme vous le faites vous ?

On te lance un sourire triste, dit Susan, est-ce qu'on peut ?

— Bien sû-sûr, je ne dis pas que l'épou-pouserai maintenant. Même pou-pour un mor-mortel, les choses vont trop vî-vîtes. Mais je dis ju-juste que je ne devrai pa-pas trop tar-tarder. Tu sais, ça me terri-rrifie de l'admett-ttre, mais je crois que je l'ai-aime.

Un soupir, le menton tremblant.

— Sapristi qu-que c'est ridi-dicule ! Toute l'éterni-nité que je sui-suis là et pa-pas fichue de maî-maîtriser son cœur. O-Opal va enco-core rouler des yeux. Comm-comme quoi la vi-vieillesse n'apporte pas la sa-sagesse, mon an-ange.

Et le pire, Susan, c'est que tu roulerais probablement des yeux si on te disait de qui il s'agissait.

T'as la réponse, Susan, et elle est si simple. Tu la balances comme on balance la plus évidente des banalités, comme-ci les mots n'avaient pas de poids. Alors pourquoi ils sont si lourds, Susan, ces mots qu'on retient dans notre gorge ? Pourquoi on appréhende tellement de les dires ? Est-ce parce qu'on a peur qu'ils sonnent moins légitimes, parce que ce ne seront pas les premiers qu'on prononce à l'encontre d'un être aimé ? Ou est-ce par lâcheté, parce que tant qu'on garde l’ambiguïté, on garde une porte de sortie ?

Dans nos mains, on agrippe notre tasse, un temps qui nous appartient, hein ? Plus mélancolique qu'anxieuse, voilà ce qu'on est pour l'heure. On se demande si le temps, nous un jour réellement appartenu. Est-ce que Mad continue d'écrire nos lignes en coulisse ou est-ce que sa simple introduction nous a tant conditionné qu'on se joue plus pantin qu'on ne l'est vraiment ? Un temps rien qu'a nous, c'est idée qu'on ose à peine toucher du doigt et pourtant on en meurt d'envie.

— Tu approu-pprouves donc.

On ne retient pas le soupir soulagé entre nos lèvres. C'est idiot, tu vois, on se préoccupe plus de l'avis de ceux qui partent que de celui de ceux qui vont rester. Mais tu es comme notre fils, Susan, tu es cet enfant qu'on a élevé comme le nôtre, pour lequel on battit un cocon de normalité, un joli paysage qu'on a appelé famille. On a recopié tout ce qu'on a pu apprendre et lire de ce qu'est une famille, de ce qu'elle fait, de comment elle se doit de fonctionner. Aujourd'hui encore, même si tu n'as plus le visage aussi rond qu'autrefois on tente de maintenir la bulle. Pour que le jour où tu en ressentes le besoin elle soit là, prête à l'emploi, prête à te bercer de nouveau.

— Merci, Su-Susan, que tu approu-pprouves compte plu-plus que tu ne le croi-crois.

On pose notre regard sur toi. Ah, comme on est fier, Susan, fier de l'homme que tu es, fier de l'être que tu deviens. Tant de tendresse dans tes yeux, tu es à nos yeux le meilleur fils auquel on pourrait prétendre. On ira soulever des montagnes pour ta propre gloire. On ne t'a pas mise au monde, mais c'est tout comme.

— Ceci di-dit... Est-ce que tu approu-pprouverais enco-core si je te disais que ce-cette personne ne t'est pa-pas étrangère ?

Bois une gorgée de thé, l'air de rien. Détourne légèrement le regard. On ne sait pas si ton opinion ne changera pas après ça. C'est qu'on a le chic pour choisir des compagnons et des compagnes de vie très controversé(e)s.

— Un certain mai-maire, très porté su-sur le tra-travail, fabu-buleux cuisi-sinier également mai-mais ce n'est pas for-forcément ce qu'on co-connaît de lui.

Tarte qui se fige dans ta gorge, l'espace d'un instant on se lève pour se rasseoir aussitôt. On ne peut pas dire qu'on n'avait pas anticipé ce genre de réaction. Détourne le regard, est-ce que ça te gêne au final ? Très certainement. Le désavantage quand on s'éprend de ce qu'on a en commun. Tout devient plus compliqué, le jugement se fait sa place. On se tasse un peu plus dans notre siège, on n'a pas envie d'être ferme avec toi, Susan.

— Tu n'es pa-pas obli-bligé.

Même si on sait que tu le feras. Parce que tu as ce côté protecteur parfois. On se souvient de toi petit, parfois l'impression de voir un chevalier en armure alors que tu nous arrivais aux genoux. Et tu as grandi depuis, Susan, mais il y a des choses que ne changent pas, qui ne changeront jamais.

— Tu n'es vrai-vraiment pas obli-bligé.

Bout de tarte entre les lèvres. On préférait ne pas avoir à rajouter du compliqué sur du compliqué, Susan. C'est que l'orage est presque-là.

— J'aimerai un pe-peu de paix, Su-Susan. Je ne veu-veux plus de gue-guerres. Est-ce que ce-cela change quelque cho-chose pour toi ?